Avec les événements qui se sont déroulés à Bruxelles, ce 17 septembre 2010, il était difficile de passer à côté de ce 45e numéro de questions internationales qui titre: « l’Europe en zone de turbulences ». bien entendu, les différents auteurs des articles de ce numéro ne pensaient pas forcément au comportement pour le moins discutable de l’actuel locataire de l’Élysée, ni de la dégradation de l’image de la France en Europe que certaines politiques sécuritaires peuvent causer.

L’Europe en zone de turbulences

– Dans son article d’ouverture, «Union européenne : entre turbulences et somnolence» Serge Sur, le rédacteur en chef de la revue fait un constat assez négatif de ce qu’il appelle la somnolence inquiétante de l’union. Il semblerait, à le lire entre les lignes, qu’il analyse avec beaucoup d’inquiétude la façon dont se déroulent actuellement les relations franco-allemandes. Ce couple qui tient plus que jamais entre ses mains, le destin-sa pérennité, son développement ou sa décomposition progressive, semble traverser une crise « conjugale », qui va très au-delà des différences de sensibilité entre la chancelière fédérale et le président de la république française.
Ce sont les opinions publiques qui expriment le plus de réserve quant à l’évolution de l’union, et l’on sent bien maintenant, chez les nouveaux entrants comme dans les plus grands pays de l’union, pointer un refoulé historique conflictuel. Il est clair que le changement de génération de femmes et d’hommes à la tête des grands états européens, femmes et hommes qui n’ont pas connu la seconde guerre mondiale, peut expliquer une vision de l’Europe bien différente.
Pour des hommes de la génération de François Mitterrand, de Helmut Kohl, de Willy Brandt et de quelques autres, la construction européenne était un combat et en aucun cas un acquis fonctionnel dont on peut retirer des profits, y compris en politique intérieure.
L’actuel numéro de communication mené à propos des reconduites à la frontière de membres de la communauté Rom, citoyens européens de Bulgarie et de Roumanie, qui a suscité les réactions que l’on sait dans les différentes instances européennes, a pour conséquence de favoriser une crispation nationale dans certaines fractions de l’électorat de l’Hexagone.
Il est clair que cette instrumentalisation de l’Europe, largement pratiqué par la classe politique européenne à des fins de politique intérieure n’en favorise ni la lisibilité, ni l’approfondissement.

– Dans «L’Union européenne après le traité de Lisbonne diagnostic d’une crise» Christian Lequesne, fait le bilan des différentes difficultés que l’Europe rencontre, que ce soit dans le domaine économique, mais également dans ses relations face au reste du monde. De plus, les contraintes relatives que le modèle social européen peut faire peser sur l’éventuelle reprise économique, après les crises successives de 2008 et de 2010, limitent la possibilité de l’Union à affirmer de façon suffisamment forte la zone euro qui a été fortement perturbée en 2010. Il n’empêche toutefois, que les mesures prises, tant par les gouvernements que par la banque centrale européenne, ont permis d’éviter la faillite et, par la même occasion, ont montré la réalité de la zone euro.
Parmi les «encadrés» particulièrement précieux, qui accompagnent les grands articles de ce numéro, on signalera une présentation du service européen pour l’action extérieure, rédigé par Mamadou Lamine Sarr, ainsi qu’un tableau des institutions de l’union européenne particulièrement clair et synthétique.

– Dans son article «La gouvernance européenne après Lisbonne»
Renaud Dehousse rappelle que le traité réformateur de Lisbonne n’a toujours pas tranché entre le modèle d’une Europe supranationale est celui d’une ordination. D’après le directeur du centre d’études européennes de Sciences-po, il semblerait qu’un relatif déclin de l’influence de la commission européenne se manifeste, au profit d’une montée en puissance du parlement et de l’émergence de nouveaux acteurs comme le président du conseil européen. Toutefois, il faudrait une personnalité plus marquée que l’actuel titulaire de la fonction, M. Herman Van Rompuy, pour donner un véritable visage à une gouvernance européenne capable de se faire entendre face aux autres grandes nations du monde.

