Didier Blanc, L’Union européenne – Aspects institutionnels et politiques, Ellipses, 2006, 352 p.

CR par François da Rocha Carneiro

Le manuel L’Union européenne – Aspects institutionnels et politiques réalisé par Didier Blanc aux éditions Ellipses, est davantage un ouvrage de juriste qu’une réflexion géographique. L’auteur, maître de conférences en droit public à l’université Versailles-Saint-Quentin, est un connaisseur de la question. On lui doit ainsi déjà, entre autres, un travail sur le déficit démocratique des parlements français et européen face aux décisions communautaires . Le livre, destiné aux étudiants (surtout de Droit), se donne pour but de démontrer que l’Union Européenne est « non seulement une Union de droit, mais surtout une Union par le droit » (4e de couverture).

L’ouvrage est divisé en 7 chapitres qui peuvent aisément être regroupés en quatre parties.

La première partie, qui fait l’objet du chapitre 1, consiste en une approche historique de la construction européenne, depuis 1948. L’auteur voit dans la fondation de l’O.E.C.E. dans le cadre du Plan Marshall, et dans l’Union Européenne Occidentale, embryon européen de l’Alliance Atlantique qui voit le jour l’année suivante, les prémices de l’unification européenne. Il en retrace ensuite les différentes phases, en privilégiant les étapes juridiques aux démarches politiques, minimisant ainsi le rôle de l’élection du Parlement européen au suffrage universel direct à partir de 1979.

La deuxième partie, correspondant au chapitre 2, a des résonances plus géographiques. Les caractères de l’Union Européenne y sont décrits, sous le double angle de l’hétérogénéité et de la mobilité du modèle. L’auteur rappelle l’image du temple antique comme métaphore de l’Union Européenne, temple dont les trois piliers seraient le volet communautaire (assemblage de la C.E.E., de la C.E.C.A. et d’Euratom), le volet intergouvernemental des dossiers de la politique étrangère et de la police et justice. La mobilité de l’ensemble communautaire le voue à devenir « une Europe de l’Atlantique à la mer Noire » (p.71), ce qui se traduira dès le 1er janvier 2007 par l’Europe des 27 et qui soulève la question de l’adhésion de la Turquie. Cette extrême mobilité territoriale mais aussi la complexité des statuts font de l’Union Européenne un « objet juridique non identifié » (p.77).
La troisième partie, très juridique, rassemble les chapitres 3, 4, 5 et 6, qui traitent respectivement du système institutionnel, des compétences de l’U.E., de l’ordre juridique communautaire et du système contentieux de l’U.E. L’approche institutionnelle définit l’Union Européenne comme prenant la forme d’un « triangle scalène » (p.99), c’est-à-dire aux trois côtés de longueur différentes, et dont les trois côtés seraient le Parlement, le Conseil et la Commission. Didier Blanc insiste sur la « lumière diffuse, le flou qui nimbe (les) contours » (p.171) des compétences de l’Union Européenne. La diversité des types de compétences en rend en effet la lecture complexe : exclusives par nature ou par exercice, partagées, complémentaires de la compétence nationale, internes, externes. Il est tout aussi difficile de lire le principe de droit évoqué par la Cour Européenne pour justifier ses décisions (p.245).

La dernière partie, le chapitre 7, porte sur les relations entre les institutions françaises et l’Union Européenne. L’auteur rappelle la place du gouvernement français au sein des institutions européennes, en particulier du Conseil de l’Union Européenne, tout en soulignant le faible rôle du ministère des Affaires européennes, créé en 1983, rattaché le plus souvent au Ministère des Affaires étrangères. Surtout, l’auteur analyse rapidement les liens particuliers qu’entretiennent le Parlement et les collectivités territoriales avec l’Union Européenne, bien que « la personnalité juridique de l’Etat (fasse) écran à celle des collectivités territoriales » (p.335). L’Europe des Régions reste juridiquement vide de sens, à s’en tenir à la seule lecture juridico-institutionnelle.

L’ouvrage de Didier Blanc est enfin enrichi de quelques rapides notices biographiques des grands hommes de l’Europe, chacune suivie avec bonheur d’une référence internet. On regrettera en revanche deux aspects du livre, propre à sa thématique. D’abord, la lecture uniquement juridique et institutionnelle, sans la contredire (souvent même, au contraire), ignore trop souvent la dimension sociale et humaine. Le rôle des jumelages, en particulier franco-allemand, véritables associations humaines entre collectivités territoriales, a ainsi familiarisé les peuples avec l’idée européenne rendant ainsi possible une vision critique de la construction dans ses formes institutionnelles, ce que l’ouvrage laisse sous silence. Par ailleurs, on regrettera évidemment l’absence de cartes qui auraient aussi pu enrichir et traduire l’axe institutionnel.