Le sport, les sports ou les pratiques ludo-sportives occupent désormais une place conséquente dans nos sociétés. Du sport-spectacle-business des Jo ou du Superbowl aux pratiques individuelles ou plus confidentielles, l’activité sportive est omniprésente dans les faits mais curieusement peu étudiée par les géographes français jusque dans les années 80. Quelques pôles (Besançon, Bordeaux…), quelques chercheurs (Jean-Pierre Augustin) ont défriché ce vaste champ qui, depuis ces « premiers temps », a fait l’objet de quelques thèses mais l’article concluant cet ouvrage, suite papier d’un séminaire organisé par l’université de Perpignan sur la géographie du sport, illustre par le biais d’une comparaison entre les atlas nationaux français et allemand le peu d’intérêt reconnu et porté à ces questions.
12 communications, s’attachent à nous éclairer sur deux thèmes particuliers : les politiques sportives et les pratiques sociales en tant que créatrices nouveaux territoires.
Politiques sportives au pluriel car on les observe à plusieurs échelles (nationale, régionale, municipale) et sont le fait de plusieurs types d’ acteurs (collectivités, ligues professionnelles).
Ces dernières, assurant les compétitions, recherchent la viabilité dans un contexte de concurrence entre sports majeurs et commandent de plus en plus d’études afin de pérenniser ou d’améliorer compétitions et attractivité à l’image de la FFBB à la recherche d’une formule optimale pour son « produit ».
Le sport professionnel associe économie et spectacle et les villes, actrices essentielles dans le domaine sportif, doivent effectuer des choix et dans ce cas, observer la hiérarchie urbaine, c’est observer des politiques sportives différenciées : diversité des engagements et recherche d’une visibilité par les résultats des équipes de haut niveau dans les grandes villes, spécialisation obligatoire pour les petites. Dans le cas des villes moyennes (50 000-150 000 habitants dans cet ouvrage), trois options émergent : un engagement conséquent mais non spécialisé, le renoncement à un engagement ou une adaptation aux caractéristiques locales. Chaque ville possède donc une totale liberté dans ce domaine d’autant plus que ce sont elles « les principaux financeurs publics su sport » comme le rappelle Régis Keerle qui ajoute, citant D.Charrier, que « les politiques sportives restent peu formalisées ».
Les exemples de Perpignan et Besançon permettent d’aller plus avant concernant ces villes moyennes.
Ici s’opposent deux stratégies comparées par Sébastien Roumiguié. Perpignan a opté pour une spécialisation rugbystique s’appuyant sur l’USAP et les Dragons Catalans. Subventions et médiatisation de ces clubs (surtout l’USAP), vecteurs de l’identité catalane, forment les piliers de cette politique laissant des miettes aux autres disciplines. Or, les études démontrent que ces disciplines, le 15 mais plus encore le 13, ne sont pas les plus pratiquées, le football restant le sport majeur en termes de licenciés. Besançon a, quant à elle, choisi d’apporter son soutien à plusieurs sports et équipes de haut niveau. Foot, hand et basket et leurs quatre clubs disposent de subventions municipales supérieures à toutes celles attribuées par Perpignan à ces associations sportives mais cette politique n’est guère viable et laisse la ville face à un dilemme : sacrifier des clubs pour parvenir aux résultats et à la médiatisation recherchée ou renoncer à cette dernière mais garder les quatre clubs. Ces deux villes moyennes ont, par contre opérer le même choix en termes d’infrastructures : rénover plutôt que construire.
Les villes restent aussi d’excellents observatoires des temporalités des territoires sportifs que Stéphane Merle étudie à partir de l’exemple de Saint-Etienne. Il rappelle dans cet article l’existence d’une tradition sportive forte représentée par l’emblématique stade Geoffroy-Guichard construit en 1931 et qui, traversant les époques, reste un haut-lieu sportif en demeurant l’antre des Verts. Toutefois les changements d’équipes municipales et de modes sportives ont influencé les politiques d’équipements sportives, entre équipement du centre et logique de proximité, entre prise en charge ou non des nouvelles activités de sport-loisir. Mais les clubs, par leurs apports médiatique et territorial, restent le vecteur privilégié par la municipalité stéphanoise ; l’auteur développe toutefois le cas d’Andrézieux-Bouthéon, commune de banlieue, devenue un pôle régional, concurrençant en cela la ville-centre.
