Cet ouvrage collectif est une réflexion sur les rapports de l’homme avec la nature.

Alors que l’ère de l’anthropocène réduit les possibles pour les générations futures, il s’agit de montrer que les peuples autochtones avaient et ont encore des modes de rapport au monde qui proposent une autre relation à la Terre et à tous les êtres qui y vivent. Pour les auteurs, la domination actuelle de l’homme sur l’environnement n’a été possible que grâce à la domination de certains sur d’autres hommes.

C’est une dénonciation de la « nature systémique et mondialisée de l’injustice environnementale ». (p.20)

Perspectives intergénérationnelles

Une réflexion personnelle sur la justice environnementale et sociale

David Suzuki définit la notion de justice environnementale et sociale. Partant du constat de la grande diversité des formes de vie à l’échelle des temps géologiques, il montre que l’extinction des espèces est inscrite dans les processus d’évolution. Il s’appuie sur son expérience personnelle de jeune Canadien issu de l’immigration japonaise de la fin du XIXe siècle qui a découvert l’intolérance et le racisme, mais aussi la solidarité, pendant la seconde guerre mondiale.

Devenu généticien, il développe l’idée de l’importance de la diversité dans les systèmes biologiques. Il dénonce les méthodes de l’agriculture productivistes basée sur la monoculture.

Justice et injustice autochtones, européennes et environnementales

Katsi’tsakwas Ellen Gabriel aborde la question des différences entre les notions de justice et les valeurs environnementales des autochtones face aux conceptions européennesJ’ai gardé le terme européen employé par l’autrice pour désigner les conceptions canadiennes, américaines, en gros occidentales..

Ce chapitre décrit les relations à la Terre-mère, la prise de décision par consensus, l’adaptation aux conditions nouvelles de sa communauté. Pour l’autrice, il y a incompatibilité entre les droits des peuples premiers et les lois coloniales sur la propriété du sol.

Malgré la reconnaissance par les instances internationales des droits des peuples autochtones, ces droits sont difficiles à défendre au Canada. Le recours à la justice est onéreux ce qui, dans les faits, limite les droits sur les terres ancestrales.
L’autrice décrit un « racisme environnemental », malgré la création de la « Commission de vérité et de réconciliation » du Canada. Une violence raciste systémique demeure comme le montre l’exemple de la déclaration du Premier ministre du Manitoba en 2021Citation p. 51 :

« les pensionnats autochtones étaient une bonne chose. »

Tout changement passera par l’éducation et un enseignement de l’histoire coloniale et de l’histoire des Premières NationsC’est le terme choisi par les communautés pour remplacer celui d’Amérindiens.

Réalités Inuit au Nunavik, disparition des terres et incidences sur la subsistance

Lisa Koperqualuk, qui préside le Conseil circumpolaire inuit depuis 2022, montre les effets du changement climatique dans une région où ses manifestations sont très visibles : érosion littorale, fonte du pergélisol… et menacent les infrastructures, les modes de vie des Inuit et la sécurité alimentaire des populations autochtones. Elle pose la question du déséquilibre du pouvoir entre Inuit et Non-Inuit au Nunavik. Originaire de la Baie d’Hudson, elle montre les évolutions sur les cinquante dernières années et les revendications politiques des Nunavimmiut.

Racisme environnemental dans les communautés afro-néo-écossaises : un héritage de lutte de résistance et de survie

Ingrid Waldron traite des processus de racialisation et d’embrigadement des populations noires et autochtones dans le peuplement des colonies européennes en Amérique et plus spécialement en Nouvelle-Écosse. Elle rappelle l’histoire de l’Acadie qui abritait au XVIIIe siècle, environ 300 Africains. Ces esclaves, qui pour certains ont combattu pour les loyalistes lors de la guerre d’indépendance américaine, n’ont pas obtenu la liberté qui leur avait été promise. Cet héritage de la période coloniale se voit dans une forme de ségrégation spatiale comme l’implantation de ces quartiers afro-néo-écossais à proximité d’industries polluantes. L’autrice décrit l’ancienne communauté d’Africville, au nord d’Halifax et le site d’enfouissement de Morvan Road à Shelburne comme des exemples de racisme environnemental. Elle montre les effets sur la santé des habitants, mais aussi la mobilisation des habitants, leurs luttes pour la défense de leurs droits.

Au Québec et au Canada

Pollution et santé dans l’Arctique canadien

Yvan Pouliot décrit les négligences persistantes dans la gestion des déchets autour des phares, les sites miniers et les bases militaires de la côte Nord et dans tout l’Arctique. Il dénonce les pollutions, leurs effets sur l’environnement et sur les populations qui y vivent.

Les villes canadiennes, entre bénéfices naturels et inégalités environnementales

À partir d’une rapide réflexion sur la place de la nature en ville, Jérôme Dupras en montre les bénéfices comme dans l’exemple développé à propos de Montréal. Il aborde la question de l’adaptation de ces milieux au changement climatique et la faible place faite aux enjeux sociaux dans la gestion des espaces naturels urbains.

