Les correspondances des soldats des guerres napoléoniennes font l’objet de nombreuses publications, souvent centrées sur un personnage ou une campagne. La particularité des lettres du recueil c’est qu’elles ont en commun l’origine géographique des soldats qui les ont écrites, à savoir, le département de l’Ourthe, c’est-à-dire la province de Liège en Belgique.
René et Bernard Wilkin, historiens et archivistes, ont sélectionné 150 de ces lettres de soldats, adressées à leurs proches. Pour chacune des lettres on trouve une courte présentation du parcours de l’homme en question
Classées par ordre chronologique elles nous donnent un aperçu des préoccupations et conditions de vie des soldates de base mais traitent assez peu des combats. La plupart sont courtes, les hommes vont à l’essentiel. Parfois l’écriture montre que c’est une même personne qui a écrit les lettres de différents soldats.
La conscription
Celle-ci est nécessaire au fonctionnement des armées républicaines puis impériales. Avec la multiplication des campagnes, l’occupation de nombreux territoires (Espagne, Allemagne…), il faut de plus en plus d’hommes et dans les familles c’est un souci de préoccupation majeur. L’ouvrage rappelle les règles de cette conscription qui est loin d’être universelle. Elle prévoit de nombreuses exemptions et même la possibilité de remplacement. Un certain nombre des lettres publiées ici ont pour but de montrer à l’administration qu’un membre de la famille sert bien à l’armée ou qu’une connaissance que l’on recherche s’y trouve ou est morte sur le champ de bataille, cela permet aux autres frères d’éviter d’être appelé. L’administration impériale a en effet peu de moyens de contrôle et peut déclarer rapidement insoumis ou déserteur ceux qui ne se présentent pas, avec des conséquences durables pour les familles. Il est intéressant de voir comment des réfractaires finissent par retourner à leur unité ou essayent de se faire changer d’unité, le manque de soldats semble permettre de tels comportements.
Des conditions de vie misérables
L’autre grande thématique des lettres en rapport avec les préoccupations du quotidien des hommes. Qu’il s’agisse des campagnes d’Autriche, d’Italie ou d’Espagne, la question des tenues ou surtout de l’alimentation (et du vin !) revient fréquemment. Les soldats sont obligés de faire avec ce qu’ils trouvent, doivent parfois payer fort cher des aliments de base, voire se livre au pillage. Plus surprenant, cela semble aussi valable pour ceux stationnés dans certaines garnisons du littoral français. On perçoit là les limites de l’intendance impériale qui voudrait voir la troupe vivre sur le pays.
La dureté des marches transparaît dans les témoignages, elles envoient des soldats à l’hôpital ou provoquant la mort d’épuisement de certains. Les lettres d’hommes à l’hôpital montrent que les séjours peuvent y être longs et aussi définitifs, car y séjourner n’est pas gage de guérison. La trace de certains hommes se perd à l’hôpital et ils finissent par être rayés des cadres, manifestement décédés.
Garder le contact avec les proches
La correspondance sert aussi à donner des nouvelles aux proches, les rassurer sur la situation de celui qui est parti. Celles publiées ici donne peu de détails sur els combats, ce n’est pas leur but. Quand il le peut, l’auteur donne d’ailleurs des nouvelles de ses connaissances, une même lettre permet ainsi de rassurer plusieurs familles. On perçoit les limites du courrier à la lecture des adresses postales fort vagues, et à la mention de nombres de lettres qui ne semblent pas avoir eu de réponses. Les hommes espèrent également recevoir de l’argent des familles, les lettres donnent des conseils sur la meilleure manière de le faire parvenir pour éviter qu’ils ne se perde ou soit détourné.
En conclusion
Des lettres atypiques par leur origine et leur contenu, on est ici bien loin des images classiques célébrant l’épopée impériale. On perçoit une réalité beaucoup plus dure pour les hommes, notamment ceux sur des fronts secondaires éloignés des préoccupations impériales. On peut cependant regretter que la publication se fasse par ordre chronologique (séparant parfois des lettres d’un même auteur) et ne contextualise pas un peu plus les correspondances.
Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau