Maël est un dessinateur désormais bien connu des amateurs de bandes dessinées. On lui doit notamment les fresques historiques Notre Mère la Guerre ou encore Notre Amérique en collaboration avec Kris au scénario. En plus des illustrations, il se lance ici dans l’écriture, ce qui n’est pas une mince affaire car il s’agit d’adapter Nostromo, un roman complexe dans son écriture de l’auteur Joseph Conrad et paru en 1904. Maël et les excellentes éditions Futuropolis nous proposent ainsi un beau premier volume pour les 120 ans de Nostromo !

L’action, si elle est fictive, est pleinement ancrée dans l’histoire. Nous sommes au XIX siècle dans un pays d’Amérique du Sud, le Costaguana. La petite ville portuaire de Sulaco est prospère grâce à la mine d’argent de San Tomé gérée par Charles Gould, le descendant d’une lignée d’Anglais expatriés au Costaguana. Dans ce pays instable politiquement du fait des révolutions populaires, Charles Gould consacre toute son énergie à sa mine. Il bénéficie du soutien du président Ribiera.

Mais, le Costaguana sombre dans le chaos lorsque ce dernier est renversé par un coup d’état. Les notables de Sulaco s’attachent les services de Nostromo (« Notre homme » en Italien), un marin italien devenu le capitaine des cargadores (dockers) du port afin de sauver leur fortune. A la fin de ce premier volume, Nostromo aidé de Martin Decoud, le fils d’une famille aristocratique, parviennent à sauver le trésor du naufrage et le cachent sur une île.

Si la lecture est parfois difficile du fait de l’entremêlement des histoires et des destins tirés du livre de Joseph Conrad, il faut bien reconnaître que Maël réussit le pari osé de cette adaptation littéraire. Les dessins sont sublimes et, en particulier, les paysages imaginaires du Costaguana qui permettent de camper le décor de cette fresque épique.

L’historien Sylvain Venayre prête sa plume à une très belle postface. Elle nous permet de mieux comprendre l’écriture de Joseph Conrad. Fiction, Nostromo est tout de même représentatif d’une époque et d’une géographie. Ainsi, pour créer ce Costaguana imaginaire, Conrad a beaucoup lu et s’est fait raconter l’Amérique du Sud par un de ses amis : Robert Cunnighame Graham. Aussi, deux thèmes parcourent l’ouvrage : l’avènement de la puissance impérialiste américaine et l’émergence des valeurs libérales des patriotes sud-américains inspirés par les Garibaldiens.