Lyon 1250-1550. Réalités et imaginaires d’une métropole propose un voyage entre description, études érudites et réflexion méthodologique et historiographique.
Synthèse
Une première partie de présentation de la ville et de son environnement fluvial.
Lyon 1500-1562: la ville à son apogée: la soie, le sang, les haillons et les rêves. C’est la description d’une ville en croissance, ses succès commerciaux sans oublier la peine du petit peuple urbain. Une ville en mutation au centre de ce que l’auteur nomme première mondialisation: la description de la ville durant cet age d’or du commerce et de la banque qui commence vers 1450, le développement des foires, la présence grandissante des banquiers italiens ainsi que les nouvelles activités: imprimerie, travail de la soie.
Ce premier XVIe siècle brillant n’est nullement épargné par la peste, l’auteur appuie son discours sur ces devanciers tel Richard Gascon sa thèse : Grand commerce et vie urbaine au XVIe siècle. Lyon et ses marchands (environs de 1520-environs de 1580). Paris et La Haye, Mouton, 1971. 2 vol. in-8°, 1.000 pages. pour décrire l’habitat, la place des étrangers dans le grand commerce et les inégalités sociales évoquées ici par la grande Rebeyne de 1529. L’encadrement de la société, la répartition des pouvoirs et les sociabilités complètent ce tableau synthétique de la métropole lyonnaise.
Lyon et ses fleuves: Quels rapports la ville a-t-elle entretenu avec ces deux rivières? Comment les activités nautiques ont- marqué la vie urbaine et ce sur le temps long de deux millénaires? Depuis les premières installations dans l’espace entre les deux rives comment les hommes vont façonner le lit de la Saône puis du Rhône pour échapper à leurs divagations?
L’auteur montre l’importance de la voie d’eau et les hommes qui la font vivre des nautes à l’actuel tourisme fluvial.
Cadres
La seconde partie est consacrée à l’exploration du Plan scénographique de 1550
Du réel à l’imaginaire. La représentation de l’espace urbain dans le plan de Lyon en 1550, c’est la question de la fidélité de la représentation à son modèle réel qui est ici analysée avec minutie jusque dans les scènettes et le décor végétal à partir des textes divers qui décrivent la ville. L’ œuvre informe aussi sur la culture de la fin du XVIe et les ambitions d’alors pour la ville: Lyon centre de la Gaule et de l’Europe avec l’île comme métaphore de la centralité, lieu symbolique de la paix. Ce plan démontre la volonté peu courante à l’époque de peindre la ville.
Lyon au miroir du plan. Retour sur une scénographie fabuleuse, repartant de son étude du plan de 1550 ce chapitre montre l’illusion et la mise en valeur d’un idéal d’harmonie urbaine mise en correspondance avec les œuvres des humanistes lyonnais du temps tel Maurice Scève.
Fiscalité
Plus austère cette troisième patrie décrit les sources fiscales indispensables à l’historien.
“Vaillants” et “Nommées” de Lyon: la restitution des sources
Critique classique et très pointue d’une source originale: Quoi, Par qui, pour qui et pourquoi furent dressés ces “Vaillants”, registres de l’estimation des biens meubles et immeubles des citoyens et qui servirent à l’établissement de la taille.
Les documents fiscaux lyonnais et le rôle du “Vaillant”. La confrontation des sources pose la question du mode de calcul de l’impôt pour les taillables peu fortunés et donc absents sur les “Vaillants”.
Croissance, fiscalité et société (1146-1515): Une intéressante réflexion dur les documents fiscaux et les données que l’histoire sociale peut y trouver.
Histoire sociale
A trois niveaux d’analyse: une famille, un groupe social et un mouvement urbain.
Les Meyniers alias “Lyèvres”, riveyrands, nauchiers et marchands de Lyon. C’est à une contribution à l’étude des voituriers par eau que nous invite ce chapitre. Malgré la dispersions des mentions dans les sources l’auteur reconstitue la mobilité géographique (du Bugey à Lyon) et sociale de la famille Meynier depuis le début du XE siècle.
L’affaneur rhodanien et lyonnais au XVe siècle, la première question porte sur le sens à donner au terme d’affaneur si présent dans les documents, l’auteur s’en tient à l’acception la plus large de travailleur, sans conclusion sur un niveau social particulier. C’est ensuite une tentative de cerner ce groupe social par une étude des documents fiscaux: résidence, niveau de revenus, identité indicative de sociabilité.
Confréries et mouvement confraternel à Lyon au XVe siècle
Place des métiers, privilèges et libertés des artisans lyonnais constituent une approche de l’histoire des associations professionnelles, le rôle des confréries et les formes de sociabilités et leurs rapports et conflits avec les autorités municipales.
