En 2019 l’empereur Akihito renonçait à son titre impérial et abdiquait en faveur de son fils ainé. Cette décision, longuement commentée et analysée au Japon, a remis sur le devant de la scène médiatique internationale, un court laps de temps, une situation presque devenue anachronique aujourd’hui : le Japon demeure le seul empire du monde.
Depuis la défaite de 1945, l’empereur voit ses prérogatives réduite au rang de symbole. Le père d’Akihito, Hiro Hito, fut le dernier successeur du trône du légendaire Jinmu à guider la politique de son pays. Akihito, qui étant un jeune enfant à l’époque, a connu les traumatismes de la défaite et de la disparition du pouvoir impérial. Comment se construire comme futur souverain ramené au rang de symbole ? Et comment mettre en vigueur ces principes au moment de succéder à son père ? Le manga de Issei Eifuku, Usamaru Furuya, Hidetaka Shiba revient sur la vie de l’empereur Akihito au moment où celui-ci cède le titre impérial à Naruhito.
Akihito : la défense de la paix
Heisei ou « Accomplissement de la paix », tel est le nom de l’ère ouverte avec l’accession d’Akihito au trône en 1989. L’empereur nouveau insista pour inscrire son règne dans la perpétuation de la paix, une paix si durement payée par son pays, lui qui fut enfant durant la guerre et élevé loin de sa famille, selon les modèles traditionnels impériaux. Akihito perçu avec acuité les douleurs de son peuple à mesure que « l’enfant divin » qu’il était traversait le pays en raison de ses obligations, tout en poursuivant son éducation dans la très prisée école Gakushuin, sous l’œil de l’amiral Yamanashi qui avait la confiance de son père.
La guerre finie Akihito reçu une éducation bien plus libérale, à la demande d’Hiro Hito, visant à l’ouvre au système anglo-saxon et à la démocratie. C’est au prix de l’évolution que la famille impériale survivra. Sport, sciences, anglais, Akihito acquit auprès de ses enseignants étasuniens (Mrs Vining) et japonais (Shinzo Koizumi) une éducation le préparant à assumer un rôle symbolique, ouvrant avant tout à l’unité de la nation et au respect de la nouvelle constitution.
Il poursuit des études universitaires, grandissant au contact d’amis avec lesquels les échanges se faisaient sans protocole ou fard particulier. Rapidement Akihito dû assumer des fonctions officielles. Il représenta le Japon au couronnement d’Elizabeth II avec qui des liens d’amitié réelle se créèrent. Elle lui conseilla de faire ses propres choix pour trouver sa compagne. Ce fut fait lorsqu’il porta son attention sur la jeune Michiko Shoda, roturière et non issue de l’aristocratie comme cela était traditionnellement le cas. Intérêt mutuel qui déboucha sur un mariage en 1959 et la naissance du prince héritier Naruhito en 1960. Michiko et Akihito souhaitèrent expressément éduquer eux-mêmes leurs enfants, et abolirent en ce sens le système des nourrices et des tuteurs. Une manière supplémentaire de rompre avec la tradition.
Le chant d’Okinawa
Le manga revient longuement sur le travail mené par Akihito et Michiko sur Okinawa, rétrocédé au Japon en 1972. L’archipel avait payé un lourd tribut humain durant la seconde guerre mondiale, Okinawa étant le seul territoire japonais ayant connu un débarquement des troupes étasuniennes et subi les exactions des deux armées en présence. Ainsi le couple princier consacra à Okinawa, et aux territoires victimes de la politique impérialiste japonaise, de nombreuses visites afin de porter le pardon impérial et faire un travail de mémoire. Marqué par les nombreuses catastrophes (tremblement de terre de Kobe de 1995, catastrophe nucléaire de Fukushima) qui touchèrent son pays au cours des trois dernières décennies, Akihito chercha à apporter le réconfort et l’aide dont sa population avait besoin, quitte à rompre avec toutes les conventions (prendre la parole officiellement à la télévision en 2011 à la suite du tsunami). Agé, Akihito cède le trône impérial, après 30 années de règne, à son fils ainé en 2019, l’incitant à poursuivre son oeuvre : éviter la guerre et agir pour l’unité.
En somme un manga agréable, prenant le parti très clair du soutien à la famille impériale japonaise et à l’oeuvre de celle-ci depuis l’ère Heisei, et qui doit être lu et compris en connaissance.