Maitre Otonashi vit avec son disciple dans une petite masure derrière la montagne bleue. Depuis vingt ans, chaque jour, il peint cette montagne qui n’est jamais la même selon les saisons, la lumière du soleil, le temps… Connu dans tout le royaume, des visiteurs viennent pour voir les peintures du grand maître.

Mirzu, son jeune disciple depuis l’âge de 5 ans, observe en silence chaque geste du maître. Lui aussi peint mais n’a jamais osé montrer ses oeuvres. Seul le maître a pu les apercevoir.

Un matin, Maître Otonashi annonce que ses yeux sont fatigués et qu’il ne distingue plus tout à fait les couleurs des cerisiers en fleurs ni les reflets du soleil. « Nous sommes les serviteurs de la montagne. Quand j’aurai disparu, ce sera toi qui lui donneras ses couleurs. » Mais Mirzu ne sent pas capable de remplacer le maître. Au fil des jours, les toiles d’Otonashi perdent leurs couleurs et son disciple cache ces toiles et présente aux visiteurs des toiles anciennes. N’ayant plus rien à montrer, Mirzu sort et peint pour la première fois la montagne bleue et continue, jour après jour. Les visiteurs, découvrant les toiles, couvrent d’éloges le maître, son art a certes changé, mais son talent est à son apogée…Personne ne s’étonne que le maître puisse encore peindre alors qu’il ne reconnaît plus ses invités.

Un jour, le maître invite tous les calligraphes et les grands de l’Empire, l’heure est venue de parler pour la dernière fois. Otonashi a menti, il voit encore, ce mensonge était pour pousser Mirzu à révéler son talent au monde ! Le soir-même, Otonashi s’éteint, Mirzu peindra toute sa vie la montagne bleue en l’honneur de celui qui lui avait menti par amour.

Voilà une magnifique histoire emplie de douceur, de délicatesse, d’amour et d’art. Une belle relation entre deux hommes, sur la transmission entre les générations, la pudeur des sentiments. L’écriture d’Isabelle Wlodarczyk est très agréable, tendre, accessible aux jeunes lecteurs mais aussi à la lecture par adulte aux plus petits. Elle s’est inspirée de sa propre relation avec son grand-père et d’une peinture japonaise médiévale qui représente une montagne bleue.

Sacha Poliakova accompagne cette histoire par de magnifiques tableaux en aquarelle rappelant les estampes japonaises. Le grand format du livre met en valeur les illustrations qui suivent par leur palette de couleurs le récit : teintes douces qui s’assombrissent quand Otonashi perd la vue et se vivifient avec les peintures de Mirzu.

Un bel ouvrage qui permet d’aborder de nombreux thèmes : la transmission entre les générations, l’humanité, la patience, la persévérance, l’amour à travers un conte iniatique. Il peut également être support de séance d’art visuel ou d’histoire de l’art sur les estampes.