Voici un livre plein de surprises :

· Un géographe, Claude Collin Delavaud, professeur à Paris VIII, livrant un ouvrage d’histoire.
· Un titre qui cache le jeu du second conflit mondial dont l’épilogue survient cette fois-ci en mai 1946.
· Un führer, grand stratège, capable d’anticiper et de déterminer une stratégie à long terme.

Au final, un livre d’histoire, situé entre le wargame de table Blitzkrieg et les grandes chroniques relatant la seconde guerre mondiale au jour le jour, relevant de l’uchronie, mais aussi une grande leçon de géographie pour laquelle cartes et atlas, personnels car les cartes proposées sont peu lisibles, accompagneront le lecteur suivant les chevauchées des panzers de Guderian, Manstein et consorts en URSS et en Asie centrale.

Car oui, dans cette histoire, l’empire nazi s’étend tel celui d’Alexandre le Grand jusqu’en Iran mais le surpasse car au moment de son extension maximale, le territoire contrôlé par l’Axe Rome – Berlin – Madrid – Istanbul court des Highlands à Tachkent et de Magnitogorsk au Maroc.
Mais comment expliquer une telle réussite ? Et là on en revient au titre, les sept erreurs stratégiques fatales de Hitler. D’entrée, l’auteur le précise, on peut discuter ses choix et l’idée d’un führer fin stratège car pour lui, il s’agit simplement de se dire : et si Hitler n’avait pas commis une série d’erreurs stratégiques, l’issue de cette guerre eut-elle été différente ?

Et si Hitler avait gagné ?

Une grande partie du développement laisse à penser que cette victoire eut été envisageable. Les victoires et occupations de la France et surtout du Royaume-Uni laissaient à l’Allemagne les mains libres à l’est ; à cette occasion, Hitler ne sous-estima pas les réactions des démocraties occidentales à l’invasion de la Pologne (première erreur évitée) et envisagea dès 1939 l’invasion de la Grande-Bretagne en cas de défaite française (seconde erreur).
Suite à la défaite britannique, Churchill choisit de poursuivre la guerre dans l’empire tout comme la France mais, troisième erreur évitée, la formation d’un axe sud fort Espagne-Italie, motivé par la distribution promise des colonies franco-anglaise, aux côtés de l’Allemagne permet la conquête de l’Afrique du Nord et le passage du canal de Suez.
Mais la grande affaire se situe désormais à l’est et là encore, l’erreur est évitée : finie la triple offensive visant Leningrad, Moscou et l’Ukraine, place à une offensive majeure direction Moscou, prise en novembre 1941. A ce moment du récit, la situation n’est pas loin d’être désespérée pour les Alliés ; leur reste à faire le dos rond en attendant l’aide américaine massive.
Le 7 décembre 1941 précipite les choses et permet à Roosevelt de s’engager franchement dans le conflit car, et là l’auteur suit l’histoire, Hitler décide de déclarer la guerre aux Etats-Unis contre lequel il n’obtiendra aucune soutien japonais ; là se situe la seule des sept erreurs stratégiques que le Hitler de cette guerre commet. Ici, il est utile de préciser que l’auteur laisse la guerre dans le Pacifique suivre son cours sans rien changer, ne revenant vers elle que pour signaler la défaite japonaise.

A partir du début de l’année 1942, une course contre la montre s’engage entre les deux camps : les Alliés cherchent à gagner du temps en abandonnant du terrain dans l’attente des renforts américains, l’Axe décide de forcer l’Oural, d’y établir la frontière orientale de son empire et d’engager des pourparlers de paix. Seulement les alliés rejettent cette alternative et compte sur la machine industrielle américaine pour retourner la situation à leur avantage.
Toutefois ceux-ci, réalistes, évaluent à trois ans le temps nécessaire pour regagner le terrain perdu. Et là le récit prend encore de l’ampleur ; afin de mettre fin plus rapidement au conflit, les Alliés décident d’une stratégie en deux temps : le bombardement atomique des installations dédiées au programme nucléaire de l’Allemagne et un débarquement à l’ouest, plus précisément en Espagne.

Terminer en 1946

Plus rapidement que dans la vraie histoire, les américains développent l’arme atomique et ce pour au moins deux raisons : l’occupation de la Grande-Bretagne et le développement sous l’impulsion de Hitler d’un programme nucléaire allemand. Le 28 avril 1945 marque le début de la fin pour l’Allemagne : plusieurs vagues de bombardiers détruisent à l’aide de plusieurs bombes atomiques Peenemunde, site de V1 et de V2 et Degussa, site de mise au point de la bombe atomique allemande. La réussite de l’opération, malgré de lourdes pertes fragilisent l’Axe et plus particulièrement l’Espagne. Un an après l’offensive aérienne alliée, ceux-ci débarquent en Espagne qui change de camp. Un mois plus tard en mai 1946, la guerre s’achève sur une défaite de l’Allemagne alors que celle-ci était à l’apogée de sa puissance ; malgré l’assassinat de Hitler par Stauffenberg, les Alliés rejettent toute négociation et imposent une reddition sans conditions.
L’Allemagne est occupée et la Wehrmacht, invaincue sur le terrain, doit abandonner le terrain conquis sans combattre, remplacée par l’armée américaine en Europe de l’est. L’épilogue s’attarde sur les conséquences de cette guerre : la guerre froide a bien lieu mais l’Europe de l’est ne se trouve pas sous la coupe soviétique, la décolonisation est prévue à la suite d’une période transitoire de 5 ans, l’Europe entière en sort ravagée et grandement affaiblie.

Que dire de ce livre ? Dans la préface et le développement, des précautions ont été prises ; ce livre est un « wargame », un « docufiction ». C’est bien le cas et c’est plutôt passionnant pour tous ceux qui sont férus des aspects militaires du conflit, mais peu utile à l’enseignant, même si l’on reste sceptique sur les réelles valeurs combattives des armées espagnole et italienne ou sur la possibilité pour les Américains de fabriquer et lancer plusieurs bombes atomiques en une opération. Quant à savoir si le Hitler lucide de « cette guerre » pouvait remporter ce conflit : c’est non car comme le dit l’auteur, malgré les bonnes options stratégiques prises par le IIIème Reich, restait une série de problèmes insolubles :
– Le facteur temps d’abord, l’Allemagne avait pour réussir une fenêtre de tir assez courte avant que les Etats-Unis ne soient pleinement opérationnels puisque du fait de l’occupation de l’Angleterre, ceux-ci mobilisent leur économie plus tôt dans le conflit.
– Les facteurs espace et population, ce conflit laissait l’empire nazi face au reste du monde dominant les circulations océaniques.
Bref même si le scénario de départ de ce récit d’histoire alternative est tout à l’avantage de Hitler, l’issue reste identique, « l’histoire a eu raison ».

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