Plus qu’une image
Le livre est construit de la façon suivante. Il commence par une date, puis propose un décodage de la photographie, c’est-à-dire une explication. La partie droite est toujours occupée par l’image en question et la double page suivante s’intéresse à « l’histoire vraie », c’est-à-dire à l’histoire de la photographie. Ce dispositif est à la fois simple et efficace car il permet de ne pas se contenter d’un descriptif de la photo mais d’aller plus loin. La logique ressemble un peu à celle de l’émission de Serge Viallet « Mystères d’archives « lorsqu’il propose un éclairage sur une archive filmée. La construction du livre est chronologique et propose vingt photographies.
Au temps de la Guerre froide
Si l’on veut proposer un regroupement par thème, et non par dates, on peut relever tout d’abord des photographies liées à la Guerre froide. Il y a par exemple ce désormais célébrissime cliché de Marc Riboud sur une manifestation contre la guerre du Vietnam. En quelques mots, le décodage situe l’image dans son époque et en même temps nous aide à comprendre sa force. En effet, on voit une multitude de soldats face à une femme et le flou accentue encore l’impression de nombre du côté des militaires. Signalons également l’image de l’exécution à Saïgon en 1968 ou encore le cliché de Nick Ut « la petite fille au napalm ». Pour clore sur la période, on verra aussi l’image de ce jeune Allemand grimpé à califourchon sur le mur de Berlin encore debout. Elle est l’oeuvre de Raymond Depardon.
Espoir/désespoir
Quelques photographies témoignent de moments positifs ou d’espoir. Il y a celle de Mitterrand, main dans la main avec Helmut Kohl ou celle de la libération de Nelson Mandela en 1990. C’est pourtant une tonalité plus dramatique qui l’emporte quand on fait le décompte des images symboles. Ainsi cette image de celle qu’on a appelée « la madone algérienne », c’est à dire cette femme qui pleure la perte d’une partie de sa famille dans un massacre perpétré par des extrémistes musulmans. Il y a aussi cette image du 11 septembre avec cet homme qui tombe ou encore le désespoir d’une jeune femme après le tsunami de 2011.
Derrière la photographie….
La vraie force de l’ouvrage est de ne pas se contenter de reproduire ces images avec quelques éléments de contextualisation, mais bien d’éclairer leur conception. Ainsi pour le tsunami, on apprend que cette jeune femme a cru pendant trois jours que son fils de cinq ans était disparu avant de le retrouver vivant. La photographie est reproduite dans plus de 54 magazines, mais pas au Japon. L’histoire se termine par une invitation de la jeune femme au festival « Visa pour l’image » de Perpignan. La jeune femme avoua qu’elle fut d’abord contre cette photographie, mais que finalement elle a réalisé qu’elle avait permis de mobiliser l’attention d’une partie du monde sur le drame. On apprendra aussi que dans un cliché célèbre, celui de l’homme sur la Lune, aucune ne concerne Neil Armstrong !
Le travail de décryptage est en tout cas fondamental. Si l’on repense à la madone algérienne, les deux auteurs expliquent bien les ambiguïtés d’un tel cliché. Cette image fait clairement référence au christianisme. Des légendes commencent à circuler et on attribue l’abattement de cette femme à la perte de ses huit enfants alors qu’elle n’en a pas.
Janvier 2015
Le livre se clôt sur une photographie liée aux attentats de janvier 2015 et à la mobilisation place de la Nation. L’image est très forte symboliquement avec la présence du peuple et de Marianne en hauteur. Plusieurs crayons sont visibles et on lit aussi à travers cette image le tableau de Delacroix « La liberté guidant le peuple ». Le photographe Martin Argyroglo raconte qu’un jeune homme allume à un moment un fumigène, ce qui « sauve la photographie ». Il envoie l’image sur Twitter, se couche et découvre le lendemain qu’elle a été retweeté des milliers de fois. Sa photographie devient un symbole.
Ce livre de David Groison et Pierangélique Schouler fourmille d’informations et permet d’approfondir, et de parfois découvrir, comment ces images sont devenues des symboles. Il est à destination des plus jeunes qui peuvent ainsi découvrir ces images qui ne font pas partie de leur histoire iconique.
(c) Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.