Gérard-Henry Baudry, Les Symboles du christianisme ancien, Ier-VIIe siècle, Le Cerf, 2009, 239 p., 44 euros
Voici un ouvrage qu’on pourra recommander aussi bien à ceux qui enseignent les débuts du christianisme, qu’à tous ceux qui, à titre personnel, désirent en comprendre certains des aspects aujourd’hui difficiles à décrypter. L’abondance des illustrations, de très belle qualité, renforce l’attrait d’un ouvrage qui, grâce au choix d’une couverture brochée, est vendu à un prix relativement modique.
Les représentations iconographiques chrétiennes dans l’Antiquité Tardive
Les illustrations sont au cœur du projet de l’auteur, qui s’intéresse aux symboles repris dans l’iconographie à cette période. Ce parti pris lui permet de circonscrire son thème en laissant de côté nombre de symboles textuels, et en évitant de lasser le lecteur. À cette époque, en effet, le répertoire iconographique reste limité et stylistiquement homogène ; durant les siècles qui suivirent, les différentes régions empruntèrent des voies artistiques divergentes et les artistes ajoutèrent nombre de nouveaux symboles.
La période retenue est divisée par la paix de l’Église en 313 : jusque là, les rares représentations étaient funéraires (catacombes peintes, sarcophages sculptés). Comme le précise l’auteur dans sa très riche introduction, l’Église n’exerçait pas de contrôle strict sur ce répertoire, si bien que des motifs d’origines diverses y furent intégrés. Après 313, les représentations se multiplient sur des nouveaux supports, ne particulier sur les édifices de culte.
L’auteur est pourtant bien conscient des limites du corpus puisque beaucoup de bâtiments ont disparu, soit par suite de l’évolution urbaine « normale » (ainsi, la seule maison-église, qui servait aux communautés chrétiennes avant 313, à avoir été conservée, est celle de Doura-Europos, dans l’actuelle Syrie), soit par destruction volontaire, surtout durant la crise iconoclaste. Cette dernière, qui sévit au VIIIe siècle dans l’Empire byzantin, entraîna la destruction des représentations anthropomorphiques; fort heureusement, les papes refusèrent d’appliquer les instructions de l’Empereur dont ils contestaient l’autorité. Cette situation explique la part très importante de l’Empire occidental, et plus particulièrement de Rome, dans ces illustrations.
Un symbolisme puisant à des sources diverses
Le symbolisme chrétien est naturellement d’origine hébraïque avant tout, puisque l’Ancien Testament annonce le Nouveau, et que ses grands évènements et personnages sont interprétés par les chrétiens comme autant d’annonces du message et de la nouvelle alliance portés par le Christ. Cependant, l’auteur montre aussi que d’autres traditions furent reprises par les chrétiens. Ainsi d’Hercule combattant l’hydre, devenu une figure du Christ triomphant de Satan. Le symbole du Christ-pasteur entrait en résonance avec les représentations bucoliques si prisées dans l’Empire, où elles incarnaient l’harmonie cosmique : il était dès lors aisé de lui conférer un sens théologique, d’autant que cela évitait le risque de poursuite politique. Le Bon Pasteur est ainsi la scène la plus représentée dans les catacombes romaines. Le mythe d’Orphée avait déjà été repris dans la tradition juive, qui avait comparé le musicien de Thrace à David ; il fut appliqué à Jésus, d’autant plus qu’à la tradition pastorale s’ajoutait l’épisode de la descente aux Enfers, où le Christ était aller chercher les âmes des justes.
En Égypte, l’Église copte adopta la « croix ansée » ou « clef de vie » : cette croix dont la branche supérieure est remplacée par une anse, est un hiéroglyphe signifiant « la vie », inscrit sur nombre de temples et de monuments de l’époque des pharaons. Le passage consacré à la croix et à « l’économie de la croix », c’est-à-dire au symbolisme du bois, et plus généralement le chapitre sur le symbole du bois, est particulièrement instructif.
L’ensemble est structuré en huit chapitres qui permettent une lecture cursive, mais on peut aussi se servir de l’ouvrage comme d’un dictionnaire. Naturellement, une telle classification comprend certaines faiblesses (le chapitre sur « les symboles empruntés au milieu culturel » n’a pas réellement de cohérence), mais c’est inévitable lorsqu’on tente de mettre en ordre un tel foisonnement.
La seule critique concernera plutôt les légendes des illustrations : on aimerait qu’elles soient plus détaillées et rédigées dans une perspective d’histoire de l’art, qu’elles situent plus systématiquement les symboles représentés dans le contexte plus général des objets ou bâtiments. Elles s’en tiennent en effet souvent à une fonction purement illustrative. Ce bémol mis à part, il s’agit là d’un ouvrage de qualité, agréable à lire et instructif, à offrir ou à s’offrir.
Yann Coz