Embarquement immédiat avec le dernier Grand dossier de Sciences Humaines pour un tour du monde urbain ! Au cœur des réseaux, l’archipel mégapolitain mondial, cher au regretté Olivier Dollfus, constitue la clé de voute du système mondial. Il est donc légitime que Sciences Humaines consacre un dossier à cette thématique. Xavier de la Vega, assisté par René-Eric Dagorn, a fait appel à un nombre important de signatures plus ou moins célèbres pour traiter la question : Saskia Sassen revient sur l’archipel des villes globales, Thierry Sanjuan sur le grand bond en avant qu’a connu Shanghai les quinze dernières années. D’autres spécialistes régionaux ont été sollicités : Philippe Gervais-Lambony pour Johannesburg, Marie Mendras pour Moscou, Philippe Cadène pour Mumbay, Fabrice Argounes pour Sydney.
L’ensemble s’organise en trois grandes parties : les capitales économiques de la mondialisation (Londres, Shanghai, Sydney, Mumbay, Johannesburg, Mexico et Houston), les nouveaux pôles de la politique planétaire (Washington, Bruxelles, Téhéran, New Delhi, Brasilia, Tokyo, Moscou, Pékin). Paris figure dans la dernière catégorie : celles des métropoles de la culture avec Jérusalem, La Mecque, Boston, Bangalore, Berlin, Los Angeles, Hong Kong, Dubaï, Las Vegas. On s’étonnera de ne pas trouver New York comme escale de ce tour du monde des villes mais comme s’en défendent les deux coordinateurs , seules 25 villes ont été retenues et par conséquent cela les a conduit à faire des choix.
Saskia Sassen rappelle que les réseaux de la mondialisation sont urbains. Pour être performante, une multinationale a besoin d’être implantée dans plusieurs villes globales, aux potentialités propres. L’insertion des métropoles dans l’économie globale de la connaissance est modelée par leur histoire. La mondialisation ne gomme pas les particularités des villes, bien au contraire. Aucune ville globale ne concentre toutes les fonctions (voir le classement 2008 Mastercard Worldwide Centers of Commerce index). Saskia Sassen entend par ville globale : le lieu où se concentrent des services de coordination de l’activité économique (de la finance au conseil en management en passant par l’assurance). Londres est par excellence l’archétype de cette ville d’un nouveau genre. Elle arrive en tête du classement effectué par le réseau de recherche Globalization and World Cities (GaWC), suivie par New York et Tokyo. Kathy Pain propose de parler pour désigner ces villes d’un « hintermonde » des villes (ensemble des réseaux par lesquelles ces villes communiquent et interagissent) et d’abandonner la vision de la ville et de son hinterland.
Ces deux articles comme celui de René-Eric Dagorn (Des villes citadelles aux villes réseaux) visent à apporter des éléments nouveaux de réflexion au sujet. Ainsi, il faut abandonner une vision hiérarchique de l’ensemble : « C’est le fonctionnement articulé et complémentaire des villes qui compte ». Le cadre de l’Etat-nation importe peu.
Ces trois articles de fond comme quelques-uns consacrés à quelques monographies urbaines (Sydney, Johannesburg, Houston…) méritent de se plonger dans ce volume. Toutefois, la déception apparaît au fil des pages. Le choix de présenter les villes de manière thématique selon leurs fonctions s’avère assez limité. C’est ainsi que les villes traitées dans la partie Capitales politiques ne sont vues que par le biais de leurs institutions politiques et les articles ne permettent pas de bénéficier d’un tableau global. La tendance est encore plus marquée dans la dernière partie consacrée aux Capitales culturelles. Des articles d’une page ou même de moins d’une demie-page, aux auteurs pas toujours identifiés, doivent traiter de Paris, Jérusalem ou bien encore de La Mecque en quelques lignes. C’est évidemment trop court pour traiter de la question même réduite au côté culturel. Le choix de présenter les villes par le biais d’une focale thématique est réductrice. Paris est-elle seulement une ville artistique et historique condamnée à devenir la métropole culturelle mondiale du XXIème siècle, pour sa bonne place dans les domaines de l’art, de la mode, du luxe voire de la gastronomie ?
Xavier de la Vega et René-Eric Dagorn semblent avoir manqué de place pour traiter correctement un plan ambitieux. De même, force est de constater que de nombreux articles ne sont pas à la hauteur des quelques analyses retenues plus haut et comme cette impression se dégage au fil des pages, on finit par se dire qu’il vaut mieux que le magazine ne compte que 78 pages. Faute de quoi, les Villes mondiales, nouveaux lieux de pouvoir ne finiraient par être traitées au mieux que comme des brèves.
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