D’où viennent les premiers hommes ? À quoi ressemblaient-ils ? Pourquoi ont-ils décidé de quitter l’Afrique, alors qu’ils y ont vécu plus de 5 millions d’années ? À quel moment s’est faite, à partir d’une population ancestrale commune, la séparation décisive entre les chimpanzés et les humains ?

Dans cet ouvrage de 215 pages, l’auteur, Michel Brunet nous invite, à l’instar des paléontologues, des biologistes, des primatologues à partir à la découverte des secrets de nos origines. Si une part de rêve est bien présente, le chercheur s’appuie sur les récentes prouesses technologiques et scientifiques. L’auteur se fait conteur et nous dresse un panorama à la fois des recherches que des dernières avancées, à partir de ses cours du Collège de France. L’originalité de l’ouvrage est d’essayer de nous peindre la vie de nos ancêtres sous la forme de cours du Collège, qui nous impose une certaine rigueur mentale, pour garder à l’esprit des mots, des cheminements, des paradigmes. Parfois, il faut revenir en bon élève quelques pages en arrière, on le fait avec plaisir.

L’auteur est professeur au Collège de France et professeur associé à l’université de Poitiers. Directeur de la Mission paléo-anthropologique franco-tchadienne, c’est lui qui avec son équipe, a découvert Toumaï, le plus ancien représentant de l’humanité connu à ce jour.

Dans une première partie, il nous dresse un tableau de la famille humaine. Insistant sur la nécessaire recherche sur le terrain, la paléontologie s’appuie sur l’observation. S’attardant sur les hominidés anciens, il reprend les champs de domaine des origines, de l’évolution, de la phylogénie, c’est-à-dire les liens de parenté entre les différentes espèces, mais aussi sur les paléoenvironnements (ce qu’ont pu être la faune, la flore, les paysages dans lesquels les hominidés évoluaient). Comment différencier un humain d’un singe ?
Ensuite, Brunet s’attarde sur les grades évolutifs : celui des préhumains du Miocène supérieur, celui des Australopithèques, et celui des représentants du genre Homo. Leur point commun ? Ils sont tous nés en Afrique. Un autre élément est leur locomotion, tous les hominidés connus sont bipèdes. Une bipédie liée pour le premier genre à l’arboricolisme. Les pré-humains vivaient dans des environnements arborés. Le second genre est bipède terrestre, mais vivait, comme Lucy en profitant de savoir grimper aux arbres. Le milieu de vie est aussi une savane arborée, mais son environnement est plus ouvert que le premier. Le genre Homo est lui exclusivement bipède terrestre. Doit-on y voir un lien avec une altération climatique qui s’oriente vers du plus sec et plus froid ? Ce genre se dote d’un cerveau plus volumineux, est nomade, comme ses prédécesseurs. Nomades cueilleurs, restés cueilleurs, pratiquant une forme de chasse à des chasseurs de plus grandes proies. La sédentarisation n’est alors pas loin, permis par l’agriculture, la domestication, la constitution de réserves de nourriture, … Cannibales ? Peut-être, l’auteur n’a pas d’opinions tranchées sur le sujet. Constructeurs d’abris, partageant la nourriture, développant des liens entre les générations, … Ce sont des perspectives intéressantes, développées par l’expertise du professeur, en l’état actuel de nos recherches.

La troisième partie dresse un état des lieux des candidats au genre Homo. Brunet s’attarde d’abord sur l’ancêtre commun du genre humain : entre hypothèses et controverses, l’auteur passe assez rapidement sur les formes éteintes d’australopithèques, pour s’attarder sur le clade des hominidés. Le clade correspond à l’ensemble des espèces appartenant à la famille humaine : le premier clade est constitué des hominidés du Miocène supérieur (Ardipithecus, Orrorin, Sahelanthropus). Viennent ensuite les Australopithèques, puis le grade homo. Toumaï n’est pas l’ancêtre de tous, peut-il déjà sur une branche éteinte.

Brunet montre ensuite que les Australopithèques ne sont pas des singes, … mais ne sont pas des hommes non plus. Mains, bassin, bipédie, l’os cortical du fémur, position du crâne qui découle de la bipédie, position de la face, … sont autant de critères permettant de différencier les hommes de leurs lointains cousins, les singes. Mais, même au sein des homos sapiens, les différences existent, la réalité biologique permet de confirmer une partie de ces hypothèses. Mais, comme le dit l’auteur, ce que l’on sait, tient à peu et à beaucoup de choses.

Dans une quatrième partie, Brunet tente de reconstituer les environnements liés, soit de déterminer des distinctions entre les provinces biogéographiques, qui reposent, selon l’auteur, sur la dispersion et la vicariance. La dispersion correspond au fait qu’une partie de la population franchit une barrière (un fleuve, une montagne, un désert, un océan) et se retrouve séparée du reste du groupe. La vicariance est le fait qu’une espèce occupe un territoire, mais l’aire géographique se disjoint. L’intérêt est donc de comprendre comment les hominidés ont circulé dans les six provinces biogéographiques reconnues actuellement, en comparant par exemple avec l’étude de mammifères. Ce qui semble constituer une barrière infranchissable, ne l’est pas forcément, comme pour le Sahara … Comment reconstituer l’environnement des hominidés ? Quelle est l’influence des oscillations climatiques ? Quel est l’impact de la saisonnalité ? L’auteur s’attarde sur des approximations, au risque de décevoir son lecteur, se perd dans les méandres des techniques utilisées.

Dans une dernière partie, l’auteur évoque les migrations du genre homo à la conquête du monde. Mais, de quels hominidés, est-il question ? Les querelles des spécialistes pointent à travers ce début de chapitre. Brunet en arrive finalement au départ d’Afrique, présente les deux voies de dispersion, l’une par l’Ouest, via la péninsule ibérique, l’autre par l’Est, via le Moyen-Orient. Brunet détaille alors, en fonction des chantiers de fouilles, les hominidés qui confirment ou infirment ces voies de dispersion. Tous ces hommes ont leurs racines en Afrique, c’est finalement la probabilité la plus forte. Ils se sont déployés en Eurasie, puis dans le reste du monde. On en arrive enfin aux Prénéanderthaliens, non sans confirmation de l’absence d’une évolution linéaire : comme Brunet l’affirme, elle doit être qualifiée de buissonnante, que l’on oublie l’idée créationniste d’un chaînon manquant. Les Néanderthaliens font l’objet d’une étude sérieuse et intéressante. D’eux à nous ? L’auteur conclut sur l’origine de l’homme moderne et le peuplement du reste de la Terre et sur les différences entre les Néanderthaliens et les Homos sapiens.

L’ouvrage est une fresque sérieuse et exhaustive en l’état actuel des recherches. C’est en cela que le lecteur peut être déçu finalement. Ce que l’on sait, ce que l’on croit savoir, ce que l’on ne sait pas. Nos racines sont africaines, mais tant de questions restent sans réponses. Nos remerciements à l’auteur pour nous laisser sur une faim de connaissances inassouvies, de nous encourager à soutenir les campagnes prochaines de fouilles, pas seulement américaines, mais également françaises, une fresque de sept millions d’années, plaisante à découvrir que je recommande sincèrement. Un très bon livre qui permet de comprendre la théorie de l’évolution et finalement de comprendre le beau message suivant : nous sommes tous des filles et fils d’immigrés !

Pour en découvrir plus :
https://www.franceculture.fr/sociologie/nous-sommes-tous-des-africains-par-michel-brunet

http://www.hominides.com/html/references/nous-sommes-tous-des-africains-1015.php