Casal di Principe est une commune de la province de Caserte dans la Campanie en Italie. Cette cité est connue en Italie pour être le fief du clan des Casalesi, un des clans de la Camorra. C’est à dire de ce que l’on appelle pour simplifier la mafia napolitaine.


Beaucoup d’ouvrages ont été publiés sur ce sujet, et il n’est pas sûr que ce témoignage recueilli par une journaliste italienne sur la jeunesse d’Amedeo Letizia, apporte grand-chose à la connaissance de ce phénomène caractéristique du sous-développement du mezzogiorno et de la faillite de l’État italien.
L’ouvrage relate la trajectoire d’un jeune homme natif de cette petite commune dont une partie de la famille a été confrontée à des relations particulières avec le clan camorriste des Casalesi. Si on peut trouver un intérêt à cet ouvrage, c’est bien celui de montrer que le phénomène mafieux n’a rien de romantique, mais qu’il est d’une médiocrité ordinaire, celui d’un désir de notabilité dans un territoire, du point de vue des chefs de clan et des Padroni, mais aussi celui de l’absence de perspectives d’une jeunesse, d’enfants de petits exploitants agricoles, qui voient dans le service d’un clan une forme de promotion sociale.
Casal di Principe est une cité de 20000 habitants connue pour le procès «Spartacus». Ouverte en 1998, la procédure pénale vise le clan des Casalesi. Le procès, le plus important jamais mené contre un cartel criminel, a duré 7 ans et 21 jours, pour un total de 626 audiences. Autres chiffres utiles: il y eut 500 témoins et 24 repentis entendus, 1.300 personnes mises en examen. Le verdict concernant les peines est tombé en juin 2008 avec la condamnation pour la prison à vie de Francesco Schiavone et de quelques uns des membres les plus importants du clan.
Le récit qui a été recueilli par Paola Zanuttini, journaliste à la Republica n’est pas rythmé par les exécutions et règlements de comptes. Le fonctionnement de la Camorra dans cette cité est basé sur des activités d’extorsion, avec notamment le rôle des 517 entreprises de BTP qui existent dans la ville. Ces entreprises associent le blanchiment, le recyclage des ordures ménagères dans des décharges sauvages et différents trafics. Le témoignage de Amedeo Letizia qui a échappé à ce déterminisme local en devenant producteur de cinéma est peut-être un signe d’espoir. L’État italien, depuis la fin de la guerre froide a été en mesure de porter des coups très durs aux différentes organisations mafieuses, mais il est loin d’avoir éradiqué le phénomène. Ces organisations mafieuses pendant la guerre froide ne manquaient pas de liens avec le Parti pivot de la vie politique italienne jusqu’à son implosion en janvier 1994 à la suite de l’opération mains propres. Les liens de personnalités de ce parti avec des clans mafieux étaient évidents et pour le clan camorristre des Casalesi, la personnalité de Nicola Cosentino, sous secrétaire d’Etat à l’Economie et à la Finance sous le gouvernement Berlusconi a été souvent citée.
L’ouvrage est quand même singulièrement décousu et on a du mal à trouver un fil conducteur. Le témoignage de Letizia était peut-être partiel et dans une certaine mesure marqué par des flash backs, des retours en arrière sur la famille Letizia et la disparition tragique de Paolo Letizia, mais le procédé nuit singulièrement à la compréhension du phénomène camorriste. Certains passages sont par contre pertinents, celui de la dimension rurale de l’organisation criminelle qui associe des barons enracinés dans le paysage local à des groupes de jeunes en roue libre qui seront ensuite aspirés dans le clan, s’ils ne finissent pas leurs jours en prison. Mais en réalité le lien existant entre ces familles locales et des réseaux criminels n’apparait pas vraiment dans cet ouvrage. On peut d’ailleurs se demander pourquoi Olivier Villepreux, le traducteur, que nous connaissons depuis un épisode tragique du rugby languedocien en 1993, est allé se perdre dans cette aventure.

Bruno Modica