C’est un ouvrage stimulant dont il m’a été donné de faire le compte-rendu. Il est né à la suite d’émissions diffusées en 2005 sur France-Culture et dont Michèle Perrot était l’invitée. Elle devait y faire, y dire l’histoire des Femmes. Le CD-MP3, fourni avec le livre, permet à ceux d’entre vous qui le souhaitent de ré-écouter ces émissions. Elles ont été transformées en livre, au long duquel l’auteure développe un certain nombre de thèmes qui lui sont familiers mais pas uniquement.
Ouvrage stimulant, ainsi que je le signalais, parce qu’il ne se contente pas d’être celui d’une historienne spécialisée dans l’histoire des Femmes. Il traduit tout autant les préoccupations de la militante, d’où le titre « Mon histoire des femmes », qui ne prend tout son sens qu’à travers les lignes du chapitre conclusif « Et maintenant… »
Le parti pris de Michèle Perrot est d’aborder (mais il faut rappeler l’origine radiodiffusée du livre, et les contraintes certaines que cela a induit..) plusieurs thématiques, des chemins selon ses propres mots d’auteur. Elle aborde ainsi les sources et représentations, une longue introduction à l’histoire des Femmes, le corps, l’âme, le travail et les femmes dans la Cité. Ces thématiques sont appréciées au prisme de la question du changement des rapports entre les sexes (différences? À l’aulne de quels évènements? Avec quels glissements dans les identités et les hiérarchies?).

Cependant, Michèle Perrot s’interroge aussi sur les oublis, les impasses dans les choix qu’elle a opérés (chronologiques, ainsi la Préhistoire, spatiaux, avec une exclusivité occidentale..). C’est dans ces quelques pages, ainsi que dans le thème introductif que Michèle Perrot se livre le plus et nous confie le caractère éminemment militant de cette quête de l’histoire des femmes et du rôle des femmes dans l’histoire.

Le corps des femmes

D’ailleurs, justement, cette histoire des femmes, comment s’est-elle structurée? Et c’est là l’objet du long chapitre introductif écrire l’Histoire des Femmes. Michèle Perrot y retrace les évolutions historiographiques, en partant de sa propre expérience de jeune historienne, thésarde des ouvriers en grève..Elle aborde aussi les sources qui ont permis la construction de cette histoire. Et là, est bien l’une des grands enjeux : la relecture des discours, la re-découverte des images, des écrits : on a beaucoup écrit sur les femmes, on les a beaucoup représentées (aujourd’hui encore) mais de ces représentations et discours, les femmes n’ont pas été les créatrices. De la difficulté donc d’interpréter ces matériaux et de trouver des sources féminines…
Pourquoi s’intéresser au corps? Parce qu’intégré à l’Histoire, il est en prise avec les changements du temps (variation dans l’esthétique, le physique, l’idéal…). La différence des sexes qui marque le corps est une dimension majeure de cette histoire : il n’est pas indifférent d’être féminin ou masculin et cela n’a pas le même sens ni les mêmes enjeux selon les époques. Sont donc abordés les différents âges de la vie : le bébé (on est frappé pour cet âge d’ailleurs du traitement violemment différenciée selon le sexe, l’infanticide des petites filles est un acte très ancien..), la jeune fille (la petite enfance est-elle relativement asexuée), la femme mariée, la veuve et la vieille. Puis les apparences puisque la femme est d’abord une image. Michèle Perrot s’attarde sur l’un des emblèmes de la féminité, les cheveux. Elle évoque ainsi aussi bien les femmes tondues, que le port du voile…Ensuite,le sexe des femmes : Michèle Perrot y évoque sa représentation, la sexualité des femmes (le plaisir féminin est-il tolérable?). Enfin la maternité sur laquelle les travaux sont plus nombreux..

Les femmes ont-elles une âme ?

Après le corps, l’âme : la religion, la culture, l’éducation, l’accès au savoir, la création…Mais d’abord, les femmes ont-elles une âme? On attribue cette question au concile de Mâcon, en 585. C’est donc par la religion que Michèle Perrot entame ce chapitre sur l’âme…
D’autant plus que les relations entre religions et femmes ont toujours été ambivalentes. C’est la religion aussi qui permet de faire le lien avec le chapitre sur le travail : même si ces dernière ont toujours travaillé, ce dernier n’a pas toujours donné lieu à rémunération. Mais c’est le XIXème siècle qui a réellement posé la question du travail des femmes par le salariat: peuvent-elle exercer une activité et par-là même, quitter le foyer, et donc la place qui leur est attribuée, selon les idéologies dominantes (religion incluse..).

Les Femmes dans la Cité : voilà le dernier chapitre consacré à l’histoire des femmes. Il y est abordé
les femmes dans leurs relations aux autres, dans leurs relations au monde. Il ne peut être question d’exhaustivité tant sont vastes les champs de réflexion et d’études. Michèle Perrot aborde les migrations, les femmes dans les temps de l’histoire (il ne s’agit pas de resituer la chronologie propre de l’histoire des femmes mais de voir comment l’histoire générale affecte les rapports entre femmes et hommes. Révolution française, XIXème siècle et Guerres du Premier Vingtième siècle sont des objets privilégiés d’étude). Dans ce chapitre, Michèle Perrot évoque aussi le féminisme, son origine, ses combats et dresse un état des lieux.

En conclusion…

Au final, le format de l’ouvrage ne permet pas l’exhaustivité mais il dresse le tableau d’une histoire des femmes à poursuivre. Les chemins empruntés le sont avec beaucoup de passion et de rigueur. Michèle Perrot nous fournit de précieux jalons et nombreuses sont les références, anciennes et très récentes, permettant d’approfondir tel ou tel thème. C’est un « petit » livre par le format mais à mettre dans toutes les bibliothèques!