L’ouvrage revient dans le détail sur un double événement fondamental de l’histoire franco-anglais : la conclusion du traité de Troyes (21 mai 1420) et la cérémonie de mariage qui unit le mois suivant Henri V à Catherine de France, fille de Charles VI. Ce projet visant l’unité du royaume de France et la paix entre les deux royaumes – au prix du deshéritage du Dauphin est un événement mal connu du grand public. Moment de l’histoire nationale mal connu et moment que nous avons préférer oublier… Nous préférons davantage nous passionner pour le sursaut qui a lieu lors de l’épopée johannique que pour la période qui précède et qui voit le royaume de France passé sous la domination d’un souverain anglais !

Ce catalogue d’une exposition qui se tient actuellement à Troyes du 4 septembre 2020 au 3 janvier 2021 est composé de cinq parties, accompagnée chacune d’une riche série de notices (176 au total) des documents et des objets visibles lors de l’exposition.

En guise d’introduction, Philippe Contamine prend le temps de nous poser le contexte de la guerre de Cent Ans, du règne funeste de Charles VI et du début de la guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs. L’historien français se rapproche ensuite de l’année 1420 et fait ressortir les deux événements qui vont rendre possible cette union des deux couronnes : la bataille d’Azincourt (25 octobre 1415) – qui tend à rendre irrésistible la puissance militaire du roi Henri V – et surtout l’assassinat du duc Jean sans Peur à Montereau (10 septembre 1419) – qui ternit grandement l’image du Dauphin et qui achève de faire basculer le duc de Bourgogne dans le camp anglais –.

Contexte politique

Cette première partie de l’ouvrage vient enrichir la présentation du contexte réalisée par Philippe Contamine en s’arrêtant notamment sur la folie du roi Charles VI et la guerre civile, sur la situation politique en Angleterre – et les origines de la guerre des deux roses – et en posant le regard sur le flottement politique qui caractérise la période entre l’assassinat de Jean sans Peur (septembre 1419) et la signature du traité de Troyes (mai 1420). La guerre de Cent Ans ne se fait pas uniquement sur les champs de bataille : les revendications des rois d’Angleterre sur le royaume de France s’expriment par le biais de l’héraldique.

En effet, c’est par le blason que les souverains anglais manifestent aux yeux du monde leur rêve de France : deux quartiers du blason arborent les fleurs de lis en 1340 tandis qu’au début du XVe siècle, ce sont les trois quarts de la surface héraldique qui sont aux armes de France.

Le traité de Troyes

Dans un premier temps, Cléo Rager s’intéresse précisément à la cité champenoise devenue, pour l’espace de quelques années, la capitale du royaume de France et à l’organisation et aux conséquences de ce grand déménagement de la Cour, des institutions parisiennes et tout le personnel administratif. Dans un second temps, les 31 clauses du traité de Troyes font l’objet d’une étude en profondeur par Ghislain Brunel.

Celle-ci permet de cerner le rôle et les pouvoirs de chacun dans la nouvelle organisation politique du traité de Troyes (Charles VI, Henri V, Isabelle de Bavière, etc.) et de comprendre ce qui est attendu des corps intermédiaires du royaume de France. Anne Curry, quant à elle, observe quelle réception est faite du traité dans le royaume de France et par les cours étrangères d’Europe.

Vivre en Champagne dans la première moitié du XVe siècle

La troisième partie dresse un tableau de la Champagne dans la première moitié du XVe siècle : d’abord espace stratégique de la guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs, elle fait l’objet d’une conquête méthodique par les Anglais après la conclusion du traité de Troyes. C’est pour ces raisons que la misère et la désolation s’abattent une à une et s’alternent pendant un demi-siècle sur cette partie du royaume : les exactions des bandes armées (les Ecorcheurs), les périodes de famine et les vagues d’épidémie (la peste).

Guerre et reconquête

Laurent Vissière nous raconte comment la guerre est vécue au quotidien par les populations champenoises. Face à cette « vie déréglée » par une guerre diffuse, les cités prennent les armes (mobilisation de sa population) et elles restent en alerte. Pour prévenir les razzias et les coups de main de bandes armées, les cités contrôlent les alentours de la cité, les populations qui résident entre leurs murs ainsi que l’approvisionnement journalier de la ville. Le paysage sonore fait également l’objet d’un contrôle étroit de la part des autorités : aucun bruit ne doit venir parasiter le code des cloches qui doit les prévenir de tout danger.

Dans cette partie, les autres autres reviennent en détails sur la période de la reconquête française qui coïncide avec la mort d’Henri V (décembre 1421) et la minorité de l’enfant-roi Henri VI (et de la régence de son oncle, le duc Bedford) et qui est marquée par l’épopée johannique qui trouve son aboutissement par le sacre de Charles VII à Reims le 17 juillet 1429.

La mémoire du traité de Troyes

La cinquième et dernière partie s’intéresse à la mémoire du traité de Troyes, notamment dans la littérature et au cinéma. Dans les deux pièces de la tétralogie de Shakespeare qui concerne l’événement – Henri V et Henri VI -, le traité de Troyes est à peine évoqué et il ne sert que de toile de fond pour évoquer « l’épisode délicieux où Henri est laissé seul avec Catherine » et où le roi essaie tant bien que mal de courtiser sa princesse malgré la barrière de la langue. Le cinéma ne fait pas plus de place au traité de Troyes : celui-ci est délaissé en France pour le versant victorieux des lendemains de l’événement – l’épopée de Jeanne d’Arc – et en Angleterre pour l’épisode qui suit la guerre de Cent Ans : la guerre des Deux-Roses.