Lip, des héros ordinaires, revient sur la lutte des ouvriers de l’horlogerie de l’entreprise Lip, entre avril 1973 et mars 1974.

Le principal actionnaire, le suisse Ebauches S.A., décide de démanteler l’entreprise, en se séparant de certains secteurs de production et en ne conservant que le montage d’horlogerie à partir de pièces venues de Suisse. Face à la vague de licenciements annoncés, les employés de LIP s’organisent et développent un modèle autogestionnaire avec la mise en place de commissions dans lesquelles les ouvriers s’inscrivent sur la base du volontariat.

Si certaines figurent emblématiques du mouvement des LIP sont bien présentes dans ce roman graphique, à l’instar de Jean Raguenès ou de Charles Piaget, c’est à travers le personnage de Solange, jeune OS, que Laurent Galandon et Damien Vidal évoquent cet épisode de l’histoire ouvrière qui dépassera largement le cadre de la cité de Besançon.

La jeune femme va s’émanciper progressivement d’un compagnon macho et raciste, connaître les joies et les déceptions liées au mouvement qu’elle a rejoint de plein pied et prendre un nouvel envol avec la fin de l’aventure des LIP.

Claude Neuschwander, PDG de LIP entre janvier 1974 et février 1976, écrit, dans la postface de l’album, que LIP a été « mise à mort ». Il indique ainsi (p.169) que « l’entreprise était repartie, les ventes étaient bonnes, la collection de montres s’était enrichie de modèles qui devaient ouvrir les portes des marchés d’exportation, un atelier de fabrication de boîtiers avait été installés dans l’usine pour réaliser les nouveaux modèles… Tout allait bien, avec l’accord des actionnaires tenus scrupuleusement au courant, lorsque, avec la crise du pétrole de l’année 75, le patronat et le gouvernement ont considéré que les entreprises françaises allaient connaître des licenciements, et qu’il convenait de démolir LIP, devenue le symbole d’une lutte ouvrière victorieuse. L’assassinat de LIP a duré près de huit mois : il a commencé dès le mois de septembre 75, a connu un temps fort au moment de ma révocation en février 1976, puis lors de la mise à mort de l’entreprise, conduite avec beaucoup d’incompétence et une rare maladresse par les sbires au service des actionnaires ».

Grégoire Masson