Depuis 2013, la revue Urbanisme a changé de maquette. Elle entend être la « Revue de référence de ceux qui font la ville, de ceux qui la pensent, de ceux qui l’étudient et plus généralement de ceux qui l’aiment. […] Plus encore que par le passé, la revue veut dépasser les frontières, accueillir des auteurs de tous horizons et appréhender les transformations des villes à l’échelle mondiale. »

Ce numéro trimestriel de l’hiver 2021 contient un dossier de plus de 40 pages intitulé « Se déplacer, décarboner, ralentir ». La loi d’orientation des mobilités a été adoptée en 2020 avec l’objectif de développer des solutions nouvelles de mobilité, ainsi que des offres multimodales pour tous et pour tous les territoires. Pourtant, selon Jean-Marc OFFNER, les politiques publiques de mobilités sont toujours plus attachées à l’offre de transport qu’à la réponse à la demande. En effet, de nouveaux besoins se font jour et les représentations se transforment malgré la persistance des habitudes. La crise du Covid en est un des révélateurs. Elle a déjà fortement affecté la mobilité et aura des conséquences sur les systèmes de transport pour l’économiste Jean-Pierre ORFEUIL. La rue s’est déjà montrée très flexible avec des espaces publics réinvestis par les piétons, le développement des voies cyclables ou l’extension des terrasses de restaurants sur les places de stationnement, accélérant encore davantage la réorganisation de la voirie déjà en cours depuis un quart de siècle. Pour identifier les changements de comportement en matière de déplacements, l’association Trans.Cité a interrogé plus de 800 usagers dans 8 territoires d’étude. Les mobilités individuelles semblent encore privilégiées avec un retour à la voiture mais on remarque en même temps l’essor spectaculaire de la marche, des micromobilités et du vélo. Selon les universitaires Anne AGUILERA et Laurent TERRAL, l’impact du télétravail sur l’évolution de ces mobilités ne sont pas simples à évaluer car il supprime des déplacements mais en génère également de nouveaux. Pour Jérémie ALMOSNI, la mobilité de demain sera de toute façon intermodale. Les gares pourraient ainsi apparaître comme des hubs de mobilité. Autre objectif, qui n’est pour l’instant par atteint selon Christophe GAY, Sylvie LANDRIEVE et Anne FUZIER : la décarbonisation de nos mobilités. Il semble souvent secondaire face aux politiques d’accompagnement de l’offre de transport pour faciliter les déplacements et accompagner leur augmentation. Par ailleurs, les enjeux de justice sociale et territoriale ne sont souvent pas assez intégrés aux politiques de mobilité. Diverses propositions et exemples dans plusieurs territoires sont présentées : dans la métropole rouennaise (Catherine GONIOT), dans les territoires ruraux (Xavier DESJARDINS) où il est difficile de changer de modèle, dans la commune de Villers-Semeuse (Céline BURGER) qui s’essaye aux véhicules électriques en autopartage ou à Montpellier. Ralentir peut alors paraître comme une solution. L’universitaire Emre KORSU explicite par exemple le concept de « ville du quart d’heure » où tout serait plus proche, plus lent, plus fort. Cela passe par plus d’offre pour les biens et services communs au voisinage des lieux de résidence. Pour Emmanuel MUNCH et Léa ZACHARIOU, il faut ralentir pour gagner du temps et quitter notre vision productiviste du temps de transport. La vitesse ne fait pas gagner du temps, mais de l’espace. Victime de son « succès », la vitesse a tendance à accentuer l’occupation et la saturation des réseaux de transport. Il faut donc se poser la question de l’intégration du paradigme de la lenteur dans les politiques d’aménagement et de mobilité. De nouvelles « villes relationnelles » pourraient ainsi apparaître comme à Montréal, Copenhague ou Zurich (Sonia LAVADINHO, Pascal LE BRUN-CORDIER et Yves WINKIN).

En-dehors de ce dossier, d’autres articles sont très intéressants. Plusieurs articles du sociologue et urbaniste Alain BOURDIN ou du géographe Jacques LEVY notamment, rendent hommage à François ASCHER, théoricien de la société hypermoderne et de l’hyperville ou ville hypertextuelle. Nils BOURDIN nous fait aussi découvrir « les pulsations d’Accra », ville cosmopolite aux modes de vie divers. Enfin, Cinthya GHORRA-GOBIN analyse les liens entre métropoles et élection présidentielle aux États-Unis. Un rapide regard sur la carte des résultats donne l’impression que les villes et les métropoles ont voté pour le Parti démocrate et que les territoires ruraux ont voté pour le Parti républicain. Mais est-ce la densité ou le niveau de qualification qui expliquerait ce clivage ?