Une géohistoire du continent eurasiatique

Après un dernier livre consacré à l’évolution géohistorique de la Turquie déjà édité par CNRS éditions, le géographe Michel Bruneau passe à une échelle plus petite en analysant les dynamiques de l’ensemble du continent eurasiatique. Spécialiste de géohistoire et directeur de recherche émérite au CNRS, il propose un ouvrage accessible écrit de façon érudite sur une thématique originale.

Dès les premières pages, Michel Bruneau insiste sur la difficulté du cadrage. Nombreux sont les dictionnaires qui ne proposent pas de définition de cet espace. Au mieux, les définitions sont floues et imprécises. Est-ce seulement une masse continentale ? Peut-on étudier les sociétés, notamment impériales, qui se sont succédé de la Hongrie au Japon en passant par l’Inde et l’Asie centrale ? Michel Bruneau répond à ces questions de façon convaincante et savante.

L’auteur justifie l’écriture de cette synthèse ambitieuse par deux phénomènes récents: le projet russe de l’Union économique eurasiatique (UEEA) et le projet chinois nommé OBOR (One Belt, One Road). Ces projets à la fois politiques et économiques émanant des deux puissances eurasiatiques incitent à « une analyse critique et d’en dégager les grands traits comme les potentialités ».

« Pour en comprendre la portée, il nous a paru indispensable de recourir à une analyse qui se situe dans la longue durée, de l’Antiquité à nos jours, pour voir comment à différentes périodes se sont développées ou non les relations, communications, connexions entre les deux extrémités du continent eurasiatique, entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Les liaisons ont toujours existé, mais elles sont parfois été, pour différentes raisons, interrompues ou minimisées par voie de terre comme de mer. »

Extrait tiré du livre de Michel Bruneau, l’Eurasie, page 12.

L’ouvrage se structure en 4 grandes parties. Après avoir défini l’espace eurasiatique, Michel Bruneau définit le rôle des empires (hellénistique, romain, islamiques, chinois, turcs, mongols, russes), puis les dynamiques de colonisation (occidentales dans la péninsule arabique, japonaises en Asie de l’Est), les espaces propices aux interfaces et aux connexions (Asie du Sud-Est, Asie centrale, Asie du Sud) avant de terminer par les tentatives récentes d’unions à l’échelle de l’Eurasie (par la Russie et la Chine).

« La circulation monétaire et l’essor du crédit, permises par l’afflux d’or facilitant la frappe d’une monnaie (dinars), ont joué un rôle fondamental dans la cohésion de ce monde musulman, qui du VIIe au XIe siècle a été le facteur principal d’un début de cohérence de l’Eurasie »

Extrait tiré du livre de Michel Bruneau, l’Eurasie, page 63.

Un cahier central est composé d’une petite dizaine de cartes en couleur. Malheureusement, certaines comme la planche VIII sont peu lisibles : ceci résulte du choix de la mise en page en format paysage au détriment d’une rotation au format portrait qui aurait permis un gain de clarté. L’édition est particulièrement soignée au niveau des annexes : une typologie des empires asiatiques permet de comprendre la portée des structures impériales sur le temps long, une bibliographie de 12 pages laisse une large place aux ouvrages parus depuis 2016 sans omettre les classiques, deux index successifs (géographiques pour les toponymes puis thématiques) et un sommaire très détaillé.

Grâce à une écriture concise et précise, cet essai s’avère être un jalon important pour la diffusion des travaux émanant des chercheurs français en géohistoire, dans le prolongement des travaux de Christian Grataloup.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien 

Antoine BARONNET @ Clionautes