L’auteur analyse toutes les violences du XXe siècle. Il étudie le communisme, le fascisme, le nazisme et la Shoah. Enfin, il montre le poids des exilés dans la réflexion historique et celui des Mémoires dans l’Histoire de l’Europe.
La chute du communisme en 1989 fait sortir l’idée de la Révolution de l’Histoire.
En quelque sorte, 1989 congédie 1789 et 1917. François Furet dans le Passé d’une illusion, essai sur l’idée communiste au XXe siècle, édité en 1995, considère que la Terreur jacobine de 1793 à 1794 est l’évènement annonciateur des totalitarismes modernes ; et l’extermination des vendéens inspire le génocide des classes sociales en U.R.S.S. « Le Goulag conduit à repenser la Terreur, en vertu d’une identité dans le projet. »
Stéphane Courtois dans Le livre noir du communisme ; crimes,terreur et répression, édité en 1997 va encore plus loin dans cette logique. Il fait du communisme un simple phénomène criminel dont l’architecte est Lénine et la date de naissance est octobre 1917. C’est la version anti-bolchévique d’une Histoire bolchévisée par d’ex renégats communistes.
Enfin Arno Meyer dans Les Furies 1789/1917, édité en 2002, fait l’analogie entre Marat et Robespierre en 1793-1794 et Lénine et Trotski en 1917-1922. Pour lui, la Révolution a toutes les caractéristiques d’une Religion. Il considère donc que la « religion jacobine » amène à la « religion bolchévique ».
Le Fascisme est aussi une révolution car il veut bâtir une société nouvelle. Sa vision du monde c’est de créer un homme nouveau et de mettre la culture au service d’un nouvel imaginaire collectif. Son idéologie nationaliste n’est ni conservatrice ni libérale. Le Fascisme est le fossoyeur des idées des Lumières et de la Révolution française, alors que le communisme veut les prolonger. D’où vient le fascisme italien de 1922 ? De la France entre 1886 et 1898 avec Edouard Drumont, l’eugénisme et Charles Maurras.
Il a 3 matrices. La première est l’anti-communisme qui rassemble fascistes, nazis et franquistes dans la guerre d’Espagne de 1936 à 1939, contre les Républicains soutenus par Staline. La deuxième est une matrice conservatrice qu’on retrouve chez Mussolini, Pétain et surtout Franco, avec une alliance privilégiée avec l’Eglise Catholique. Enfin, la troisième matrice est celle de la violence avec la répression de masse et le système concentrationnaire.
Le Nazisme est analysé sous l’angle d’un débat entre historiens allemands qui porte sur la place de la Shoah dans le système nazi. Pour certains dont beaucoup d’historiens juifs, il a une place centrale. Cette thèse est basée surtout sur la mémoire des victimes. Pour d’autres, il a une place annexe. Cette thèse est basée sur les archives et donne une place centrale aux structures et à l’idéologie de l’Etat nazi.
Cela amène au chapitre suivant : peut-on comparer la Shoah ?
Certains considèrent que non car la Shoah serait un crime unique dans l’Histoire.
D’autres considèrent que comparer la Shoah avec le génocide bosniaque, rwandais ou chinois par les japonais permet de favoriser la compréhension de ces phénomènes sans nier la singularité du génocide juif et tzigane.
Enfin si les 3 icônes du XXème siècle sont Auschwitz, Hiroshima et le Goulag, la prise de conscience tardive de leur importance a souvent eu comme origine des exilés.
- Victor Serge, exilé en France, dénonce dès 1933 le stalinisme mais il faut attendre Soljénitsyne et L’Archipel du goulag en 1974 pour atteindre une prise de conscience générale.
- Hannah Arendt, exilée aux Etats-Unis, dénonce dès 1944 les « usines de mort nazies » mais il faut attendre les années 1970 pour que la Shoah ait une place centrale.
- Enfin Günther Anders, exilé en Californie, est le premier à dénoncer Hiroshima en 1956, alors que la bombe atomique est associée positivement à la victoire de 1945.
Le chapitre sur le biopouvoir est assez barbant et n’apporte pas grand-chose, je l’élimine donc et passe à la conclusion sur la place des Mémoires dans l’Histoire de l’Europe.
Les révolutions sont éclipsées par la mémoire du Goulag, l’antifascisme est évacué par la mémoire de la Shoah et l’anticolonialisme est oublié au profit de la mémoire de l’Esclavage.
En décembre 2007, les Cortes Espagnoles votent une loi de mémoire historique sur les crimes du franquisme. L’Histoire devient une « guerre des Mémoires ».
Cette guerre est illustrée par l’auteur par l’exemple du 8 Mai 1945 :
- -en Europe occidentale, c’est la Victoire et la Libération.
- -en Europe orientale, c’est la plongée dans 44 ans de communisme.
- -enfin en Afrique du Nord, c’est la tragédie coloniale avec les massacres de Sétif en Algérie.
Cette même date a donc 3 sens mémoriels opposés et différents.
Enfin en Allemagne de l’Est le devoir de mémoire privilégie la mémoire du nazisme et de la Shoah mais efface du même coup la mémoire de la R.D.A. et du communisme.
Quelle Histoire va-t-on écrire en suivant seulement les Mémoires collectives et individuelles ? Et quelles mémoires va-t-on privilégier sur quelles autres ? Au moment où la France légifère sur le génocide arménien, qui doit dicter les Mémoires du peuple turc, du peuple français et du peuple arménien ?