Émues par les noyades en Méditerranée, les auteurs — Claire Rodier, juriste et cofondatrice du Réseau euro-africain Migreurop, et Catherine Portevin, journaliste — répondent, comme l’indique le sous-titre à 24 questions sur les migrations pour tordre le cou à quelques clichés. Mais l’ouvrage me paraît un peu rapide pour argumenter vraiment.

Il convient d’abord de faire la différence entre migrants et réfugiés. Le réfugié a un statut défini par la convention de Genève de 1951. C’est avant tout une définition juridique.

Les auteures rappellent que les personnes qui arrivent en Europe le font d’abord de manière illégale et que l’octroi du statut de réfugié n’est pas simple. Le HCR emploi le terme de « flux mixtes » pour montrer la difficulté à définir clairement les motifs du départ, raisons économiques ou politiques des causes associées qui poussent les gens sur les routes.

Qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Un tableau de la situation permet de rappeler que le nombre de migrants a été multiplié par trois depuis 1960, mais ne représente que 3 % de la population mondiale, que la grande majorité des déplacements se font dans le pays de départ ou vers les voisins, et que le nombre de femmes est en augmentation.

Sont-ils des pauvres à la recherche d’un eldorado ? Les réfugiés syriens (médecins, ingénieurs) parlant couramment le français ou l’anglais montrent qu’il n’en est rien.

Pourquoi un afflux soudain ? Mais 58 % des réfugiés sont installés dans des pays en développement ; c’est l’inadaptation de l’Europe à l’accueil qui a généré la crise de 2015.

Dire combien ils sont est difficile. D’autant que la politique de l’UE — quotas et relocalisation — n’a pas eu les résultats escomptés. Quels sont les critères selon les pays, les migrants peuvent-ils choisir la destination finale ou qu’est-ce qu’un hotspot ? Voilà quelques questions aux quelles les auteures répondent rapidement. Elles présentent la « solution d’attente » des camps de Calais et de Grande Synthe et engagent une réflexion : faut-il supprimer l’espace Schengen ?

On peut dès lors se poser la question : y a-t-il une véritable politique migratoire européenne ?

Sont ensuite abordés les règles d’accueils des demandeurs d’asile, les coûts de la surveillance des frontières. Que penser de la solution des murs en référence aux États-Unis ou aux enclaves espagnoles au Maroc ?

La France, l’Europe peuvent-elles accueillir plus ? La réponse est argumentée à partir des exemples historiques des rapatriés d’Algérie en 1962, et des réfugiés de la guerre des Balkans.

Ce sont ensuite les conséquences politiques de ce qu’il est convenu d’appeler la « crise migratoire » qui sont évoquées : montée de l’extrême-droite, relation avec l’Islam — la religion majoritaire des migrants — avec le terrorisme.

En matière de solution les auteures expliquent ce qu’est le délit de solidarité et s’interrogent sur l’aide au développement.


Propos de l’éditeur. « L’arrivée en grand nombre de réfugiés et de migrants en Europe, à partir de 2015, ainsi que les nombreuses morts en Méditerranée, dont celle, très médiatisée, du petit Aylan Kurdi, ont souvent ému et « bousculé » la population européenne. Toutefois, après une première phase d’accueil, un discours officiel de défiance, voire hostile aux migrants s’est progressivement imposé sous la pression de l’extrême droite européenne, les transformant, ainsi que ceux qui leur portent assistance, en ennemis à combattre : en témoignent notamment les attaques contre le bateau humanitaire Aquarius en 2018.
Malgré une baisse spectaculaire du nombre d’entrées irrégulières sur le territoire européen, les inquiétudes et les réticences s’expriment chez ceux qu’un élan de solidarité avait poussés à ouvrir leurs portes aux migrants, et de nombreuses questions émergent : quelle différence entre réfugiés et migrants ? Combien sont-ils ? La France et l’Europe ont-elles la capacité d’accueillir ces migrants, compte tenu de la crise économique ? Les murs servent-ils à quelque chose ? Qu’est-ce qu’un hotspot ? Qu’est-ce que le délit de solidarité ? Ne vaudrait-il pas mieux les aider à rester chez eux ? C’est pour répondre sans tabou à ces interrogations légitimes, et à bien d’autres, que ce petit livre a été conçu ».