Canadien, Ken Setterington est bibliothécaire, auteur et critique de livres pour enfants, Défenseur des enfants et de la jeunesse pour le service des bibliothèques publiques de Toronto. L’édition originale de cet ouvrage, Branded by the Pink Triangle a été publiée à Toronto en 2013 ; les éditions du Septentrion en publient aujourd’hui la traduction française. Il nous propose un petit livre en 10 courts chapitres illustrés qui fait le point sur la persécution des homosexuels par le régime nazi avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Il ne s’agit pas d’un ouvrage de recherche historique, mais plutôt d’une œuvre écrite avec simplicité et destinée à un large public, y compris jeune.
L’auteur se présente comme « un homme gai né dans les années 50 » et milite pour la cause homosexuelle : « Ecrire ce livre m’a permis de réfléchir à mes privilèges, au fait que j’ai pu grandir sans avoir peur, à peu de choses près, de ma préférence pour mon propre sexe. Même si je me réconforte à l’idée que le gais et lesbiennes ne sont plus persécutés comme ils l’ont jadis été en Europe, je suis également conscient des tourments qu’ils subiront dans des pays moins éclairés. Le combat se poursuit pour que les gais puissent mener une vie normale. J’espère réellement que les choses iront mieux pour la jeunesse gaie dans le monde entier ».
Le premier chapitre évoque la liberté des mœurs dans le Berlin des années 1920 ; sont ensuite présentés la montée du nazisme et les premières persécutions, l’idéologie nazie concernant l’homosexualité, le sort des homosexuels internés dans les camps de concentration ou habitant des territoires occupés, celui des Juifs homosexuels. Les derniers chapitres traitent brièvement de l’évolution après guerre, en Allemagne et ailleurs, de la discrimination maintenue à la reconnaissance des droits enfin obtenue, au droit au souvenir enfin reconnu. Pour rendre son propos plus concret et vivant, l’auteur à choisi de dresser quelques portraits biographiques d’hommes qui ont témoigné dans leurs paroles ou leurs écrits du sort qui avait été le leur sous l’emprise du nazisme. Un dernier chapitre présente leur devenir après la guerre.
L’auteur écrit que « personne ne sait combien d’homosexuels n’ont pas survécu au régime nazi. Le nombre d’hommes gais tués dans les camps de concentration n’est pas connu, le nombre d’hommes dans l’armée que l’on a exécutés pour homosexualité n’est pas connu et le nombre de Juifs homosexuels envoyés dans les chambres à gaz n’est pas connu non plus ». Des chercheurs, en particulier Rüdiger Lautmann, ont cependant tenté d’approcher méthodiquement ce bilan. La population homosexuelle allemande était à cette époque estimée entre 1,5 et 2 millions. Une estimation globale, effectuée à partir des statistiques officielles du Reich et des statistiques nazis subsistantes, permet d’évaluer le nombre d’homosexuels fichés par la Centrale du Reich pour la Lutte contre l’Homosexualité et l’Avortement à environ 100 000. Parmi eux, plus de 50 000 furent condamnés. Entre 5000 et 10 000 auraient été déportés dans les camps de concentration où la majorité trouva la mort dans des conditions tragiques. Commentant ces chiffres, Florence Tamagne, auteur d’une Histoire de l’Homosexualité en Europe (Berlin, Londres, Paris, 1919-1939) écrit : « Il apparaît que la grande majorité des homosexuels réussit à survivre sous le nazisme. Tous, cependant, furent des cibles permanentes du régime et vécurent dans l’angoisse et l’infamie cette période. A ce titre, ils méritent le Souvenir. »
© Joël Drogland pour les Clionautes