Sauver les Quartiers chinois : réécrire l’avenir avec notre communauté

May Chiu et Shi Tao Zang décrivent l’évolution que quartier chinois de Montréal au début du XXIe siècle, entre rénovation, « rénoviction », menace de gentrification et mobilisation de la communauté chinoise pour défendre ses intérêts.

Décoloniser la politique de lutte contre les changements climatiques

Breanne Lavallée-Heckert et Jen Gobby proposent une nouvelle approche de la lutte contre le changement climatique. Les deux autrices militent pour la justice climatique. Elles constatent que les plans élaborés pour lutter contre les effets du changement climatique vont, parfois, à l’encontre des intérêts des communautés autochtones et demandent leur participation à la recherche de solutions.

« Comme le souligne le mouvement mondial pour la justice climatique, les personnes les plus affectées par le système sont les mieux placées pour en exiger, en concevoir et en diriger la transformation. »Citation p. 143

L’orignal a besoin de notre aide

Shannon Chief, ou plutôt Waba Mokode son nom anishnabe-algonquine explique la place de l’orignal pour sa communauté et sa volonté de participer à sa protection face à la chasse sportive dans et autour du Parc de la Verendrye, au Québec.

Jennifer Gobby, d’origine européenne, explique pourquoi elle s’associe à ce combat.

Haro sur les claims miniers, ces instruments de torture coloniale

Rodrigue Turgeon décrit l’importance275 000 titres miniers en 2023 et la législation très libérale : « free mining » des exploitations minières au Québec. Cette situation perpétue la violation des droits ancestraux des peuples autochtones, et ce, malgré les recours en justice des communautés qui aujourd’hui défendent leurs droits.
L’auteur montre en quoi les projets miniers affectent les communautés : les atteintes aux droits, aux libertés de circuler, à la santé et induit une dépendance à une mono économie.

Être Noir-e en environnement

Cette contribution de Naolo Charles est une réflexion politique sur le défi de l’engagement des Noirs en matière de défense de l’environnement. Il dénonce le fait que les mouvements environnementaux ne mettent pas au centre la lutte contre le racisme.

Ailleurs dans le monde

Cette dernière partie élargit le point de vue.

Le racisme environnemental en France à travers l’exemple de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Polynésie française

Thibaut Shepman dénonce les pollutions de l’État français : entre 1960 et 1996 en Polynésie avec les essais nucléaires et leurs séquelles sanitaires sur les populations et aux Antilles, de 1792 à 1993 par l’utilisation du chlordecone. Il fait état des récentes enquêtes parlementaires sur ces sujets.

Pour l’auteur, ces faits sont « le sous-produit direct de l’histoire coloniale et esclavagiste ».L’auteur renvoie vers le documentaire d’Annabelle Aim, Cannelle Foudrinier et Jérémy Boucain, Décolonisons l’écologie

Il montre les limites de la politique d’indemnisation des victimes.

Les legs environnementaux de l’économie de l’arachide au Sénégal

Nock Bernards et Noémi Tousignant analysent les conséquences de la culture coloniale de l’arachide et les interactions entre l’impact de phénomènes naturels anciens comme les sécheresses ou le développement d’un champignon des semences, l’aflatoxineLes aflatoxines sont des mycotoxines produites par des champignons qui peuvent être présentes dans des aliments tels que noix, arachides, maïs, riz et autres aliments secs. Elles sont génotoxiques et cancérigènes. et le système de domination coloniale, par exemple le sous-investissement et l’endettement des agriculteurs sénégalais.

L’auteur revient longuement sur l’économie coloniale, depuis 1840, et montre le poids de l’impôt par capitation qui a imposé les cultures de rente.

Il présente ensuite que la lutte contre l’aflatoxine concerne les arachides d’exportation et non l’autoconsommation. Contre le sécheresse, le système d’assurance mis en place est peu accessible aux petits paysans.

L’accueil des gens du voyage, un racisme environnemental

William Acker traite des conditions de vie dans les aires d’accueil des gens du voyage : localisation défavorable, surveillance. Il montre aussi, que malgré une évolution, le statut juridique est stigmatisant et paternaliste.

Pratiquer la justice environnementale aux États-Unis

Selon Véronica Eady et Robert Moyer, la justice climatique est à l’intersection des droits civils et des droits environnementaux. Elles analysent les approches du gouvernement fédéral avec le titre VI de la Loi sur les droits civiques. L’exemple de la Californie qui a créé, en 2018, le Bureau de justice environnementale montre les écarts entre politique d’un État et politique fédérale.

Promouvoir la justice climatique dans les architectures de paix et de sécurité

Sabaa Khan aborde la place et le rôle des institutions internationales (ONU, GIEC) dans la définition de la sécurité face au changement climatique. Elle réfléchit sur la gouvernance du climat, un défi émergent. Elle montre les limites d’action des acteurs internationaux et milite pour que les organisations de la société civile aient un rôle réel et reconnu en matière de justice climatique.

 

Cet ouvrage collectif est avant tout militant. Il ouvre des pistes intéressantes de réflexion.