«Le traité de Lisbonne : entre complication
et simplification juridique et institutionnelle de l’Union»
par Nicolas Leron

Pour cet auteur, lui aussi issu du centre d’études européennes de Sciences-po Paris, le traité de Lisbonne est un compromis, entre la déception qui entourait la signature du traité de Nice en 2001, et le rejet du traité instituant une constitution pour l’Europe en 2005.
pourtant, les mesures qui ont été prises, ont apporté une meilleure intelligibilité au fonctionnement de l’union. Le système décisionnel se trouve clarifié, et il semblerait que le poids de la commission ne soit plus aussi pesant dans le processus de décision. La structure en piliers qui caractérisait l’union européenne jusqu’au traité de Lisbonne, ayant disparu, les différentes instances de l’union obéissent aux règles communes en matière de séparation des pouvoirs.

– Dans «L’euro dans la tourmente», Grégory Lecomte; montre comment, l’absence de discipline budgétaire des pays membres et aussi peut-être l’absence de régulation, pudiquement rebaptisée ici supervision macroéconomique, a pu peser sur la politique économique de l’Union. La crise de 2008, a été d’abord une crise de liquidités liées à un resserrement du crédit, crédits auxquels les pays en rattrapage de la zone euro, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, ont fait massivement appel.
Au delà des accords de replâtrage qui ont eu lieu, sous forme de plans de sauvetage, il est clair que le Poids lourd de la zone, l’Allemagne fédérale, n’entend rien céder son autonomie sur ses choix budgétaires.

Avec l’article «La démocratie européenne, progrès accomplis et difficultés persistantes», de Fabien Terpan, on comprends mieux les changements qui sont apparus avec ce traité de Lisbonne en matière de fonctionnement démocratique de l’Union. Le parlementarisme, les règles du droit et la participation des opinions publiques s’imposent peu à peu comme facteur de la gouvernance de l’Union.
Mais l’Union européenne est aussi une démocratie de consensus, et ce n’est pas chose facile d’associer l’opposition classique, droite / gauche mais aussi les autres, comme petits et grands États, gros et petits contributeurs du budget, etc. De plus, l’élargissement à 27 ne facilite pas les choses, et, somme toute l’Union se rapproche des démocraties consociatives, Pays nordiques, Suisse, Autriche. Les mécanisme de résolution des conflits vont à l’encontre des traditions en vigueur dans les pays où la polarisation politique est marquée.

– Longtemps considéré et peut-être toujours encore par certains politiques hexagonaux, comme un placard épouvantable, Comme le pense à voix haute Rachida Dati, Le Parlement européen disposerait de prérogatives croissantes, tel est en tout cas le point de vue de Nathalie Brack et Olivier Costa. Parmi les éléments intéressants, de cet artile qui décrit par le menu le fonctionnement d’un vrai Parlement, les intergroupes dont le rôle est méconnu, ont retenu notre attention. Au delà des étiquettes des députés européens travaillent ensemble et leurs travaux débouchent souvent sur des études pertinentes (ou moins) Je me demande si ce n’est pas par le biais d’un intergroupe que le lobby anti-corridas a pu tenter, en vain, de supprimer les subventions aux éleveurs de taureaux de combats, qui sont, rappelons le de vrais gardiens de la bio-diversité.
Par contre, les dernières élections ont amené, à la fois une redéfinition des groupes au sein du Parlement, mais également une nouvelle conception du travail parlementaire et un contrôle accru de la Commission. Il est clair que cela va dans le sens d’un approfondissement démocratique.

Biens d’autres articles apportent également un éclairage spécifique sur l’Union, et ce numéro 45 de Questions internationales est clairement indiqué pour disposer de mises à jour récentes mais aussi de synthèses clairement accessibles dans tous les ordres d’enseignement.

Union européenne : élargissement ou cohérence
Jean-Luc Sauron
– Le lobbying européen : un poids croissant mais surévalué
Marc Milet

_ Et les contributions de : Céline Belot, Zoï Muletier, Anna Rochacka-Cherner, Mamadou Lamine Sarr, Stéphane Saurel et Carine Soulay.

Questions européennes

Ukraine : la présidence lanoukovitch, retour en arrière ou nouvelle étape du processus de transition ?

Anne de Tinguy et Emmanuelle Armandon

– La politique européenne de la Belgique
Christian Franck

Regards sur le monde

– Les enjeux géopolitiques des énergies naturelles renouvelables
Guillaume Sainteny

Les portraits de Questions internationales

– Suzanne Bidault : une première femme au Quai d’Orsay
Paul Dahan

© Bruno Modica