Cet ouvrage prend appui sur le colloque international de l’ADMEE-Europe qui s’est déroulé à Dijon en 2017. Il est coordonné par Anne Jorro, professeur en sciences de l’éducation au CNAM et Nathalie Droyer, maitre de conférence à Agrosup Dijon. L’ADMEE, c’est l’Association pour le Développement des Méthodologies d’Evaluation en Education. Signalons que ce livre comprend des pistes bibliographiques sur vingt-cinq pages ce qui permet véritablement de prolonger la lecture pour le lecteur intéressé.
L’évaluation : la meilleure ou la pire des choses
Le livre veut montrer que « l’évaluation est une pratique sociale pertinente et efficace quand elle est conçue et mise en œuvre comme levier pour l’enseignement et la formation aux niveaux politique, des dispositifs de formation, des pratiques de formation et des processus d’apprentissage ». Les deux auteurs choisissent de fournir un résumé très pratique des contributions en amorce du livre. On pourra ainsi utilement commencer par là, pour ensuite cheminer dans l’ouvrage en fonction de ses centres d’intérêt.
Quelques éléments de mise en perspective
Jean-Marie de Ketele offre d’abord un panorama de la façon dont l’évaluation a été considérée selon les époques. Le deuxième article s’intéresse à la posture d’accompagnateur de superviseur dans le cadre de co-évaluation. Les auteurs montrent que la pratique de l’évaluation demeure une pratique qui interroge celui qui la pratique. Rappelons que la co-évaluation est une évaluation conjointe entre un étudiant et un formateur en vue d’engager un dialogue sur les écarts d’appréciation par rapport à une production. Si la démarche est appréciée dans l’esprit, elle suscite aussi beaucoup d’interrogations et de doutes, d’où une position d’inconfort de la part de l’évaluateur classique.
Faire de l’évaluation autre chose qu’une sanction
Dans cette contribution, Nathalie Loye développe l’idée de leviers. Le premier levier c’est l’évaluation qui vient soutenir l’apprentissage plutôt que de le sanctionner. On peut signaler également que l’évaluation des programmes de formation est un levier indirect pour les apprentissages. Fabienne Maillard enchaine assez logiquement sur la place des référentiels de diplômes. Pour que l’évaluation soit en tout cas vécue comme autre chose qu’une sanction, il faut insister sur l’idée du chapitre 5 à savoir la notion de sécurité psychologique. Elle le formule dans un cadre précis que l’on peut citer : « A quelles conditions les pratiques d’évaluation des collaboratrices et collaborateurs au sein d’une organisation peuvent-elles favoriser ou au contraire faire obstacle à leur apprentissage en situation de travail ? ».
Et les élèves dans tout cela ?
Les quatre chapitres suivants s’appuient sur des récits d’expérimentations qui partagent tous l’idée que l’élève peut être un acteur de l’évaluation. Le chapitre 6 développe notamment le concept de « conscience évaluative » des élèves, à considérer en lien avec celle d’intention évaluative du professeur. Il peut s’agir, par exemple, de mesurer les différences de perception sur une évaluation entre les élèves et l’enseignant. Le chapitre 8 revient sur un point fondamental à savoir le statut de l’erreur. Celle-ci devient une source de l’apprentissage et l’ordinateur peut permettre une remédiation rapide et personnalisée. Les auteurs appellent cela SISMO (Système d’Interactions Synchrone Médiatisées par Ordinateurs), c’est-à-dire qu’il s’agit d’outils qui permettent de collecter les réponses. Le début de l’article revient sur les évaluations possibles avec de tels systèmes. Ce premier temps peut être suivi par le fait que chaque étudiant discute ensuite avec un autre qui n’a pas répondu les mêmes choses. La deuxième partie montre que l’erreur ne doit plus être humiliante et les SISMO peuvent servir ce projet. En effet, avec un tel système, l’apprenant peut se rendre compte par exemple qu’il n’est pas le seul à s’être trompé. La collecte de l’activité des traces concourt aux apprentissages. Le chapitre 9 développe le cas d’un dispositif d’évaluation des enseignements par des étudiants de cours hybrides tandis que la dernière contribution présente une modalité d’évaluation par les pairs sous la forme de tables de discussions. On voit notamment l’importance du feed-back et notamment le fait que l’étudiant, devant se débrouiller avec des documents, devient efficace quand il doit en faire la restitution à ses camarades.
Quel bilan et quelles pistes ?
Linda Allal et Marie-Claire Dauvisis se livrent à l’exercice de la conclusion à partir des différents apports des auteurs. Linda Allal revient sur l’interrogation suivante : « en quoi l’évaluation est-elle un levier pour l’apprentissage des élèves et des personnes en formation ? ». Elle pointe notamment la conscience évaluative et le fait que celle des élèves peut être plus ou moins proche de celle du professeur. Elle revient évidemment aussi sur la question de la motivation mais aussi des rétroactions. Marie-Claire Dauvisis centre son propos sur « en quoi l’évaluation est-elle un levier pour les pratiques des formateurs et pour les dispositifs de formation ? ». Elle insiste sur la bonne compréhension nécessaire entre les interlocuteurs et, de façon plus générale, sur la clarté sur ce qui est attendu. La technologie peut être une aide mais il faut s’en saisir pour l’adapter. En tout cas, l’idée de levier est très pertinente car elle indique l’idée de forces, l’idée qu’on peut agir.
Cet ouvrage est plutôt à réserver aux formateurs car il contient des exemples très précis et qui nécessitent de s’y plonger. Il développe en tout cas des points qu’on espère déjà partagés, ou de plus en plus, à savoir considérer que dans l’évaluation l’erreur n’est pas une faute mais un message, mais aussi qu’une évaluation peut être menée de multiples façons en utilisant le numérique notamment pour procéder à une information de l’apprenant afin qu’il s’améliore.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes