Dans cet ouvrage, la célèbre historienne Mary Beard raconte l’histoire du Parthénon d’hier à aujourd’hui. Le livre est donc organisé de façon chronologique après un premier chapitre qui cherche d’abord à poser pourquoi ce monument nous émeut. Mary Beard, professeure d’histoire antique à l’université de Cambridge, est également conseillère historique de la BBC. Ce livre a été publié une première fois en 2002. Il comprend un certain nombre de photographies, plans, ainsi qu’une bibliographie.

Pourquoi le Parthénon nous émeut-il, d’hier à aujourd’hui ? 

Le premier chapitre cherche à comprendre de façon générale pourquoi ce monument fascine. Mary Beard aborde la question en s’appuyant sur des récits de voyage ou des lettres de personnes célèbres. Elle cite les témoignages de Sigmund Freud, Virginia Woolf ou encore lord Byron. L’auteure relate également le transfert des marbres vers le British Museum. Le deuxième chapitre propose de remonter dans l’Antiquité pour comprendre comment le monument a été vu à l’époque. Dans les textes de Pausanias on constate une focalisation sur l’immense statue d’Athéna. Son témoignage, bien que bref, est essentiel pour disposer, en quelque sorte, d’un état des lieux initial avant les multiples transformations. Mary Beard revient ensuite sur la construction et le financement du lieu : l’impression que Plutarque a donnée d’un programme établi est trompeuse. Il faut aussi se souvenir que la majeure partie de la main-d’oeuvre était constituée d’esclaves. Il faut également souligner les ambiguïtés sur le nom du monument. En effet, le Parthénon est en réalité le nom d’une des salles intérieures qui fut ensuite utilisé pour l’ensemble. Il faut aussi réfléchir à quoi servait cet édifice car, comme le note Mary Beard, cette idée de temple n’a rien d’évident puisque il n’y avait ni prêtres ni prêtresses ni fête religieuse sur place. Elle ajoute que « le Parthénon est autant un emblème moderne qu’une ruine antique ». 

La plus belle mosquée du monde

Le tour d’horizon chronologique commence vers 1175 à une époque où Athènes n’est plus qu’un grand village de quelques milliers d’habitants. On s’appuie sur un texte de Michel Choniatès, archevêque d’Athènes, pour en savoir plus sur le lieu. Le temple a été converti pour l’usage chrétien vers le VI ème siècle. On dispose d’autres témoignages comme celui de Niccolo Da Martoni à la fin du XIV ème siècle. Plus tard, le bâtiment devint une mosquée à partir du milieu du XV ème siècle. Avec la domination turque, mais pas seulement, le passage par Athènes s’effaça des circuits de l’époque. Il faut attendre la fin du XVII ème siècle pour que la situation bascule à nouveau. En 1687, une explosion colossale causa des dégâts irréversibles, notamment sur les sculptures. 

De la ruine à la reconstruction 

« L’évènement créa une ruine en bien plus triste état de délabrement que celle que nous connaissons aujourd’hui ». Il faut mesurer que le Parthénon, tel que nous le voyons aujourd’hui, est une recréation du début du XX ème siècle. Le chapitre offre une photographie de 1839 où l’on voit au centre des ruines une petite mosquée. C’est la première photographie jamais conservée de l’Acropole. Cette période du début du XIX ème siècle correspond à l’époque de Lord Elgin. Lui et ses intendants transportèrent de nombreux éléments en Angleterre. Mary Beard précise les choses en disant que Lord Elgin n’a pas pillé un site archéologique, mais en revanche il a retiré de façon très systématique les sculptures qui restaient. Les réactions à l’époque furent d’ailleurs équilibrées et, pour être justes, elles furent souvent de nature politique. Dans les années 1820, l’Acropole fut de nouveau une zone de guerre. A partir de 1834 le Parthénon en vint à représenter un grand monument de l’Antiquité grâce notamment à un discours de Klenze, conseiller artistique d’Othon. Des travaux commencèrent, ce qui permit entre autres de découvrir qu’il y avait eu d’autres monuments antérieurs. Beaucoup plus tard, des travaux de démantèlement et de reconstruction commencèrent en 1986 et ce travail dura deux fois plus de temps que lors de la première édification du bâtiment.

« L’âge d’or d’Athènes » ? 

Mary Beard revient sur le sens de ce monument et sur les évolutions récentes. Elle montre qu’on a tendance à l’idéaliser comme un symbole de la démocratie mais en oubliant peut-être un peu vite qu’il n’y avait que 50 000 citoyens sur 350 000 personnes qui prenaient part au gouvernement. Il ne faut pas négliger non plus le fait que la démocratie était elle-même contestée à Athènes à l’époque. Mary Beard pose ensuite le redoutable problème de l’interprétation du sens de la frise car, comme elle le dit, «  peu de gens sont capables de résister à l’envie de projeter leur propre vision de l’Athènes du V ème siècle sur cette oeuvre d’art. » Les questions les plus simples sont les plus redoutables : que montre cette frise ? quelle idée est gravée ici dans la pierre ? On apprend aussi qu’il y avait une seconde frise sur le Parthénon du V ème siècle, insoupçonnée jusqu’il y a peu. 

Pendant ce temps, à Londres …jusqu’à aujourd’hui

Dans ce chapitre, l’auteure revient sur les tribulations des marbres d’Elgin. Ils furent exposés dès 1817 dans une salle temporaire de l’ancien British Museum. Ensuite, Mary Beard montre les questions qui se posèrent sur la façon d’exposer un tel ensemble. Elle évoque la question de la conservation et souligne qu’il est de toute façon impossible de reconstituer l’aspect du marbre au moment de la construction. Le dernier chapitre raconte les années récentes. En 2009, le nouveau musée de l’Acropole a fini par ouvrir, non sans avoir donné lieu à d’âpres discussions et polémiques que Mary Beard retrace. 

Comme elle le dit justement à propos de la violence des propos échangés, « la controverse autour du Parthénon persiste parce qu’elle reflète un conflit réel, important au sujet du rôle de l’héritage culturel, de notre responsabilité envers le passé antique et de la fonction des monuments symboliques. » Mary Beard raconte donc en 250 pages environ ce qui fait l’attrait de ce monument tout en restituant l’épaisseur de l’histoire de ce monument à travers les époques. 

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes