Alberto Angela a été paléontologue avant de présenter des émissions culturelles en Italie. Il a déjà publié plusieurs ouvrages dont le très intéressant « Empire » qui prenait pour angle de suivre le voyage d’un sesterce à travers l’Empire romain. Dans ce nouveau livre, il s’attache à nous faire revivre la vie à Pompéi. Il faut pourtant préciser que l’auteur choisit de dépasser l’évènement pour proposer une approche plus large. Le livre contient un cahier central en couleurs avec des images de reconstitution ainsi qu’un certain nombre de plans.

Pompéi par ses habitants

Alberto Angela choisit de raconter l’évènement à travers l’histoire de ses survivants. Les personnages sont présentés en début de livre. Comme il le précise, « ce que vous allez lire est une reconstitution logique de leurs journées » ce qui, avouons-le, rend l’ensemble très plaisant à lire. Les pérégrinations des personnages sont autant de points d’arrêt et de moments pour préciser des éléments sur le quotidien des populations. Alberto Angela propose ainsi des notations très précises comme ce portrait robot du Pompéien moyen : les hommes mesuraient peut-être 1, 66 mètre, les femmes une quinzaine de centimètres de moins, un tiers des personnes rencontrées alors pouvaient avoir moins de 15 ans et seulement un sur 10 plus de 50 ans.
Suivant donc ce principe, on a l’impression de se balader dans Pompéi. C’est l’occasion pour l’auteur de dérouler un certain nombre de thèmes qui donnent leur coloration à chaque chapitre. On se rapproche aussi au fur et à mesure du moment de l’éruption avec un décompte à l’entrée de chaque chapitre. Alberto Angela propose souvent des comparaisons pour se faire comprendre : ainsi , pour le monde des affaires à Pompéi, il dit qu’on se trouve «  à mi-chemin entre Wall Street, Chinatown et Chicago ».
Alberto Angela dresse le portrait de Rectina, une aristocrate romaine que l’on suit tout au long du livre. Comme toute grande dame de l’époque, elle ne s’expose pas au soleil. On assiste ensuite avec elle à un banquet et on la retrouve un peu plus loin autour des soins de beauté.

Pompéi : une ville et son ambiance

Alberto Angela s’attache à recréer l’ambiance de la ville à l’époque. Pour nous la faire approcher, il évoque une « atmosphère nord-africaine ». Ce souci n’est pas qu’une figure de style car il est important de savoir par exemple comment soufflait le vent pour comprendre les conséquences en terme de mortalité. Il souligne aussi combien notre image de l’éruption a été faussée par les films. « Le volcan qui menace aujourd’hui de toute sa hauteur n’est pas le tueur de Pompéi ». Les personnes de l’époque n’avaient donc pas cette masse imposante en face d’eux mais un mont aplani.
Alberto Angela fait le tour des étymologies du nom de Pompéi et explique comment on se repérait à l’époque dans la ville. On s’aperçoit qu’hier comme aujourd’hui on fonctionne beaucoup en situant une adresse par rapport à d’autres connues. L’auteur indique aussi quelques astuces pour celui ou celle qui se rendrait sur place, invitant à regarder ou à comprendre tel ou tel aspect qui pourrait autrement rester mystérieux. Ainsi, on a découvert qu’il existait des rails de sécurité et aussi des sens de circulation unique dans la ville.

A travers la ville

Alberto Angela s’attache à nous faire découvrir et ressentir ce que pouvait être le quotidien à cette époque. Il le fait par petites touches, n’hésitant pas à convoquer tous nos sens, lorsqu’il évoque les odeurs de boulangerie. Il précise qu’à l’époque la miche de pain est ronde, porte parfois le nom de l’esclave qui l’a cuite et peut représenter 80 % de l’alimentation pour les classes populaires. C’est aussi un pain qui est souvent épicé. Il parle aussi des blanchisseries qui sentaient alors particulièrement mauvais. On déambule par exemple sur le Forum et on comprend bien combien la place publique était « la première source d’information, suivie de près par les …bars de l’époque ». Alberto Angela révèle plus loin qu’on trouve plus de 10 000 inscriptions dans la ville. Il nous en livre quelques exemples qui montrent deux choses : ce n’était pas forcément écrit en parfait latin et le contenu des messages pouvait être d’une grande vulgarité. On passe aussi par les endroits les plus connus comme la maison dite du Faune. Elle couvrait 3000 mètres carrés, c’était la plus grande de Pompéi et il faut imaginer des murs peints, bien loin de nos intérieurs contemporains souvent dépouillés.

Le plein d’anecdotes

Comme dans son précédent ouvrage, Alberto Angela a le sens de l’anecdote, du détail et de l’information qu’il distille dans chacun des chapitres. Ainsi, il explique au début de son ouvrage comment fonctionnait techniquement le rostre de bronze des bateaux et ses trois lames horizontales. En effet, il ne s’agissait pas simplement d’éventrer le navire ennemi ; encore fallait-il ne pas couler avec lui. Un peu plus loin, il divulgue la communication par signaux lumineux que les Romains utilisaient. Il donne aussi des informations comme le fait que l’urine était alors le carburant des blanchisseries. On en apprend aussi sur un liquide plus agréable comme le vin et l’auteur nous entraine aussi dans les lupanars de l’époque.

L’éruption minute par minute

Mais Alberto Angela n’oublie pas le propos de son livre, à savoir l’éruption du Vésuve qui occupe une centaine de pages. Il faut rappeler qu’au cours des quarante trois ans qui ont précédé l’éruption, Pompéi a connu dix sept événements sismiques d’une magnitude de 3 à 5. La ville était donc en chantier pour se reconstruire. Alberto Angela livre des chiffres impressionnants car en l’espace de vingt heures, le volcan a projeté dans l’air 10 milliards de tonnes de magma ! et cela dans un rayon de 15 kilomètres avec une épaisseur de trois mètres. En une demi heure, le panache est monté jusqu’à 14 kilomètres de haut et l’auteur fait une comparaison avec l’éruption du mont saint Helens en 1980 car elle fut de même nature. Sept heures après l’éruption, le panache a atteint 26 kilomètres de haut et le volcan projette 70 000 tonnes de magma à la seconde. Il prolonge son approche jusqu’à quatre jours après l’éruption. Dans un dernier chapitre sous forme d’appendice, Alberto Angela revient sur la question de la date exacte de l’éruption de Pompéi entre deux possibles. Dans l’épilogue, Alberto Angela rappelle le terrible bilan humain de cette catastrophe avec environ 10 000 morts à Pompéi et 3 000 à Herculanum. Si l’on ajoute un certain nombre de localités, c’est entre 15 et 20 000 morts au total.

Plus qu’un simple récit de l’éruption du Vésuve, Alberto Angela propose une approche de la vie à l’époque romaine. C’est donc un ouvrage à la fois instructif et agréable à lire.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes