Vaste question lancée par Marc Prieto et Assen Slim, économistes à l’Ecole supérieure des sciences commerciales d’Angers : « Consommer moins pour vivre mieux ? ». Cet ouvrage apporte du grain à moudre aux réflexions sur la décroissance et le modèle de société qui pourrait ou non en découler.
La première partie s’attache aux définitions. L’idée ne date pas d’hier mais plutôt des années 1960 (Nicholas Georgescu-Roegen) et a fait son chemin via réseaux et revues aboutissant même à la création d’un parti politique en 2007. Le concept n’est ni l’inverse de la croissance (dont la mesure par le PIB reste trop quantitative) ni du développement durable dont les résultats peinent à se voir à l’échelle autre que locale.
Dans un second temps, décroissance et société, les auteurs analysent nos habitudes de consommation. Se rééduquer à consommer passerait par l’identification des bons et mauvais usages des biens et services qu’un bien astreignant guide du « bon décroissant » proposé en encart vient illustrer. A plus large échelle, on convoque Malthus pour voir s’il n’y a pas trop de monde ou trop d’automobilistes plutôt (ce serait ça le vrai problème) sur la planète. Attention à ne pas lire trop vite le graphique de la page 89 qui montre une courbe décroissante puisqu’il évoque le taux de croissance de la population mondiale (9 milliards d’habitants en 2050). Et s’il y a ralentissement du rythme, on a du mal à se projeter dans les chiffres de 2200 (3 milliards d’habitants), voir ceux de Paul Ariès pour 2400 (disparition de l’espèce humaine) !
Enfin, le livre s’ouvre sur les débats liés à la décroissance, ceux liés à son insertion politique (la décroissance n’est ni de gauche ni de droite, trop extrême pour appartenir à l’un des camps) et à ses applications possibles : faut-il sortir du capitalisme ? C’est précisément là qu’il ne faut pas amalgamer puisque c’est surtout le capitalisme actuel, financiarisé et mondialisé, qui nuit à la bonne redistribution des fruits de la croissance.
Si elle est à l’avant-dernier chapitre, la conclusion de la page 122 résume tout à fait bien le débat : « Si la définition de la décroissance se borne à une remise en cause de l’imaginaire croissance, la rupture avec le capitalisme ne semble pas nécessaire. En revanche, dès que la décroissance est appréhendée comme une société alternative à inventer, alors la sortie du capitalisme est hautement souhaitée ». C’est donc bien ce qui est mis derrière la définition du concept de décroissance qui est en cause et qui peut parfois nuire à sa transmission au grand public.