Politique
Lyon aux confins du royaume et de l’Empire se dote petit à petit d’autorités consulaires
Le Rhône aux frontières de la ville, comme le rappelle l’auteur la frontière avec les terres d’Empire est aux portes de la ville jusqu’à l’annexion de la Bresse, du Bugey, du Valromey et du Pays de Gex en 1601. C’est cette frontière qu’il convint d’étudier: tracé exact, emprises seigneuriales, évolution depuis le Moyen Age, finalement peu perçue par les hommes
Du récit judiciaire à l’histoire. Essai sur le Tractatus de bellis et iudiciis... et la préhistoire municipale de Lyon au XIIIe siècle. Jacques Rossiaud montre comment les rituels civiques nous renseignent au moins autant que les textes juridiques sur les premières expressions de l’organisation municipale.
Analyser le temps des consuls et le temps des clercs à Lyon aux XIVe et XVe siècle revient à partir de divers documents (sceaux, calendrier des rituels et fêtes ) à étudier les querelles de pouvoirs entre autorités religieuses et monde bourgeois en quête de pouvoir sur la ville. Et l’ordre symbolique exprimé dans ces documents.
Le chapitre “En faveur de la chose publique” se rapporte à la publication en 1998 des Délibérations consulaires des années 1533 et 1534? C’est une mise en forme de la critique historique d’une source.
Manières de vivre
Cette cinquième partie réunit des études diverses sur le quotidien des Lyonnais.
Dans Peut-on parler d’une cuisine lyonnaise à l’aube de la Renaissance? L’auteur reprend le texte d’une communication qu’il a donné avec Jean-Louis Flandrin à un colloque Gastronomie des régions, entre tradition et innovation – Lyon 1993. On retiendra qu’une cuisine régionale ne peut se concrétiser que dans une ville assez grande, prospère avec une population que sa sécurité budgétaire autorise à avoir un regard nouveau sur l’alimentation, de la satisfaction d’un besoin en “honnête volupté”.
La révision en 1387 du Livre du Vaillant autorise à poser la question du bilinguisme des patriciens lyonnais puisqu’il est désormais rédigé en français avec des traces de franco-provençal, langue utilisée jusqu’alors. Quelle place pour la langue du quotidien, quelle place pour le français dans l’élite lyonnaise?
L’enseignement à Lyon à la fin du Moyen Age est décrit dans ce chapitre en dépit du peu de sources et de travaux sur le sujet ce qui amène l’auteur à traiter plus largement de la situation régionale.
Fraternités de jeunesse et niveaux de culture constituent les lieux d’éducation et de sociabilité de la jeunesse. Les “abbayes” sont organisations complexes, concurrentes et parfois violentes. Elles se manifestent en particulier lors des mariages et contribuent à une attitude sociale misogyne notamment dans les classes populaires, plus mondaines dans les organisations qui regroupent les jeunes bourgeois.
Réalités et mythologie des relations amoureuses à Lyon autour de 1500. L’auteur se frotte ici à la gender history en tentant de présenter la place des femmes dans la société lyonnaise: la recherche du mari, les étuves mais aussi les Entrées, il semble que la contrainte sociale se soit adoucie au cours du XVe siècle.
Rituels et représentations
Cette partie ouvre une nouvelle dimension, celle de l’histoire culturelle
Les rituels de la fête civique à Lyon, XIIe – XVIe siècles, instruments de contrôle social, affirmation du pouvoir des élites urbaines ont connu, en quatre siècles, temps forts et ruptures de la commémoration des martyrs chrétiens par la seigneurie ecclésiastique: la fête des merveilles aux Entrées royales.
Le Grand pardon lyonnais de 1393, ce chapitre est l’analyse au-delà de la description de la remise des reliques de St Jean-Baptiste et de l’évolution des cérémonies religieuses, de la place politique et sociale des chanoines de Lyon, vassaux directs du roi de France.
Fleuve et cité, fête et frontière: la Senza lyonnaise des années 1500? Cette fête qui rappelle les festivités vénitiennes marque la place de la Saône dans l’imaginaire lyonnais comme en témoignent deux textes littéraires qui permettent une évocation très précise de cette manifestation.
Les chapitres consacrés proposent une spatialisation des cérémonies religieuses (aux processions de l’Ascension et paysage religieux) et une analyse de la place de la Saône (Rives et rêves de Saône au temps des traditions) dans le paysage lyonnais.
XIVe et XVe siècles, vie culturelle et malheur du temps, durant ces deux siècles de repli démographique et économique la culture urbaine connaît des évolutions: victoire lente du français aux dépens du franco-provençal, développement de l’imprimerie compensant l’absence d’université. L’auteur présente quelques figures de la vie culturelle avant de traité dans le chapitre suivant du Propriétaire des choses imprimé à Lyon en 1482 qu’il décrit comme un Trésor de la culture médiévale.
Cet ultime chapitre, Mais d’où viennent donc les Lyonnais? n’est pas un essai de démographie historique mais une immersion dans l’imaginaire lyonnais sur leurs origines mi-latines mi-celtiques à l’aube de la Renaissance.
Un parcours varié, toujours très documenté qui peut aiguiser la curiosité des Lyonnais mais pas seulement, ce livre constitue aussi un voyage au fil de l’évolution des centres d’intérêt d’un historien.