L’incroyable histoire des animaux est une Bande Dessinée qui s’attèle à une tâche importante : faire l’histoire des animaux depuis la création de la terre pour leur redonner une place centrale que l’humain a trop longuement voulu garder pour lui seul. L’ouvrage, réalisé par Karine-Lou Matignon (textes) et Olivier Martin (dessin), se divise en plusieurs parties, reprenant des grandes périodes (Antiquité, Moyen-Age …). La dernière partie, sur le XXIème siècle, est plutôt un plaidoyer pour une nouvelle place des animaux dans nos sociétés, où abonde critique de l’industrialisation de l’élevage, nouvel éclairage grâce à la science de facultés animales autrefois attribuées aux humains (langage, société, …) et nouvelles relations entre humains et non-humains. Cet ouvrage se place dans le courant antispéciste et végan, discutant à la fin du bien-fondé de la consommation de la viande et de la place politique à donner aux non-humains.
L’idée de résumer en 170 pages l’histoire des animaux est un pari, tant la matière est importante. Les auteurs ont choisi de réaliser, dans chaque partie chronologique une succession de petites rubriques de quelques pages pour traiter du maximum d’éléments possibles. Ainsi, « A la conquête du cheval » est suivi de « l’animal à l’image de l’homme », « Bestiaire fantastique » et « Diables d’animaux ». Les quelques vignettes de chaque rubrique reprenant soit des éléments généraux, soit un exemple particulier. Cette BD reprend en effet plusieurs histoires d’animaux plus ou moins célèbres qui illustrent la relation entre les humains et les animaux. Par exemple, le singe Consul est un singe « savant » (dans le sens d’un animal à qui l’on aurait appris des tours afin de le présenter comme attraction) qui est célèbre à la fin de l’époque moderne en Angleterre pour ses tours : il sait mimer les humains, saluer les dames ou encore fumer. Cependant, il ne cesse d’être regardé comme un objet non doué de raison alors même que son comportement aurait dû suggérer l’inverse.
Ce livre est mis en valeur par les dessins d’Olivier Martin. Certains choix illustrent la volonté globale de l’ouvrage, qui est de montrer que l’histoire des animaux est une histoire violente, sanglante. Le rouge, le violet et le rose sont des couleurs dominantes, qui représentent le sang et la barbarie pratiqués à l’encontre des animaux – barbarie aussi fortement représentée. Ce n’est donc pas un ouvrage tendre sur les meilleurs amis de l’humain puisque L’incroyable histoire des animaux dénonce au contraire la violence et la domination des rapports. Cependant, la seconde partie, consacrée au XXIème siècle, ouvre des portes d’espoir. Le rouge, la violence s’y fait moins sentir. La BD met en avant de multiples études et animaux qui confortent l’antispécisme et ouvrent la possibilité d’un autre rapport entre les humains et les animaux.
Si cette BD remplit parfaitement son rôle, le foisonnement d’idées et de périodes abordées peut nuire à la bonne cohérence. Ainsi, la rubrique « A la conquête du cheval », située dans la partie « Moyen-Age et Temps modernes » évoque des faits datant de 5000 avant notre ère. De plus, on peut reprocher le très fort européocentrisme, puisque les pays occidentaux sont surreprésentés. Il aurait pu être intéressant de discuter de la place des animaux au Japon ou de la vache sacrée en Inde. De même, les autres systèmes de pensée des rapports animaux-humains (animiste, totémiste…) ne sont pas abordés, ce qui aurait pu mettre de la nuance dans le discours.
Un ouvrage intéressant qui permettra de faire rapidement un tour d’horizon du passé, du présent et du proche futur déjà à l’œuvre !