A l’heure où la question carcérale est au centre des débats nationaux, tant sur le statut des gardiens de prison que sur les conditions de détention des prisonniers, ce petit ouvrage d’Arlette Lebigre ne pouvait pas mieux tomber. Utilisant les archives du Parlement de Paris, qui fonctionne comme cour d’appel , les registres d’écrou et les témoignages de divers procès, dont celui de François Ravaillac, elle fait revivre en lui donnant voix – comme s’il avait écrit ses propres mémoires – le geôlier de la prison du Palais de Justice de la Conciergerie. Barthélémy Dumont occupa cette charge de 1608 à 1625. Il n’est pas imple guichetier – c’est à dire gardien – mais assume les fonctions de direction de la prison : gestion du personnel, approvisionnement, extraction des détenus etc..
Ancien logis du concierge du Palais de la Cité, la prison de la Conciergerie apparait comme un microcosme fourmillant et fascinant, avec un côté cour des miracles de part le fait que s’y trouvent des nombreux marchands et leurs étals, que la plupart des détenus y déambulent libres dans la journée, que les évasions y sont relativement fréquentes ou que l’on a parfois l’impression que Dumont parle de sa prison comme d’un hôtel. A l’image de la société d’ordres d’Ancien Régime, cette prison est en effet dotée de cellules très diverses. Il n’y a pas de cul de basse-fosse putride, mais on distingue les cellules simples, les cachots des grands criminels ou encore des « chambres » où résident ceux qui ont les moyens de les payer. Ces derniers sortent souvent la tête haute de la prison, ayant trouvé un arrangement avec les Messieurs ( c’est à dire les magistrats) du Parlement. On y trouves des gens emprisonnés pour dettes, pour détournement des fonds, pour meurtre, infanticide, vol et extorsions…Arlette Lebigre fait insister Dumont sur les portraits de François Ravaillac et de Léonora de Galigaï, dame d’atour de la reine et intrigante proche de Concini. Le premier est soumis à la question régulièrement puis finit écartelé, l’autre bénéficie d’un statut spécial, se montre capricieuse mais est finalement décapitée, ses soutiens à la Cour n’ayant pu la protéger.
C’est, au final, un livre qui se lit avec beaucoup de plaisir, d’autant plus que les notes de bas de page sont nombreuses et très utiles, notamment pour préciser le sens des mots devenus depuis inusités ou ayant changé de signification ou pour apporter un éclaircissement sur telle ou telle fonction. Ce qu’on pourrait qualifier de « bonbon » historique occupera très profitablement une soirée d’un amateur d’histoire moderne et de biographies hautes en couleur.

Mathieu Souyris © Clionautes