Sécurité globale : printemps 2012 : l’Europe des insécurités, institut Choiseul, 28 €

Ce numéro de la revue sécurité globale, publié par l’institut Choiseul, partenaire des Clionautes, est sorti au moment de l’élection présidentielle française.

L’Europe a été largement contestée lors de cette échéance y compris par l’un de ses principaux acteurs, le candidat sortant. Comme souvent, en politique intérieure française, l’Europe est chargée d’un certain nombre de maux, ce qui est tout de même une façon d’oublier que le résultat pratique de l’union européenne ne sont que les conséquences des décisions des 27 états qui la dirigent. Dans le domaine sensible de la sécurité, qui est, nous le savons, là aussi un enjeu lors des consultations électorales, l’Europe, depuis la signature du traité de Maastricht il y a 20 ans, est également en charge des questions de sécurité à l’échelle du continent.

Le traité de Lisbonne de 2009 affirme que : « l’union offre à ses citoyens un
espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de la lutte contre ce phénomène. » L’union européenne s’est dotée de toute une série de dispositifs permettant de lutter contre les différentes menaces, génératrices d’insécurité, qui vont du terrorisme au développement de la criminalité organisée en passant par l’immigration clandestine.

  • Le premier des articles proposés par Georges Estievenard, chercheur associé à l’institut Choiseul, directeur honoraire de l’observatoire européen des drogues et des toxicomanies, présente l’union européenne et son insertion dans le narco-système mondial. Zone à haut niveau de vie, première composante de la triade, l’Europe est traditionnellement un marché pour les substances hallucinogènes produites dans les pays du Sud mais consommées dans les pays du Nord. La mondialisation du phénomène des drogues a commencé de la deuxième moitié du XXe siècle. Le phénomène a touché les États-Unis en premier, mais avec un petit décalage dans le temps l’Europe. Au cours des années 80 et 90 le repas connu une vague dévastatrice de consommation d’héroïne et, comme le précise l’auteur d’explosion du sida, dont elle ne se remettra que lentement jusqu’à l’aube du XXIe siècle. En 2010, le problème de l’héroïne semble le plus important pour l’Europe, avec 1 300 000 usagers réguliers, mais le phénomène semble se stabiliser, tout comme le recul de la contamination par le VIH dans la diffusion des programmes de prévention, distribution de seringues, de traitement et de réduction des risques. De façon globale, le phénomène en Europe semble se stabiliser, pour toutes les addictions, et pour tous les produits, cocaïne, amphétamines, et cannabis. Il n’en reste pas moins que le phénomène de diffusion de ces produits illicites interpelle la la communauté européenne qui a mis en place, à partir d’un diagnostic de situation établie par le parlement européen en 1986, différents types de réponse. Dès lors que la diffusion des drogues relève si des politiques de sécurité publique, les états sont très jaloux de leurs prérogatives et il a fallu mettre en place, des évolutions progressives pour permettre des ripostes adaptées à ces menaces. L’instrument juridique principal adopté par l’union pour lutter contre le trafic de stupéfiants et la décision cadre concernant les dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions est applicables dans le domaine du trafic de drogue. Ce projet a été déposé en 2000 mais le projets de la commission ne sera adopté dans sa version finale que le 25 octobre 2004. Cet instrument a nécessité une transposition dans le droit interne des états membres qui n’est d’ailleurs toujours pas complet en 2012. C’est la raison pour laquelle, d’après l’auteur de cet article, l’union européenne semble avoir épuisé les possibilités d’actions offertes par le traité de Maastricht, Amsterdam et Nice. Le traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 1009 a rendu de nouvelles avancées possibles, mais ne s’écarte pas de manière décisive de la logique du jeu des souverainetés nationales en matière de sécurité intérieure comme en matière de santé publique.
    La question qui est posée aujourd’hui, et qui a d’ailleurs été développé dans un numéro de la revue courrier international de ce mois de juin 2012, et bien la tentation de la légalisation des drogues. Différentes perceptions du problème existent et les politiques publiques globales, européenne comme nationales, en matière de lutte contre le trafic de drogue transnationale et la criminalité organisée associée ont un bilan somme toute modeste.

Au-delà de l’union européenne, la commission des stupéfiants des Nations unies a été réunie solennellement à Vienne en 2009 pour faire le bilan d’une décennie de lutte antidrogue. La stratégie de la communauté internationale doit être arrêtée jusqu’en 2019, mais les différents plans d’action, G8 + drogues ne sont pas fondamentalement différents de ce qui a pu être développé antérieurement. Au final, la politique de l’union se différencie sensiblement de celle qui a été mise en œuvré outre-Atlantique. La guerre contre la drogue, c’est-à-dire la militarisation de la répression contre les producteurs est refusée et il faut bien reconnaître que pratiquée en Amérique latine elle n’a pas donné de résultats probants, le refus de l’impunité et la pénalisation lourde de trafiquants transnationaux, et la distinction claire et opérationnelle entre trafiquants et consommateurs. Il est clair que bien des pistes sont ouvertes, avec le développement des agences comme l’Office européen de police, l’unité de coopération judiciaire, l’agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, l’agence des droits fondamentaux de l’union européenne etc. Il existe des possibilités de promouvoir l’inclusion du trafic de stupéfiants dans le statut de Rome de la cour pénale internationale ainsi que la faisabilité d’une adhésion une participation de l’union européenne en tant que telle dans cette cour pénale internationale. Enfin il semble évident qu’une fédéralisation progressive dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité de la lutte contre le trafic de stupéfiants permettrait de promouvoir l’émergence d’un véritable espace pénal européen.

