La version illustrée de l’exposition nantaise

La ville de Nantes est encore profondément marqué par l’héritage industriel de la marque LU : la Tour LU sur le quai Baco, le bâtiment des expéditions de Bluysen dans la rue Crucy, de multiples vestiges de peintures-publicités sur les murs de maisons etc. Ce livre est le prolongement naturel de la belle exposition qui a lieu au Château des ducs de Bretagne à Nantes du 27 juin 2020 au 7 mars 2021.

De la pâtisserie à l’usine ultra‐moderne, la marque Lefèvre‐Utile n’a cessé ‐ grâce au talent visionnaire de ses dirigeants sur quatre générations ! ‐ d’être à l’avant‐garde industrielle, tant pour sa production de biscuits, dont les célèbres Petit‐Beurre ou Paille d’Or, que pour son marketing innovant. L’auteur nous dévoile au fil des pages, grâce à une riche iconographie, la singularité toute particulière de cette saga familiale, qui illustre brillamment l’épopée industrielle française du Second Empire aux années 1980.

Source : Presses Universitaires de Rennes

Grand collectionneur, Olivier Fruneau-Maigret est l’auteur de ce livre et un spécialiste de la marque LU. Les Nantais se souviennent de la dispersion d’une partie de sa collection, mise aux enchères en 2018.

Ce beau livre s’attache à présenter la marque, depuis sa création en 1846 jusqu’à la fin du XXe siècle. Le récit est accompagné de nombreuses photographies, schémas, reproductions et documents originaux. Les objets représentés dans le livre proviennent quasi-exclusivement du musée d’histoire de Nantes.

Les fondateurs de la biscuiterie

Cette première partie est écrite par Miren Adouani,  Elle rappelle le parcours de Romain Lefèvre (1819-1883), un pâtissier fabricant des biscuits à Nancy. Apprenant le métier aux côtés de son frère Antoine, il décide de s’installer à Nantes car la ville est plus peuplée que Nancy et le port importe de grandes quantités de sucre en provenance de la Réunion. Ce sucre entre dans la composition de nombreux biscuits. Dans cette ville, la concurrence locale est assez faible sur le marché des biscuits (3 biscuitiers seulement).

En 1851, une première boutique s’installe au 5 rue Boileau sous le nom de « Lefèvre-Utile », joignant ainsi les deux noms de famille du couple de biscuitiers. La biscuiterie nancéenne d’Antoine Lefèvre fonctionne très étroitement avec la biscuiterie nantaise : les deux magasins accueillent des employés de l’autre boutique. Les deux biscuiteries vendent d’abord des biscuits anglais avant de se lancer dans la vente de leurs propres créations sous l’égide du fils de Romain, Louis Lefèvre-Utile.

De l’usine à vapeur au château industriel

S’inspirant des méthodes de fabrication à l’oeuvre en Angleterre, plus productives, Louis Lefèvre-Utile agrandit et modernise l’usine de fabrication. Dès le début de ce second chapitre, Olivier Fruneau-Maigret rappelle que les concurrents de LU ne sont pas qu’anglais. La biscuiterie bordelaise Olibet est le principal concurrent de LU. Le Petit-Beurre est d’ailleurs une quasi-copie d’un biscuit du même nom de la biscuiterie bordelaise.

Malgré un incendie en 1888, l’usine devient un véritable « château industriel » (page 41) dans la ville. Louis rachète progressivement des parcelles jouxtant son usine, année après année, à la fin du XIXe siècle. Les vues aériennes prises dans les années 1920 montre bien l’étendue de l’usine, abritant des fours, des lieux de stockage et un bureau administratif. En 1905, Louis Lefèvre-Utile valide le projet d’Auguste Bluysen consistant à édifier deux tours pour marquer l’entrée du complexe industriel.

La saga des biscuits

Ce troisième chapitre s’intéresse de près aux produits vendus. La qualité devient progressivement un argument de vente auprès des consommateurs. Croquignoles, biscuits de Reims, canois, africains, milanais, nic-nacs, pompadours, tramways, wilhelmines, petit-poucets, puis par la suite Petit-Beurre, Paille d’or et pain d’épices, la gamme de biscuits est très large. La marque se recentrera ensuite sur ses produits-phares comme le Petit-Beurre. Un chapitre lui est dédié, comme pour la Paille d’or. Cette dernière est considérée comme « la plus belle réussite de la marque » (page 85) en associant une gaufrette avec de la pulpe et du jus de fruits (à la framboise de préférence).

La construction d’une image de marque

L’une des raisons expliquant le succès du biscuitier lorrain à Nantes est de s’appuyer sur des techniques publicitaires efficaces à partir d’une iconographie particulièrement bien choisie. Les messages publicitaires sont simples et assimilables pour les clients. Le choix des conditionnements et des slogans est minutieux. Des peintres sont mêmes embauchés par LU afin de réaliser des fresques publicitaires sur les murs de maisons au début du XXe siècle. Des collaborations sont entreprises afin d’accroître la visibilité des produits (Alfons Mucha, Sarah Bernhardt). Les femmes et les enfants sont particulièrement mis en avant sur les affiches. Un passage du livre rappelle notamment la genèse de la publicité vantant le Petit-Ecolier de LU.

D’ingénieux emballages pour protéger et séduire

Parcourir ce beau livre permet de découvrir l’ensemble de la gamme de biscuits LU de la fin du XIXe siècle jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle. Chaque produit est associé à un emballage le mettant en valeur. Par exemple, le Neva est un biscuit russe dont la boîte représente un paysage enneigé à proximité de St-Pétersbourg. Une patineuse russe est visible sur les panonceaux publicitaireS. Louis Lefèvre-Utile crée des biscuits en s’inspirant du contexte. L’Iceberg est un biscuit vendu au début des années 1900. Son lancement dans les boutiques a lieu dans un contexte où les explorations polaires sont à l’honneur dans les journaux, notamment celle du Commandant Charcot qui navigue à proximité de l’Antarctique en 1903.

Photographie prise lors de la visite de l’exposition « LU – Un siècle d’innovation (1846-1957) » au Château des Ducs de Bretagne (Nantes) – A. Baronnet

Photographie prise lors de la visite de l’exposition « LU – Un siècle d’innovation (1846-1957) » au Château des Ducs de Bretagne (Nantes) – A. Baronnet

De nombreux documents sont mobilisables pour les professeurs exerçant en classe de quatrième, première et terminale spécialité. Par exemple, la double-page 90-91 présente de façon didactique un plan-relief annoté de l’usine Lefèvre-Utile réalisé pour l’exposition universelle de Paris. Chaque bâtiment est associé à une fonction illustrant l’organisation tayloriste importée d’Angleterre. L’histoire urbaine, industrielle et plus largement économique peuvent être étudiées à partir des courts textes et des nombreuses illustrations.

En résumé, ce catalogue d’exposition va bien au-delà de la simple retranscription textuelle et artistique. Par des bornes chronologiques plus larges que l’exposition, et par la richesse des objets présentés de façon fidèle, ce livre plaira aux curieux, désirant en savoir plus sur une marque emblématique de l’histoire de l’industrie française depuis la seconde moitié du XIXe siècle.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes