Les défaillances des Etats dans le traitement de certains dossiers (Tchernobyl, sang contaminé, amiante, « vache folle », canicule de 2003, chikungunya…) sont à l’origine d’une remise en question de leurs capacités à gérer les risques. La « sécurité sanitaire » inquiète l’opinion publique.
C’est pourquoi, dans le contexte de la « peste aviaire » et de la pandémie de grippe qui pourrait l’accompagner, les pouvoirs publics français ont mis sur pieds des dispositifs de prévention et de gestion des risques particulièrement importants. L’INHES (Institut National des Hautes Etudes de Sécurité) a réuni des experts de la sécurité sanitaire lors d’un colloque en 2006 pour approfondir la réflexion sur les dispositifs jusque là engagés. Ce rapport reprend les différents points de vue des participants du séminaire.
L’INHES, crée en 2004, est rattaché au ministère de l’Intérieur. C’est un lieu de formation, de recherche, d’échanges et de débats dans le domaine de la sécurité. Claude Gibert, le coordonnateur du rapport, est directeur de recherche CNRS, responsable de l’axe Risques et crises collectifs au CNRS de Grenoble.
Ce rapport se fonde sur l’analyse de documents officiels (plan gouvernemental de prévention et de lutte « pandémie grippale ») et sur les expériences des participants du séminaire. Au-delà des mesures à prendre en cas de crise de type grippe aviaire, ce rapport présente une bibliographie fournie sur l’histoire des pandémies (précisant notamment des adresses de livres numérisés et disponibles sur Gallica) et sur les risques. Le livre de Frédérique Audouin – Rouzeau Les chemins de la peste a étéchroniqué.
Face à la menace de pandémie grippale.
La pandémie grippale est plus une menace qu’un risque, tant les incertitudes concernant la mutation ou l’hybridation du virus H5N1 et les caractéristiques de la maladie, elle-même sont importantes. On sait encore trop peu de choses sur les modes de propagation, d’incubation, les symptômes et les possibilités d’immunisation. L’articulation épizootie / pandémie reste très floue. L’OMS prend très au sérieux cette menace. Elle se base, pour cela, sur l’épidémie de grippe espagnole (1918 – 1919). 21 millions de personnes pourraient être touchées en France par la grippe aviaire.
Les efforts de la France, sous la houlette de l’OMS, portent essentiellement sur la surveillance de l’épizootie provoquée par le H5N1. Des mesures de police (quarantaine, limitation des échanges, confinement ou abattage des élevages…) peuvent être couplées à des mesures médicales préventives (distribution de masques et antiviraux) ou curatives.
Des incertitudes.
C’est le caractère flou de cette maladie qui fait que l’on a beaucoup de mal à prendre au sérieux la menace. Le recours à l’histoire des maladies peut aider mais, très souvent, le contexte est loin d’être le même. Aussi, le cadre d’action reste très sommaire. Si, dans un premier temps, une situation d’état d’urgence doit être mise en place très vite (fermeture des écoles et des lieux publics, limitation des échanges), il faut penser à passer à un autre stade rapidement pour que la vie collective puisse reprendre, même sous une forme adaptée (comme on a pu le faire, en mettant en place une économie de guerre, pendant la première guerre mondiale). Pour cela, il semble nécessaire que l’Etat s’appuie sur la société civile (entreprises, médias, associations…). Le passage d’une situation à l’autre n’a pourtant rien d’évident, d’autant plus que la maladie peut s’interrompre pour ensuite reprendre de plus belle.
Un regard critique sur les mesures en place
Même si le pedigree gouvernemental de l’INHES marque ce rapport, il est intéressant de noter le regard critique que les auteurs portent sur les mesures en place. Ils insistent sur les aspects contradictoires de certaines mesures et sur les difficultés d’application. Ils mettent l’accent sur le fait que, pour être efficaces, les mesures préventives ne doivent pas chercher à sauvegarder des intérêts économiques ou politiques de certaines régions, comme cela a été le cas lors de la précédente crise (Ain, 2005). L’Etat doit pouvoir imposer ces mesures sans que le local nuise à leur mise en place. De même, ils restent sceptiques sur l’efficacité des masques et des antiviraux.
Les auteurs mettent en garde les pouvoirs publics sur le fait que le virus H5N1 n’est pas le seul ennemi à combattre et que d’autres virus peuvent être la cause d’une pandémie de ce type. Toutefois, ils pensent qu’il est peu probable que la maladie se transmette massivement à l’homme si les mesures de prévention sont correctement appliquées, notamment au niveau des élevages et du respect des zones de quarantaine.
Dans le cas d’une diffusion plus large et d’une crise qui dure, le plus difficile sera de gérer les personnels dont le taux d’absentéisme risque d’être important (contamination par le virus, ou de leurs proches). Il est nécessaire de penser à la gestion des biens et des services, surtout dans le cas d’une gestion à flux tendus, dans le contexte d’une limitation des échanges. Ils mettent en garde les pouvoirs publics sur la capacité d’adaptation des sociétés face à une situation de crise. Des décennies de confort et de périodes de paix les amènent à douter des capacités d’adaptation des populations. De plus, il apparaît nécessaire que l’Etat soit transparent dans le contexte de la crise et qu’il ne cache rien aux populations (cf. la gestion de l’information autour du nuage de Tchernobyl). Une réflexion autour de la notion de résilience doit être menée, étant donné que la situation peut être amenée à durer. Une réflexion plus large sur la vulnérabilité de nos sociétés face aux risques et aux crises à venir doit être menée aussi.
Ce petit rapport trouve toute sa place dans les programmes de collège et de lycée. La question de la mondialisation permet d’aborder ce problème. Des manuels de troisième (édition 2007, Magnard) ont retenu cet exemple. Le virus n’a que faire des frontières des Etats. La multiplication des échanges, dans le cadre de la mondialisation, accélère la diffusion des maladies.
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