Pietro Zemelo est un dessinateur italien dont la femme, Lisa, est ukrainienne.
Dans le propos liminaire de ce beau témoignage graphique, l’auteur précise ne pas vouloir rédiger un livre politique ou historique mais le récit d’un exil forcé : celui de son couple (Pietro Zemelo a résidé plusieurs années en Ukraine à Mykolaïv, Lviv et Kyiv) puis d’une partie de la famille de sa compagne.
La bande dessinée est ainsi organisée autour de l’effroyable épicentre que constitue l’invasion russe, le « jour 1 », et se décline en séquences narratives relatant les vies des protagonistes de l’album, avant et après cette agression.
Les multiples conséquences de la guerre sont ainsi évoquées à travers la violence des bombardements, la traversée de l’Europe centrale de la mère et du frère de Lisa venus trouver refuge en Italie, la volonté de s’engager pour Dima, ancien colocataire de l’auteur, à la suite d’une nuit d’enfer à Kyiv, les traumatismes qui affectent l’ensemble de la famille ou encore le relativisme insupportable d’un animateur de radio italien.
La narration s’inscrit aussi, avec subtilité, dans le temps long, lorsque Lisa, encore enfant à « Jour -8332 », vient à la rencontre de sa maman, une photo de classe de cette dernière à la main. Elle lui demande qui est « le monsieur » dont le portrait est accroché au mur du bâtiment scolaire. Lénine lui répond sa maman qui peine a expliquer à sa fille ce qu’était le personnage. Et Lisa de répondre que désormais un autre portrait trône sur le mur de sa classe, celui du poète Chevtchenko.
L’ouvrage se termine par un message d’espoir, avec le fil conducteur du champ de tournesol (une culture essentielle en Ukraine dont la couleur de la fleur ne peut que rappeler celle de l’une des deux parties du drapeau national) sur lequel s’ouvre également le roman graphique.
Pietro Zemelo, à propos de l’invasion, écrit « si je peux partager une fraction de ce que cela a représenté pour nous, de ce que cela représente pour elleux (sic)… Si vous lisez ce livre et que vous comprenez que la vie telle que vous la connaissez peut vous être dérobée à tout moment… Alors j’aurais enfin la sensation d’avoir fait quelque chose de bien dans tout ça ».
L’objectif de l’auteur est largement atteint et on ressort bouleversé par la lecture de ce beau témoignage, servi par des dessins de qualité, que l’on ne peut que conseiller.
Grégoire Masson