Depuis la mise en œuvre en 2010 d’un programme de seconde incluant « l’élargissement du monde XVe-XVIe siècles », voire l’introduction de « Regards sur l’Afrique » au programme de cinquième (2010), l’histoire dite « globale » semble aujourd’hui s’installer dans l’esprit des programmes, avec les consternantes réactions inspirées par le Fort-Chabrol obscurantiste. Sur quel type de démarche historique ces changements dans les programmes se fondent-ils ? Présenté sous la formule d’un manuel du supérieur, l’ouvrage propose de faire le point sur ce que l’on appelle « Histoire globale ».
Auteur d’une thèse sur l’UNESCO, agrégée d’histoire et normalienne, Chloé Maurel enseigne en section européenne allemand au lycée Charles de Gaulle de Rosny-sous-Bois. Elle est également associée à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (CNRS/ENS) et a organisé des séminaires sur l’histoire globale et celle des institutions internationales à à Science Po ou à l’ENS.

 

 

Un ouvrage qui présente clairement ce qui paraît complexe

En collège ou en lycée, l’introduction de thèmes inspirés de l’histoire globale a parfois décontenancé ceux qui s’étaient habitués à une vision du monde plus ou moins fondée sur l’idée que les Européens auraient commencé à dominer le monde aux alentours des XVe et XVIe siècles en raison d’une supériorité technique qui le leur permettait. Or, les lecteurs de Romain Bertrand ont bien compris que la supériorité technique des Hollandais sur les souverains javanais est loin d’être assurée. Nous savons tous par ailleurs que Cortes ne disposait pas au départ d’un avantage déterminant et que rien ne pouvait permettre de prévoir au XVIIIe que l’Angleterre allait faire mieux que la Chine. Reste à mettre de l’ordre dans cette historiographie et dans les implications épistémologiques qui la traversent. C’est ce que cet ouvrage propose de faire. La récurrence avec laquelle l’auteur présente des thèmes en écrivant qu’ils sont « intéressants » nuit un peu à l’ouvrage en lui conférant parfois un air de simple catalogue taxonomique. Au delà de ce tic et de quelques soucis typographiques qui semblent constituer la marque de notre époque, l’ouvrage rendra bien des services à qui veut pouvoir situer clairement les implications d’une démarche d’historien et/ou d’enseignant, quel que soit le niveau des élèves.

Qu’est ce que l’histoire globale ? Quid de l’histoire mondiale ? Que sont le Global Turn, les Subaltern Studies ou le post-colonial ?

Il n’est guère de dénominations qui ne soient pas reprises dans cet ouvrage qu’on aurait cependant pu doter d’un index. Big History, histoire environnementale, cultural, subaltern et postcolonial studies, transnationale, connectée, etc. L’ouvrage passe également par la présentation d’œuvres et d’auteurs majeurs comme Sanjay Subramanyam, Romain Bertrand, Kenneth Pomeranz mais avec soin de convoquer de lointains parents comme Hécatée de Milet ou Plutarque, précurseurs de l’histoire comparée, elle même lointain ancêtre de la Global History.
De façon sobre, l’ouvrage comporte une première partie présentant un historique de très longue durée et une seconde donnant le la de la recherche actuelle en histoire globale ou mondiale. La première partie passe ainsi par les Anciens, la Renaissance, l’histoire universelle et l’histoire mondiale des lendemains de la guerre en les situant dans leur contexte intellectuel. Le passage de la World History à la Global est ensuite expliqué. Sans doute faudrait-il ajouter pour les francophones que le terme « global » en anglais fait systématiquement référence au globe terrestre et, partant, à un phénomène d’ordre planétaire, alors qu’il a un sens plus général en français. Cette première partie contient des développements sur l’anthropologie globale, où l’on retrouve Jean-Loup Amselle, et l’histoire économique globale, où l’on rencontre évidemment Kenneth Pomeranz ou Karl Polanyi. La partie se conclut à la fois sur la richesse épistémologique et les limites d’une démarche qui risque parfois de mal étreindre à force de vouloir trop embrasser. La seconde partie présente d’abord les recherches menées en Occident avant de décentrer le regard sur les études menées en Chine et les tendances les plus récentes d’une histoire qui conteste le paradigme classique centre/périphérie. L’ouvrage s’achève sur une courte bibliographie indicative. Outre le lectorat évoqué plus haut, cet ouvrage est aussi des plus précieux pour les concours. Le candidat pressé trouvera ici le livre qu’il faut lire sans le citer pour donner l’impression au jury qu’on connaît bien les autres… à condition qu’il existe et soit disponible dans la bibliothèque de l’oral de concours.

Dominique Chathuant © Clionautes