  • L’Europe est également une plate-forme de transit maritime, avec les ports méditerranéens du sud, de Malte, d’Italie, avec Gênes et Naples, Marseille, Sète et Tanger, qui sont aussi de porte d’entrée des différents stupéfiants qui transitent par l’Afrique, par la route de l’Atlantique sud qui alimente les ports d’Afrique orientale, avant d’emprunter les ports de transit situé en Algérie ou au Maroc pour alimenter le sud de l’Europe. Emmanuelle Gallouët, s’est intéressée à la répression du narcotrafiquant maritime de la piraterie en faisant le constat que dans ce domaine, la piraterie, plus spectaculaire, a permis la mise en oeuvre de mesures de rétorsion, conduite par une coopération maritime internationale permettant de sauvegarder la liberté de navigation. Cela semble beaucoup plus compliqué pour le trafic de stupéfiants par la voie maritime, d’une part en raison du caractère nécessairement clandestin de l’action de trafiquants, de la masse des conteneurs en circulation, et des particularités des droits nationaux applicables en mer : eaux territoriales, ou internationale, loi du pavillon etc. Le droit français s’est enrichi d’un cadre juridique consacré spécialement la répression de la piraterie, permettant de juger en France les personnes soupçonnées de se livrer à la piraterie dans l’océan Indien. Il existe également des accords, celui de son José du 10 avril 2003 qui permet d’exercer un droit de poursuite des navires dans les eaux territoriales d’un autre État dans le cadre de la lutte contre le trafic de stupéfiants. On retrouve le même type d’accord, dans le golfe de Guinée ou dans le golfe d’Aden mais davantage pour la piraterie que pour le transport maritime de stupéfiants ou le principe de la liberté des mers établies dans la convention de Montego Bay de 1982 se heurte aux droits nationaux préexistants.

Enfin, la sécurisation des frontières extérieures de l’union européenne est traitée par Denis Duez, dans un article important consacré à l’analyse de la frontière extérieure de l’union, dans laquelle il revient sur l’agence Frontex, créé en 2004. Cette agence coordonne les opérations maritimes et terrestres visant à rassembler les informations récoltées auprès des états membres et des états tiers partenaires, et à coordonner les opérations conjointes visant à renforcer la surveillance des frontières de l’union. Peu à peu, l’agence qui coordonnait les moyens nationaux semble opérer un saut qualitatif. Elle peut commencer à acheter son propre matériel, constitué des équipes européennes de gardes-frontières composés d’experts nationaux détachés, et jouer un rôle de formation pour le personnel des polices nationales de l’air et des frontières. Indépendamment de l’action sur le terrain, l’agence FRONTEX développe le concept de frontières intelligentes en utilisant des moyens technologiques inspirés du conseil de frontières électroniques, à la fois par le biais de fichiers interconnectés mais également par des systèmes de traçage des personnes, dont le but est d’être transparent pour l’usager normal, mais particulièrement efficace face aux tentatives illicites d’entrée sur le territoire de l’union. Cette stratégie à haute teneur technologique a été réaffirmée avec force par la commission européenne en octobre 2011. Ce mécanisme de traitement automatisé des données recueillies dans le cadre de la collecte des informations préalables sur les passagers existent déjà aux États-Unis, ce qui pose tout de même un petit problème en matière de respect de la vie privée dès lors que des systèmes automatisés croisent des informations collectées concernant les modes de vie, les habitudes alimentaires, et tant d’autres données qui permettent d’identifier des menaces potentielles. Très clairement, le but est à la fois de faciliter les déplacements en évitant l’engorgement par les contrôles de personnes réputées « de bonne foi », pour se concentrer sur les « suspects potentiels ».

D’autres sujets sont abordés dans ce numéro et concernent notamment le financement de ces politiques de sécurité, un sujet sensible d’autat plus que la crise de la zone euro demande des attentions particulières à commencer par une maîtrise des dépenses.

L’Europe des insécurités

Introduction générale Georges ESTIEVENART

  • L’Union européenne et le narco-système mondial Georges ESTIEVENART
  • La répression du narcotrafic maritime et de la piraterie : deux poids, deux mesures?
  • Emmanuelle GALLOUËT
  • La sécurisation des frontières extérieures de l’Union européenne : enjeux et dispositifs
  • Denis DUEZ
  • La sécurité intérieure européenne, sa stratégie et son architecture : regard imagé sur une construction originale
  • Pierre BERTHELET
  • Vers une stratégie de sécurité extérieure de l’Union européenne
  • René LERAY
  • Les moyens et instruments financiers de la stratégie de sécurité globale de l’Union européenne
  • Stéphane SAUREL