Un faisceau de routes très fréquentées

Professeur émérite de littérature française du Moyen-Age à la Sorbonne et membre de la Société de Géographie, Philippe Ménard retrace le parcours de Marco Polo à partir du Devisement du monde (1310) dans ce beau livre en un peu plus de 200 pages. Il a dirigé une édition du tome I agrémentée de notes critiques publiées chez Droz en 2001. Le tome VI, le dernier est sorti est 2009.

Avant de présenter le parcours du marchand vénitien, Philippe Ménard insiste sur les 6 versions du Devisement du monde. Contrairement à ce que l’on pense généralement, le texte n’est pas figé. Les six versions divergent. Parfois peu, parfois beaucoup. Des réécritures sont visibles. Deux manuscrits sont des versions abrégées. Les deux plus fiables selon l’auteur sont le manuscrit français 1116 de la BNF (« de rédaction franco-italienne ») et le manuscrit de Tolède. Toutefois, il convient de garder à l’esprit, et l’auteur le dit très bien, qu’il « apparaît qu’aucune de ces versions n’est absolument fidèle à la rédaction première. Le texte ressemble au voyageur vénitien : il est sans cesse en mouvement » (page 11).

Philippe Ménard est dubitatif face à la théorie de certains historiens croates qui affirment que la famille de Marco Polo serait originaire de Sibenik en Dalmatie ou de l’île de Korçula : « mieux vaut confesser notre ignorance plutôt qu’inventer une origine incertaine » (page 13). Cette prudence se retrouve tout au long du livre.

L’un des principaux atouts de l’ouvrage est d’abord de retracer chronologiquement l’itinéraire du marchand. Il rappelle que son père et son oncle avait déjà atteint la Volga et la Mongolie avant de revenir avec Marco. Les débats concernant l’authenticité de son voyage en Chine sont rapidement présentés. Est-il vraiment allé en Chine ? La thèse de Frances Wood est critiquée dans la conclusion. Pour Philippe Ménard, « personne n’a retrouvé le moindre guide médiéval sur l’Asie centrale et la Chine destiné à des marchands et écrit en persan. Le texte de Marco Polo est empli de mots chinois et surtout mongols, qui témoignent de sa présence dans la Chine occupée par les Mongols » (page 198). Les incertitudes sur le passage du Vénitien dans certaines villes ne sont pas éludées : il est vraisemblable que Marco Polo n’ait pas atteint Samarcande. Des doutes subsistent sur une visite à Bagan. Mais l’auteur démontre bien que le marchand décrit avec précision Ormuz, l’actuelle région du Xinjiang, la ville chinoise de Suzhou, la côte orientale de Sumatra et Ceylan (Sri Lanka).

Ce beau livre est particulièrement riche en illustrations. Les documents d’époque (ou légèrement postérieurs) sont nombreux au fil des pages. Notons que les cartes retraçant le parcours sont en grand format et parsèment régulièrement l’ouvrage. Il est donc aisé de voir où se trouve Marco Polo au moment où l’évoque le texte.

En somme, un livre accessible à tous les curieux du parcours et de la vie de Marco Polo. Simple, bien écrit et avec de belles illustrations analysées en quelques lignes percutantes, ce beau livre est l’occasion de se plonger en douceur dans ce récit médiéval classique. Cette version publiée chez Glénat a sa place dans un Centre de Documentation et d’Information, aussi en bien en collège pour mener des travaux en français et en histoire, mais aussi en lycée pour mettre en perspective les Nouvelles Routes de la soie.

Notons que le livre de Philippe Ménard est également disponible dans un volume souple, vendue dans les maisons de la Presse. Diffusé sous la bannière de National Geographic, le contenu de la version souple est en tout point identique avec un prix de vente moindre (19,95 €).

Pour aller plus loin :

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Antoine BARONNET @ Clionautes