Entrevus pour Saint-Etienne, la politique et les politiques jouent un rôle fondamental dans le football corse. Au regard de l’hexagone, la Corse est un tout mais sur le terrain deux Corse existent symbolisés par deux clubs, le SC Bastia et l’AC Ajaccio. Chacun de ces clubs se rattache aux politiques dominants chacune des villes, représente sur le continent l’identité corse et les différentes factions nationalistes de l’île mais reflète dans le même temps le recul de l’état au profit des pouvoirs locaux. L’identité corse est toutefois quelque peu « chahutée » par le maintien de dénomination anglaise et la quasi-fin de la présence corse dans les effectifs d’équipes professionnelles recrutant sur le marché européen des transferts.
La seconde partie du livre aborde le sport en tant que pratique centrale dans la formation de nouvelles territorialités. L’exemple pris par David Giband du football aux Etats-Unis permet d’appréhender les territoires de ce sport dans un pays où les distances rendent délicate la mise en place d’un championnat national et dans lequel le sport se structure autour de franchises et de ligues. Ce sport gagne néanmoins des licenciés à tel point qu’il a rejoint dans ce domaine le base-ball. Fini le temps du sport ethnique et marginal, le foot s’est intégré à la société américaine même s’il reste très présent dans une partie de la communauté hispanique. Le cas de Philadelphie plus particulièrement observé permet d’identifier deux types de pratiques et de territoires : un soccer de banlieue pavillonnaires à majorité blanche, plutôt féminin, de proximité et s’appuyant sur le bénévolat parental et un futbol hispanique, affirmation d’une identité nationale et culturelle, sans correspondance entre résidence et pratique, symbole d’une population aux comportements hétérolocalistes.
Autres pratiques, autres territorialisations, les sports de glisse comme le windsurf et le kite surf constituent des exemples de disciplines à la recherche de nouveaux territoires, de spots inconnus. Sports majoritairement adulte, contrairement à l’image renvoyée par les médias, mais compréhensible au vu du coût et du temps nécessaires à leur pratiques, windsurf et kite surf occupent une place croissante sur le littoral de Cerbère à Leucate, zone étudiée par Claire Boulé, en raison des conditions proposées par ce territoire (vent, houle). Claire Boulé développe les étapes du processus de territorialisation : reconnaissance du spot, premières sessions, médiatisation du spot. Dans le même temps, le spot s’organise en espaces aux fonctions précises. Le succès de ces sports devrait amener les collectivités à réagir en particulier face aux risques de surfréquentation et à la multiplication des conflits d’intérêts entre usagers du littoral.
Enfin les rapports entre vieillissement et sport constituent le sujet de l’article de Mickaël Petiau. Ces deux thématiques n’ont pas encore reçu toute l’attention espérée par l’auteur l’expliquant par la nouveauté que constitue la diffusion du sport chez les personnes âgées. L’auteur choisit soixante ans, limite subjectif comme il le reconnaît, comme âge plancher, d’une population qu’il divise en moins de 75 et plus de 75. Dans l’aire urbaine de Perpignan, cette population pratique, par nécessité et par volonté d’entretien physique, une série d’activités variées : marche, gymnastique (pratique féminine), cyclotourisme, danse, randonnée pédestre et pétanque. Elle privilégie proximité et présence d’équipements même si les pratiques sont différenciées en fonction de l’autonomie et donc de l’âge : les plus de 75 ans plébiscitant les lieux de pratique instantanée ou de proximité alors que les moins âgés peuvent plus facilement pratiquer dans des clubs, natation, tennis ou golf. Une constante est remarquée à cet âge, la disparition des sports collectifs. En conclusion, Mickaël Petiau met en évidence la part prise par les personnes âgées dans la « consommation sportive » et suggère la réalisation d’études afin « d’évaluer le degré et la qualité de l’offre des territoires communaux » à la fois pour répondre à une demande en augmentation constante, rentabiliser les investissements lourds consentis pour certains investissements (construction de piscines).
Pour tous ceux qui s’intéressent au sport au-delà des résultats dominicaux, il leur faut lire ce compte-rendu de séminaire. Si les articles envisagent des aspects précis de la géographie du sport, ils n’en restent pas moins éclairants, leur lecture pouvant être complétée par la géographie du sport de Jean-Pierre Augustin. Parmi tant d’autres qualités, on peut lui reconnaître de battre en brèche certaines idées reçues sur le football aux Etats-Unis, les pratiquants des sports de glisse mais aussi de permettre de comprendre que le sport, en plus de la pratique, entraîne des formes d’appropriation des territoires particulières.
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