A la découverte d’une cité médiévale russe

Après plusieurs opus dédiés à Palmyre, Carthage et Paris, la collection « l’esprit des lieux » éditée par le CNRS s’enrichit d’un livre dédié à la cité médiévale de Novgorod. Cette ville russe dont le modèle politique se rapprochera de celui d’une république, d’où le sous-titre du livre, prend forme à partir de l’an 900 à 200 kilomètres au sud de l’actuelle ville de Saint-Pétersbourg. Durant toute la période médiévale, la ville est une place majeure pour le commerce des fourrures et un centre religieux pour le clergé orthodoxe. Démographiquement, elle devient la deuxième ville la plus peuplée au XIIIe siècle.

L’auteur de ce livre à la jolie couverture illustrée par la cathédrale Sainte-Sophie est Pierre Gonneau. Professeur à Sorbonne Université et directeur d’études à l’EPHE, ce spécialiste de la Russie médiévale avait publié une synthèse sur la Russie du XVIe au XXe siècle chez Tallandier en 2016 (« Histoire de la Russie : d’Ivan le Terrible à Nicolas II : 1547-1917 ») puis une histoire de la Russie impériale aux PUF en 2019 (« La Russie impériale : l’Empire des tsars, des Russes et des non-Russes : 1689-1917 »).

Ce « pôle Nord de la Russie des origines » (Pierre Gonneau) s’organise à partir d’un château, désormais en périphérie, Gorodichtche. Les couches archéologiques les plus anciennes remontent au début du IXe siècle. A cette époque, « Gorodichtche domine une nébuleuse d’agglomérations agricoles slaves sur lesquelles il prélève tribut » (page 22). Le château devient alors un noyau agglomérant des populations scandinaves (Varègues ou Rus) côtoyant des Baltes (dont les Livoniens et les Tchoudes, assimilables aux Lettons et Estoniens), des Slaves et des Finnois. La « ville neuve » supplante au début du XIX siècle le château, désormais à 2 kilomètres.

La ville neuve, d’où le nom de la ville, « Novgorod », se structure sur les rives de la Volkhov dès le milieu du Xe siècle. Géographiquement, la ville tisse un réseau commercial allant jusqu’à l’île suédoise de Gotland,  car il est aisé de naviguer jusqu’en mer Baltique en empruntant le cours de la Volkhov, puis le Lac Ladoga et la Neva. Riga, Tallinn et Lübeck deviennent des villes qui commercent avec Novgorod au sein d’un réseau à la fois maritime et fluvial.

La ville russe exporte des fourrures à destination des marchands de la Hanse installés sur les rives de la Baltique. Parfois, les relations commerciales se tendent, voir dégénèrent. En témoigne encore les portes en bronze de Magdebourg datant de 1150, vraisemblablement obtenus par « les corsaires novgorodiens sur les rivages suédois en 1187 » (page 37). Elles ornent la cathédrale Saint-Sophie de Novgorod, un édifice représenté par une très belle aquarelle de Jean-Claude Golvin sur la couverture du livre.

Ce développement commercial se double également d’une centralité religieuse autour de la cathédrale Sainte-Sophie. Après l’archevêque de Kiev, l’évêque de Novgorod est alors l’un des plus membres les plus importants du clergé russe. A partir de 1450, le prince de Moscou Ivan III prend le dessus et Novgorod redeviendra une cité ordinaire. La cité devient un moyen de pression sur les marchands de la Hanse et perd en prestige. L’archevêque n’est plus élu sur place mais est nommé par Moscou. En 1570, Ivan le Terrible organise un grand massacre de la population, accusée de trahison. Annexée par Moscou, Novgorod décline rapidement. Au XVIIIe siècle, elle redevient la ville des libertés par rapport à sa voisine, désormais plus puissante, Saint-Pétersbourg.

Les géographes auront plaisir à lire le chapitre dédié à l’espace novgorodien (chapitre 2), dont l’approche géohistorique est particulièrement intéressante. De la mer Blanche à la frontière livonienne, la cité est organisée en 5 grands districts (les « cinquièmes ») autour de Novgorod.

Source : Extrait tiré du livre « Novgorod » publié chez CNRS Editions, Septembre 2021, pages 26-27

Restauré après la Seconde Guerre mondiale, le centre-ville médiéval est désormais protégé, permettant ainsi l’arrivée de visiteurs et le développement du tourisme.

En conclusion, ce petit livre plaira aux médiévistes et aux voyageurs désireux disposer d’une information fiable, bien illustrée par de nombreuses cartes et photographies en couleur, témoignant des récents progrès archéologiques et historiques.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien
  • Pour écouter un entretien de l’auteur au micro de France Culture, pour l’émission « Orthodoxie » d’Alexis Chryssostalis -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes