La problématique de l’étalement urbain semble plus que jamais d’actualité même si les avancées dans ce domaine apparaissent bloquées avec la suppression de mesures phares du Grenelle de l’environnement (taxe carbone) ou encore par le peu de mesures significatives prises lors du Sommet de Copenhague. Les éditions PUR publient les réflexions d’un colloque portant sur « les villes au défi du développement durable » qui s’est tenu à Sfax en 2005. L’approche n’est pas franco-française, ni limitée aux pays du Nord. Traiter de la question de la maîtrise de l’étalement urbain dans les pays du Nord comme ceux du Sud est un sacré pari puisque la problématique de l’étalement urbain ne pose pas de la même façon. Les contributions sont rassemblées et organisées en trois parties qui donnent tout son sens à l’ensemble.
L’étalement et ses jeux d’acteurs
Les cinq articles qui constituent la première partie traitent du jeu des acteurs dans le cadre de l’étalement urbain : ménages, entreprises, collectivités locales, comités de quartiers. On retiendra l’article consacré à Fidenza (ville italienne située à proximité de Parme) où les contradictions l’emportent. Cette ville dotée d’un programme environnemental très strict pour lutter contre l’étalement urbain autorise des entorses au règlement en échange du financement de chantiers d’équipement de la voirie de la ville. C’est ainsi qu’ont pu été construits de grands centres commerciaux à la périphérie de la ville !
Contrôler l’incontrôlable ?
Contrôler l’incontrôlable est l’objet de la deuxième partie. Tout le paradoxe est de mettre en œuvre des politiques et des instruments afin de contrôler la croissance spatiale sans sacrifier les besoins économiques et sociaux des populations. Le texte de Jacques Chevalier montre à quel point il est difficile de savoir de quoi on parle quand il s’agit d’étalement urbain. L’hétérogénéité l’emporte. Selon les villes et les Etats, le seuil de tolérance de l’urban sprawl n’est pas le même et les mesures mises en place non plus. L’étude comparative de Guy Baudelle entre le système belge et néerlandais, comme celle de Salah Bouchemal en Algérie démontrent qu’il faut qu’un cadre rigide existe mais surtout qu’il soit appliqué. Dans les pays du Sud, la résorption des bidonvilles et de l’habitat précaire se fait le plus souvent par une délocalisation des populations vers des villes satellites (comme par exemple à Constantine). Cette politique sociale alimente l’étalement urbain. Le cas de l’agglomération montpelliéraine, étudié par Dominique Chevalier et Mariette Sibertin-Blanc, permet de rendre compte à quel point il ne suffit pas de créer des cadres intercommunaux pour rendre opératoire la gestion territoriale de l’ensemble. Nombreux sont les maires de communes périphériques qui s’opposent aux décisions prises par la Communauté d’agglomération afin de faire appliquer la loi SRU.
Etalement, ségrégations et inégalités environnementales
Enfin, dans une troisième partie, se trouvent rassemblés cinq articles qui analysent l’étalement urbain par le biais de la question des ségrégations et des dommages environnementaux. L’article de Olivier David et de Raymonde Séchet portant sur la question croisée des inégalités sociales et de l’étalement urbain est consultable sur le site des archives ouvertes Suivi, dans le volume, de l’étude des mêmes phénomènes pour la France de l’ouest, l’ensemble apparaît assez redondant. La question des dommages environnementaux alliée à l’étalement urbain ouvre, en revanche, de nouvelles perspectives. Les inégalités face à l’environnement renouvellent la lecture de la ségrégation. A travers l’exemple des villes minières (phosphates) du Maroc, Abdelaziz Adidi montre en quoi les notions de relégation environnementale et de pauvreté (notions développées par Cyria Emelianoff) sont centrales.
Il apparaît bien, avec ce nouveau champ de recherche, que la question de l’étalement urbain n’est pas un simple phénomène d’extension spatiale de la ville. Pour lutter contre l’étalement urbain, l’article de Salomon Cavin, qui étudie les mutations des stratégies de la CPRE (Campaign to Protect Rural England), semble apporter les solutions. Au lieu de mettre en œuvre des initiatives (exemple : ceinture verte) pour protéger l’espace rural, mieux vaut valoriser la ville au lieu d’en faire un repoussoir, moteur de l’étalement urbain. C’est, peut être, là que réside la solution !
© Catherine Didier-Fèvre