En 1989-1990, le manga Mademoiselle Mozart sort en 3 volumes : c’est un très grand succès au Japon plusieurs fois réédité et adapté en comédie musicale. C’est la version intégrale de ce qui est considéré comme le chef-d’œuvre du mangaka Yōji Fukuyama que nous propose de découvrir pour la première fois en France la maison d’édition Atelier Akatombo.
Né en 1950 à Ōmuta (préfecture de Fukuoka, île de Kyūshū), Yōji Fukuyama fait ses débuts en 1970 dans le magazine Manga Action. Pour La Vie quotidienne de monsieur F., créé en 1993 et publié dans le magazine Shūkan Diamond, il reçoit le prestigieux Prix Manga du festival artistique des médias, créé par le ministère de la Culture. Fukuyama, dessinateur et scénariste prolifique, aime travailler sur des thèmes ambitieux et mêler l’action et le fantastique. Dans Le Jour du loup, il imagine le périple d’une adolescente se transformant en louve. Dans Don Giovanni, il s’intéresse déjà à Mozart et revisite son célèbre opéra en faisant de Donna Elvira un travesti. Voyage à Uroshima lui permet de revisiter un célèbre conte japonais : le pêcheur découvrant un superbe monde sous-marin devient un homme simple propulsé dans une cité dont les habitants font l’amour en public.
L’histoire
En 1760, Léopold découvre que sa fille Elisa, âgée de 4 ans, est un génie de la musique. Pour lui assurer un avenir en tant que musicienne, il décide alors que désormais sa fille serait un garçon qui porterait le nom de Wolfgang Amadeus Mozart.
Le manga nous projette alors rapidement lorsque Mozart atteint sa vingt-cinquième année, moment où il devient un musicien très populaire à Vienne. Mais, cette popularité s’accompagne aussi d’un certain succès chez la gente féminine. De plus, il pique la curiosité d’un autre compositeur, Antonio Salieri, qui tombe étrangement sous le charme de Wolfang Amadeus. Sans compter que ce dernier épouse Constance Weber avec qui il doit avoir des enfants…
Dans ces conditions, comment continuer à garder ce secret ? La suite du manga retrace les dix dernières années de la vie de Mozart entre génie créatif et fantasque et quiproquos amoureux. Sur ces années pèse aussi l’ombre de la figure paternelle omniprésente et le désir pour Mozart de vivre sa vie de femme.
Mon avis
Bien qu’un peu long parfois sur les quiproquos amoureux, la lecture de ce manga est plutôt intéressante. En effet, le mangaka s’attache à imaginer ce que serait la vie de Mozart si ce dernier avait été une femme. Pour cela, il reprend les principaux évènements de la vie du compositeur en en proposant une version alternative. Ainsi, la rivalité réelle entre Mozart et Antonio Salieri se transforme ici en un désir amoureux, voire incestueux (Mozart passe son temps à appeler Salieri « Papa »). De même, l’auteur invente un subterfuge (que je ne dévoilerai pas…) pour rendre crédible le fait qu’Elisa Mozart puisse avoir des enfants avec Constance Weber. Le manga est aussi ponctué de références aux différentes œuvres musicales composées par Mozart ce qui est un atout culturel indéniable à destination de nos élèves.
Yōji Fukuyama traite ici un certain nombre de thèmes comme la notion de genre, l’homosexualité, le rôle des femmes dans une société patriarcale ou le poids du choix des parents sur la vie des enfants. On peut cependant regretter que ces thèmes ne sont souvent qu’effleurés conférant à l’ensemble de l’oeuvre un manque de profondeur. En effet, le mangaka semble plus intéressé par les quiproquos amoureux et la légèreté du sujet. Il n’hésite d’ailleurs pas à insérer des pointes d’humour : un humour qui oscille entre humour gras (pas toujours très fin selon moi …) et comédie libertine à la façon du XVIIIème siècle (plus réussie…).
Au final, la maison d’édition Atelier Akatombo nous offre une œuvre plutôt plaisante à lire qui peut largement trouver une place dans les rayons des CDI de lycée. A défaut d’un manga profond sur la question du genre, Yōji Fukuyama nous livre une vision alternative et plutôt rythmée de la vie de Mozart tout en respectant les marqueurs de la vie de ce génie de la musique. En bref, une façon originale pour nos élèves de découvrir la vie et l’œuvre de Wolfgang Amadeus Mozart (même si on peut largement préférer la version cinématographique de Milos Forman).