Dans son ouvrage, Little Big Horn, autopsie d’une bataille légendaire, David CornutTitulaire d’une maîtrise d’Histoire, il est membre des Little Big Horn Associates, association qui perpétue la mémoire des guerres Indiennes mais aussi de la guerre de Sécession. ouvre l’un des dossiers les plus controversés de l’histoire américaine qui a perduré jusqu’au milieu des années 1990.

Un dimanche de juin 1876, dans la vallée de la Little Big Horn, au cœur de l’Ouest américain, une coalition de Sioux et de Cheyennes, réunie par les chefs Sitting Bull et Crazy Horse, anéantit le 7e régiment de cavalerie du général Custer. C’est une véritable onde de choc qui traverse alors les États-Unis d’Amérique. Aussitôt, la bataille est propulsée au rang de mythe identitaire américain. Et ce mythe dure jusqu’à nos jours. En effet, aucune bataille ne déclenche une telle fascination outre-Atlantique. Mais les questions auxquelles l’historien doit faire face sont multiples : comment une bande d’Indiens a-t-elle réussi à écraser un corps de soldats professionnels. Le général Custer était-il à la hauteur ? Comment les Indiens ont-il vécu cette bataille ? Enfin, comment expliquer que les témoins survivants de cette bataille ont subi des pressions dans les années suivantes ?

Ce 4 juillet 1876 était une date importante pour les États-Unis d’Amérique. Le président Ulysse S. Grant, héros de la guerre de Sécession, avait décidé d’organiser les festivités en grande pompe. Il fallait démontrer au monde entier que, désormais, il fallait compter avec cette nouvelle Amérique. A Philadelphie, haut lieu de guerre de Sécession, une exposition nationale montrait à chaque visiteur les avancées technologiques du pays. La liesse populaire irriguait toutes les villes du pays. Puis, presque insidieusement, un télégramme arriva. La nouvelle se répandit par capillarité, mais avec la lenteur du poison. Le célèbre lieutenant-colonel Custer et ses 263 hommes du 7è régiment de cavalerie venaient d’être exterminés quelque part dans le Montana, au milieu de nulle part. La population interpella ses dirigeants, notamment les généraux Sheridan en charge des questions militaires contre les Indiens et Sherman, général en chef des armées. Eux aussi, héros de la guerre de Sécession, ils tirent alors un discours analogue : ce sont des fausses nouvelles, des purs mensonges. La population n’en crut pas un mot. Cet échec militaire venait mettre en lumière les erreurs du gouvernement américain dans sa politique à soumettre les derniers Indiens des plaines. Le 6 juillet 1876, soit deux jours après l’arrivée funeste du télégramme, que les journaux confirmèrent officiellement la terrible nouvelle. Ce furent alors des pages entières de témoignages, de liste de tués, de récit de la bataille qui inondèrent le pays entier. Comment était-ce possible ? Alors que l’on célébrait, le 4 juillet, le progrès, voilà qu’une bande de sauvages venait de massacrer un héros national et sa troupe de soldats d’élite !

Ulysse S. Grant, 18e président des États-Unis d’Amérique, ivre de rage et de colère en apprenant la nouvelle à la Maison-Blanche, savait que cette défaite militaire aux confins des plaines et de la « frontière » scellait définitivement sa troisième candidature à la magistrature suprême. Dans le même temps, depuis 1873, la popularité de Grant s’effondrait en même temps que l’économie américaine qui était frappée par la première crise industrielle de son histoire. Les mesures décidées par le gouvernement, globalement inefficaces, fit perdurer la dépression économique et une chute de la production industrielle jusqu’au début des années 1880. En plus des difficultés économiques, son second mandat fut marqué par les scandales au sein de son gouvernement et deux membres de son cabinet furent accusés de corruption. A ce sujet, Custer avait dénoncé devant une commission du Congrès quelques mois plus tôt la corruption de l’administration gouvernementale en charge de la « question indienne ». Les soldats qui ferraillaient aux confins du pays étaient mal ravitaillés. Les administrateurs civils dépêchés sur place passaient plus de temps à boire qu’à se préoccuper de leurs missions. Toute la chaîne était contaminée. En vérité, personne ne voulait entendre parler des tribus indiennes. Elles représentaient une menace, mais lointaine et diffuse pour le gouvernement américain. Tout au plus, aurait-on raison d’elles en créant d’immenses réserves où elles pourraient continuer à vivre selon leurs traditions. C’était peine perdue. Déplacés, les Indiens se retrouvaient parqués dans des villes en bois, où les hommes, ne pouvaient plus chasser, faute de gibier et de bisons. Alcoolisme et chômage firent le reste.

Historiographie à charge contre Custer

Jusqu’au milieu des années 1990, l’historiographie américaine décrédibilisa l’action de Custer, soldat sanguinaire et sans scrupule. Il se serait lancé à l’attaque d’environ 2.000 Indiens, sans renfort, sans réflexion. David Cornut démontre dans son livre que ce ne fut pas le cas et que les assertions des courants de pensées historiques outre-Atlantique sont fausses. Aussi, pour comprendre pourquoi cette bataille de Little Big Horn reste encore, de nos jours, aussi célèbre, l’ouvrage de se divise en quatre parties :

  • la première pose le décor de l’Ouest américain réel, puis se penche sur les compétences militaires du général Custer. Elle aborde également en parallèle la situation des Indiens et le parcours du 7e régiment de cavalerie dans les Plaines ;
  • la seconde partie suit minutieusement les préparatifs de la campagne militaire de 1876 et la vie de Sitting Bull et de Crazy Horse, les deux figures majeures de la coalition indienne ;
  • La troisième est totalement consacrée à la bataille, avec la description de son déroulement minute par minute ;
  • la quatrième, enfin, s’attarde sur les conséquences de la victoire des Indiens, que ce soit pour eux-mêmes ou pour les Euro-Américains.

En cette année 1876, l’Amérique était donc en deuil. Mais cette bataille n’était pas le plus grand désastre de la guerre contre les Indiens qui durait depuis presque une centaine d’années : le 4 novembre 1791, le général Arthur St Clair et des troupes avaient été attaqués de nuit par 1.000 guerriers miamis du chef Little Turtle lors de la bataille de Wabash. Il y eut plus de 600 tués parmi les soldats.

Mais en cette année de centenaire de la naissance américain, Little Big Horn résonnait de façon particulièrement cruelle. Il fallait un coupable, une histoire simple à démontrer à l’opinion. Custer, en froid avec sa hiérarchie, représentait donc une cible idéale.

 

Un livre dense, riche, avec parfois quelques longueurs sur le récit de la bataille mais qui nous permet de mieux appréhender cette bataille dans l’imaginaire américaine et qui est devenue, de nos jours, un site touristique grandement fréquenté.

 

Bertrand Lamon

Pour les Clionautes