Yann Potin, historien et archiviste est Maître de conférences associé, Chargé d’études documentaires aux Archives nationales. Il s’intéresse à de nombreuses thématiques de recherche dont l’Histoire du droit, analysée sous l’angle du patrimoine et des archives, l’Histoire des sciences sociales, de l’archéologie et du patrimoine.

L’auteur est également membre du conseil de direction du Labex HASTEC (Laboratoire d’excellence. Histoire et anthropologie des savoirs, des techniques et des croyances), membre du Comité des Travaux historiques et scientifiques dans la section Sciences, Histoire des sciences et des techniques et archéologie industrielle. Il est également responsable du projet « Prometeus » (Archives et Bibliothèque nationale sous l’Occupation ») du labex « Passés dans le Présent » (2020-2021) et Co-responsable du projet « ArDi » (Archives et droit international), associant le CEDIN (Centre de droit international de Nanterre) et les Archive nationales dans le cadre l’Université Paris-Lumière. Enfin, Yann Potin est membre de l’équipe de pilotage de l’ERC « DREAM » (DRafting and Enacting the Revolutions in the Arab Mediterranean. In Search for Dignity – from the 1950’s until today).

Spécialiste de l’Histoire des archives et de l’archivistique, il publie ici son tout nouvel ouvrage qui a pour thématique la conservation des écrits par les pouvoirs, les modalités de conservation des archives. Son livre prend pour cadre la fin du Moyen Age en France qui est une période charnière dans les modalités de conservation des écrits, par l’intermédiaire de la création de bibliothèques d’Etat.

La bibliothèque : symbole du pouvoir médiéval

A la jonction de l’Histoire de la culture écrite et de celle des pouvoirs cet ouvrage analyse la production écrite des pouvoirs ainsi que leur mise en scène sous l’espèce et la fonction de trésor. L’auteur veut faire comprendre pourquoi et de quelles manières les bibliothèques et archives procèdent «d’une forme spécifique de thésaurisation» révélatrice de la dignité et de la puissance : fondations du pouvoir médiéval.

L’auteur a pour objectif de se placer dans un Histoire de la culture écrite de la période moderne. Son travail peut se rattacher comme Yann Potin l’indique lui-même dans son avant propos à la genèse de l’Etat moderne. En effet, la constitution de la Librairie, sa fonction de réserve de dons comme motif de sa dispersion marque, d’une certaine manière, le début du transfert de fonctions ecclésiales et cléricales sur les formes de légitimation du pouvoir royal ainsi que sur son exercice.

La logique administrative de l’Etat est ici analysée dans ses prémisses.

Le livre est découpé en trois grandes parties. Les deux premières sont composées de trois chapitres et la dernière de quatre chapitres.

Trésor du roi. Une Histoire matérielle du pouvoir de donner

Le premier chapitre (23- 28p) pose les contours, fluctuants du terme de trésor afin de déterminer l’objet de recherche dont il est question dans ce livre.

Le deuxième chapitre (29-41p) pose la question du Roi en tant que collectionneur, en mettant en relief le risque d’anachronisme de cette image du Roi gardien du trésor du ciel. Il s’agit ici également de questionner les modalités de conservation des joyaux du Roi.

Le dernier chapitre de la première partie (43-67p) aborde les sanctuaires royaux et leur patrimonialisation progressive. L’auteur montre dans ce chapitre que la fonction de Roi-trésorier consiste plus à garder le pouvoir de donner qu’à conserver. L’aliénabilité et l’inaliénabilité des trésors dans la logique du don sont analysés au travers des perspectives historiographiques et chronologiques.

Un trésor de sapience, la librairie du Louvre.

Le premier chapitre (71-83p), retrace l’Histoire de la librairie du Louvre. L’auteur décrit avec une grande précision les manuscrits et détermine le statut des inventaires. Il prend pour base les inventaires et pièces comptables pour analyser la circulation des livres. Le chapitre explique les procédures d’enregistrement des livres tout en avançant les problèmes de classifications fluctuantes de ces derniers.

Le deuxième chapitre de la partie 2 (85-101p). Yann Potin pose ici la problématique de la bibliothèque en tant qu’archive d’un ordre spécifique du savoir au travers de l’exemple de la librairie du Louvre. Ainsi, la librairie du Louvre est vue comme une exception dans le contexte de la fin du Moyen-Age en France. La librairie du Louvre est, selon les termes de l’auteur, un atelier d’une science politique en gestation et tente d’accomplir la révélation du trésor secret de l’Ecriture.

Le dernier chapitre de la deuxième partie ( 109-137p) prend pour cadre la régence contestée du duc d’Anjou en 1380 afin de mettre en exergue les contradictions du dispositif successoral de 1374-75.

Les archives médiévales à l’épreuve du trésor de Chartes.

Le premier chapitre de cette partie (141-151p) décrit les liens entre la royauté française et la science des archives.

Le deuxième chapitre de la troisième partie (151-169 p) étudie l’évolution des archives du Royaume vers la constitution du Trésor des Chartes entre le XIIIe et le XIXe s. L’auteur met en avant les objectifs recherchés par ces évolutions qui tendent vers une «fabrique de la perpétuité».

Le troisième chapitre de la partie (179-202p), prend le point de départ des enquêtes de Saint Louis. L’année 1247-1248 est vue comme une période charnière de la politique archivistique tout comme la période qui suit la mort des deux légistes de Philippe le Bel : Nogaret et Plaisians.

Dans le dernier chapitre, l’auteur questionne la figure du trésor comme métaphore pour les archives. Les rhétoriques du bâtiment sont analysées au travers du prisme de la sécurité et de la sacralité des lieux.

Cet ouvrage passionnant vous emmène dans les méandres des archives manuscrites médiévales. L’auteur mène son étude à la manière d’un détective menant son enquête. Très bien documenté, cet ouvrage nous conduit à mieux appréhender les prémisses de la constitution des archives d’Etat, les objectifs recherchés ainsi que les paradoxes de cette patrimonialisation de l’écrit au travers du temps.

Cependant, cet ouvrage complexe s’adresse malgré tout à des passionnés d’Histoire médiévale qui souhaiteraient approfondir leurs connaissances dans le domaine de la transmission des écrits dans la période médiévale.