Deux nuits durant Dominique Sarr, raconte une épopée qui de Niani, capitale du Mali en 1250 à la naissance de la princesse Ténemba, petite-fille de l’empereur Soundjata Keïta nous conduit un siècle plus tard à l’installation de ces descendants au Sine (Sénégal). En 1350 Maïssa Waly Dione, son arrière-petit-fils, fonde le premier royaume sérère avec sa capitale, Mbissel, près de ce qui deviendra la Petite Côte du Sénégal. Le griot Dominique Sarr a mis la tradition à l’épreuve des recherches critiques actuelles.
Voilà qui peut donner quelques belles pages pour le programme de 5eme: Regards sur l’Afrique.

La préface de d’Henri Gavrand resitue avec intérêt le récit dans l’histoire des migrations de l’Ouest africain des XIIIe et XIVe siècles. Il rappelle que tout récit des origines a une forte dimension religieuse, ici pré-islamique, qui ouvre une piste de lecture.

L’ouvrage entraîne rapidement le lecteur dans un monde dépaysant. L’auteur propose un récit épique, le chant du griot sérère sur les origines de son peuple. Une geste comparable à la chanson de Roland qui n’omet pas les versions divergentes parvenues jusqu’à lui.

Chez les Sarr, lointains descendants des Kouyaté, on est griot de père en fils. Dominique Sarr représente la 27ème génération d’un djéli on nomme ainsi le griot au Mali de la famille de l’illustre Soundjata Keita, fondateur de la dynastie mandingue. Kouyaté accompagnait la princesse Ténemba partout pour colporter son histoire. Sept siècles plus tard, les informations ainsi conservées constituent une source orale à préserver qui retient l’auditoire au cours de deux longues nuits.

« L’ombre des Guelwaars » est une saga : la fuite de la mystérieuse et belle Ténemba, petite fille de Soundjata, vers le Gabou, la rencontre avec un chasseur, son mariage avec le Farin Manforong roi d’une province de l’empire malien; la guerre que se livrent ses descendants; l’exil des Guelwaars vaincus et la conquête du Sine.

Le récit mythique nous renseigne sur Niani, la capitale malienne voir l’article d’Hadrien Collet : L’introuvable capitale du Mali. La question de la capitale dans l’historiographie du royaume médiéval du Mali [http://afriques.revues.org/1098->http://afriques.revues.org/1098], les relations entre la religion traditionnelle et début de l’islamisation, la structure de l’empire.
C’est aussi l’occasion d’apprendre bien des détails sur les relations entre rois et griots, la perception du temps et les migrations traditionnelles, à diverses époques, de l’Est vers l’Ouest et son « grand fleuve » qui n’a pas d’autre rive.

Les nombreux épisodes des guerres entre héritiers informent sur les règles de succession, le fils ne doit pas succéder au père, sur la place de l’initiation au bois sacré dans la vie d’un guerrier, les divers statuts des hommes et leur commune vie de guerriers-paysans. C’est la possibilité de mieux comprendre les relations entre ethnies au Sénégal ou comment les mythes invitent au respect entre « cousins à plaisanterie ».

Après l’arrivée des migrants sur la côte le récit nous livre, au-delà des intrigues amoureuses et politiques, des informations sur les pratiques culturelles en particulier la lutte jusqu’à la mort du dernier roi du Sine Mahékor Diouf en 1969 sans pour autant que l’histoire coloniale ne soit évoquée.

Un beau moment de lecture, pourquoi pas pour les vacances