André Rauch, Professeur émérite de l’Université de Strasbourg, spécialiste d’histoire culturelle et notamment de l’histoire du corps, propose un ouvrage classique sur un sujet original : la luxure. Ce travail s’insère dans une série de recherches sur les passions et les péchés.
André Rauch rappelle que la luxure, chargée de passions et d’émotions, hante les représentations mentales et les imaginaires. En effet, la luxure alimente les peurs des uns et trouble les passions des autres (p. 221).

André Rauch présente comment la luxure a été pensée et vécue de la fin de l’Antiquité à nos jours. La racine grecque du mot (loxos) indique la promiscuité de la luxure avec ce qui est oblique, tordu (p. 222). Aussi, chez les Pères de l’Eglise puis chez les théologiens médiévaux, la luxure est-elle pensée comme une désobéissance à la volonté divine ou comme une transgression de l’ordre divin. La luxure est alors liée aux notions de pureté et d’impureté et sa conception est marquée par la théologie du péché originel. La luxure est alors un péché. Progressivement, la luxure est repensée dans le cadre de la nature. André Rauch illustre sa démonstration de nombreux exemples issus de la littérature, de la peinture et de la sculpture. Il montre de subtiles différences dans les conceptions de la luxure des uns et des autres. Les poètes de la Renaissance, tel Ronsard, cherche à vivre sensuellement en naturalisant le désir. La luxure devient jouissance. Signe de la difficulté de rompre avec l’approche théologique, les libertins vivent la luxure comme la transgression d’un interdit. Dom Juan plus que séducteur est surtout sacrilège. Sade cherche, lui, à détruire la vertu et à libérer les forces destructrices présentes en l’homme. Les Lumières tentent alors de rationaliser ces pulsions déchaînées. Au XIXe siècle, les médecins pathologisent le luxurieux soumis à ses pulsions. Pourtant, la luxure se banalise. Alors qu’elle était pratiquée par une élite ou un cercle restreint, la luxure se diffuse par le biais des nouveaux médias. Présentée comme une pratique libératrice et ludique, la luxure mise en scène est alors dénoncée comme un outil de contrôle de la femme, dont le désir reste nié, qui permet de maintenir, sous une forme cachée, ce que Pierre Bourdieu nommait la « domination masculine ».
André Rauch propose un ouvrage intéressant, nourri de nombreux exemples, à la lecture agréable et accessible à tous (ou presque…), utile notamment à ceux qui enseignent ou étudient l’histoire des arts.

Jean-Marc Goglin