Cet ouvrage est prioritairement destiné à ceux qui préparent les concours du CAPES et de l’agrégation en Histoire-Géographie. Édité par Armand Colin en partenariat avec le CNED dans la collection Horizon, la forme de ce « manuel » n’est donc pas surprenante. Après une introduction de Philippe CADÈNE et Brigitte DUMORTIER, il compile une vingtaine de chapitres écrits par des géographes (parfois émérites comme François DURAND-DASTÈS), des économistes et des sociologues. Leur point commun est bien sûr l’Inde. Archétype du pays sous-développé dans les années 1970, l’Inde est aujourd’hui une puissance émergente confrontée à de profonds changements et à l’accentuation des inégalités spatiales et sociales.

La première partie présente UNE INDE SINGULIERE ET PLURIELLE. L’Inde est d’abord le pays des d’extrêmes. C’est le 7ème Etat du monde pour sa superficie (3200 km du Nord au Sud et 3000 km d’Est en Ouest). Elle compte près d’1,3 milliard d’habitants (16% de la population mondiale), régulièrement confrontés aux séismes, tempêtes, crues, inondations, sécheresses… L’Inde est une mosaïque linguistique avec encore 860 langues et dialectes différents. C’est aussi une mosaïque de royaumes qui se succèdent et se recomposent depuis au moins 3 millénaires, expliquant son maillage territorial encore complexe. L’Inde est surtout un pays en pleine mutation. Dans la décennie 2000, la libéralisation et l’ancrage croissant à la mondialisation grâce à une plus grande ouverture ont permis le décollage économique de l’Inde. Le PIB a été multiplié par 4 entre 1990 et 2014. En même temps, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion est toujours d’actualité dans les campagnes où les habitants de nombreux villages vivent encore dans des conditions misérables mais aussi dans les villes où les bidonvilles sont loin d’être éradiqués (35 millions d’habitants vivent dans des slums). A l’image de nombreux pays émergents, développement, modernité, tradition et inégalités coexistent donc. Par exemple, la société indienne est toujours fondée sur le système discriminatoire des castes consubstantiel à l’hindouisme, religion dominante.

L’Inde est d’abord vue comme UN GEANT DEMOGRAPHIQUE (2ème partie). Sa population a été multipliée par 5 entre 1901 et 2011. Cette augmentation est essentiellement le résultat d’une transition démographique qui a débuté dans les années 1920. La croissance naturelle reste le principal moteur de cette croissance démographique. On constate toutefois une petite baisse de la croissance naturelle depuis 2005. Les migrations jouent également un rôle important. En 2001, 30% de la population est considéré comme « migrant par rapport au lieu de naissance ». Mais les dynamiques sont différenciées selon les Etats. On peut parler de mosaïque géo-démographique. Les Etats les plus développés sont les plus attractifs comme par exemple le Maharastra qui attire du fait de la présence de Mumbai, centre économique et universitaire majeur. La pression démographique sur la terre et les opportunités d’emplois plus nombreuses favorisent les migrations des campagnes vers les villes. L’urbanisation est donc croissante : 10,8 % en 1901 contre 31,1 % aujourd’hui. L’Inde a parallèlement connu des améliorations considérables dans le domaine de la santé. L’espérance de vie a été multipliée par 2 de 1951 à 2011. La mortalité infantile a été divisée par 4. Mais les progrès récents sont plus lents et les inégalités sociales et spatiales (notamment entre zones rurales et urbaines) se sont accrues. Le personnel médical manque (0,6 médecins pour 1000 habitants) avec de fortes variations d’un Etat à l’autre. Par exemple, la mortalité infantile est 5 fois plus importante en Assam qu’au Karakala (12 ans d’écart d’espérance de vie).

Dans ce contexte, l’Inde doit affronter les défis d’UNE ECONOMIE EN MUTATION (3ème partie). Des réformes ont mené l’Inde vers une libéralisation et une ouverture économique avec un développement de la concurrence et une déréglementation. De nombreux secteurs ont été ouverts aux investisseurs privés. Les IDE sont en constante augmentation depuis 1991, ce qui accélère la croissance économique. L’agriculture reste le secteur économique le plus important. La paysannerie reste nombreuse : 261 millions d’actifs agricoles en 2011. La Révolution Verte (irrigation, utilisation de pesticides, d’engrais et de variétés à haut rendement) aujourd’hui critiquée a permis d’augmenter la productivité de la terre et les rendements permettant de nourrir une population toujours plus nombreuse et le maintien de fortes densités rurales. Dans le secteur industriel, l’Inde est une puissance en devenir, dominée par quelques grands groupes familiaux capables de profiter de la libéralisation de l’économie. Il en est de même pour les ports ou le tourisme, où l’Inde ne profite pas encore complètement de ses atouts. En effet, de véritables faiblesses structurelles subsistent : faible productivité, insuffisance des infrastructures de transport et de communication, manque de travailleurs qualifiés, irrégularités d’approvisionnement de l’électricité, accès au crédit difficile… De plus, le développement économique se concentre majoritairement dans les grandes métropoles : New Delhi, Mumbai ou Bangalore.

La quatrième partie montre UN ACCES INEGAL AU DEVELOPPEMENT en Inde. Le revenu par habitant progresse et est en moyenne de 1570 dollars par an (soit le 120ème rang mondial). Officiellement 21,9% de la population indienne vit sous le seuil de pauvreté soit 269,3 millions d’habitants. Mais la pauvreté touche les populations de façon inégale. Par exemple, les inégalités d’accès aux services urbains (assainissement, gestion des ordures ménagères, distribution de l’électricité) sont nombreuses à de multiples échelles. Les variations régionales sont considérables ainsi que les inégalités entre villes et à l’échelle intra-urbaine. Ces inégalités d’accès sont aussi révélatrices des inégalités sociales. Certains habitants vivent comme dans les pays développées et d’autres ont encore un niveau de services d’un pays pauvre. Les investissements devraient être multipliés par 8 pour satisfaire les besoins d’ici 2030. Certaines initiatives privées ou publiques pour diminuer ces inégalités ont rencontré des succès mitigés. C’est le cas de la microfinance qui semble loin d’être la solution miracle espérée, poussant parfois au surendettement. Les politiques sociales mises en place depuis longtemps (comme la discrimination positive) sont donc plus que jamais nécessaires. Ainsi, un nouveau programme permet de garantir des empois au moins 100 jours par an à des salaires égaux pour les hommes et les femmes.

Ces dernières années, l’Inde a enfin fait UN PAS VERS LA NOUVELLE ECONOMIE (5ème Partie) à la fois dans le domaine financier, dans l’art contemporain ou le lent développement de la grande distribution.

Au final, cet ouvrage dresse un portrait complet de l’Inde d’aujourd’hui. Il permettra aux étudiants de poser les bases de l’étude de ce pays pour les concours. Ils pourront utiliser avec profit la bibliographie organisée et intéressante car en partie commentée. Les cartes sont nombreuses (à toutes les échelles) ainsi que les tableaux numériques, les schémas et les graphiques. Mais comme la plupart des « manuels », les différents chapitres écrits par plusieurs auteurs manquent de liens et certains éléments comme les inégalités spatiales (et sociales) sont traités de manière répétitive et dispersée alors qu’il aurait été intéressant de les regrouper. A l’image du Brésil ou de la Chine, il s’agit en effet du principal défi géographique à relever aujourd’hui et demain pour les pays dits émergents.