Notre monde est-il plus dangereux ? Telle est la question à laquelle Sonia Le Gourvellec et de nombreux auteurs entreprennent de répondre. Ce petit livre ambitionne de construire un pont entre la recherche et le grand public pour proposer des éléments à partir desquels chacun doit pouvoir se construire son propre avis. Une rapide bibliographie est proposée à la fin de l’ouvrage pour chacun des articles.

Un kaléidoscope de questions et d’auteurs

Vingt-cinq questions ne permettent évidemment pas de tout aborder mais offrent déjà un spectre assez large qui va de l’état général du monde, à la place de la France ou encore à la menace terroriste. Le défi est de réussir à apporter une information pertinente et argumentée en quelques pages. Chaque contribution est l’oeuvre d’auteurs différents et cela se ressent parfois dans la plus ou moins grande fluidité des textes. De même, le ton choisi pour aborder chaque question est parfois assez différent. Parmi les auteurs on a des chercheurs, des journalistes d’horizons variés dont plusieurs de l’Irsem, Institut de recherche stratégique de l’école militaire, d’autres en relation avec Sciences Po, mais aussi des historiens ou des sociologues.

Le monde va mieux

On peut relever comme aspect positif la volonté des auteurs, quels qu’ils soient, de lutter contre certains clichés et notamment contre le pessimisme généralisé. Jean-Jacques Roche relève ainsi qu’entre 1990 et 2015, la mortalité juvénile a diminué de plus de moitié dans le monde. De même, en 2015, on pouvait pointer l’existence de 50 conflits dans 27 Etats, mais un seul conflit de type interétatique. Et pourtant, l’approche de l’état du monde est souvent marquée par le pessimisme. Jean-Jacques Roche avance des éléments d’explication : psychologique tout d’abord car selon Timur Kuran des « faits qui s’opposent à nos convictions n’auront de l’importance que si notre opinion relève d’un savoir et n’est pas fondée sur l’avis du plus grand nombre ». On est aussi influencé par l’idée que les relations internationales seraient forcément anarchiques.

Le trouble du monde

Sophie Boisseau du Rocher évoque les relations entre la Chine et les Etats-Unis autour de la question de la mer de Chine. Ce couloir de navigation est indispensable aux flux internationaux et on estime que 800 hectares ont été gagnés par la Chine sur la mer, dont les trois quarts depuis le début de 2015. A propos de la question du terrorisme, Yves Trotignon insiste pour dire que la violence terroriste actuelle n’a rien de radicalement nouvelle. Il faut également se souvenir que cinq Etats totalisent 75 % des victimes : Irak, Nigéria, Afghanistan, Pakistan et Syrie.
Thomas Hofnung se demande lui, à travers le cas africain, si les réseaux sociaux alimentent les conflits. On relève une nette tendance à s’en prendre à Internet avec près de 50 coupures en 2016 contre moins de 20 dans la même zone l’année précédente. Marianne Peron-Doise s’intéresse à la Corée du Nord et conclut que, par rapport à un effondrement du régime, la Chine préfère encore entretenir un état nucléaire à sa porte.

La politique étrangère de la France

Certains trouvent que la France est soumise aux Etats-Unis. Olivier Schmitt résume les arguments évoqués en montrant que beaucoup de critiques ne sont pas appuyées réellement par des faits. « Il faut abandonner l’idée que le seul critère d’indépendance de la France est sa distance à Washington ». Romain Mielcarek envisage la position de la France comme marchande d’armes et en conclut qu’elle a de bonnes opportunités pour le meilleur et pour le pire. D’autres articles s’interrogent sur la Françafrique ou sur les OPEX avec des éléments historiques et sur les dernières interventions.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement

Plusieurs articles se focalisent sur des mots de vocabulaire avec un louable effort de définition invitant à ne pas tout mélanger. Ainsi Hervé Pierre revient sur « Sécurité ou défense ? » tandis que Benjamin Oudet se focalise sur renseignement et surveillance. Le renseignement se définit par trois dimensions indissociables : une certaine forme de connaissance utile à la décision, des organisations, des pratiques de recherche. La fonction de surveillance est contenue dans la fonction de renseignement. On peut signaler aussi une intéressante réflexion sur les sanctions internationales. Il convient en effet de préciser qu’elles peuvent être sportives ou culturelles, par exemple, avant d’être économiques. Elles sont un outil diplomatique, une sorte de balise. Olivier Schmitt propose aussi que, plutôt que de poser toujours la question en terme de réussite ou d’échec, mieux vaudrait se pencher sur le rapport coût-bénéfice. Damien Simonneau s’interroge sur Israël et sur l’idée qu’il s’agirait d’un modèle de sécurité à suivre. Selon lui, c’est plutôt une impasse sécuritaire.

Marie Peltier conclut cet ouvrage de façon alerte avec sa contribution intitulée «  On ne nous dit pas tout ? ». Elle s’amuse de cette affirmation et montre comment décrypter ce discours clé en main, « foncièrement moutonnier tout en se pensant hautement ou subtilement subversif ». Il est donc de bon ton d’évoquer la complexité du monde, d’utiliser des mots comme « géopolitique », « intérêts cachés » ou « grandes puissances » et ensuite de convoquer des grands classiques comme les Etats-Unis, l’OTAN ou Israël.

Ce livre permet donc un tour d’horizon efficace et aborde de nombreux points en proposant des éclairages intéressants.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.