Une couverture, qui n’est pas sans rappeler l’affiche des Jeux d’Atlanta en 1996 faisant figurer les villes et les dates des olympiades précédentes, et qui évoque à elle seule la finalité de l’ouvrage : proposer au lecteur, au prisme des Jeux Olympiques d’été mais aussi des Jeux paralympiques, une véritable histoire du monde de 1896 à 2024, d’Athènes à Paris en passant par Londres, Anvers, Helsinki, Rio de Janeiro ou Pékin.

Ce très bel objet de près de 600 pages, magnifiquement illustré, est en fait le catalogue de l’exposition présentée au Palais de la Porte Dorée d’avril à septembre 2024. Les membres du groupe de recherche Achac, dans le cadre du programme « Histoire, sport & citoyenneté », dirigent l’ouvrage. Les contributions d’une soixantaine de spécialistes, français et internationaux, permettent de dresser un panorama particulièrement complet de chacune des olympiades en les inscrivant dans le contexte géopolitique de leur époque et en présentant les faits marquants ainsi que les exploits des sportifs et sportives y ayant participé. L’impressionnant travail de sélection et de mise en valeur de l’iconographie, permet de faire revivre, en noir et blanc puis en couleur, ces moments d’émotions intenses, de l’euphorie à la déception, de l’affrontement à la fraternisation. Des images choisies pour leur valeur documentaire, leur importance historique ou pour leur seule qualité esthétique.

Affiche de l’exposition au Palais de la Porte Dorée

 

A la veille de Paris 2024, les Editions La Martinière, le Palais de la Porte Dorée et le groupe de recherche Achac nous offrent ici une somme magistrale, accessible et indispensable afin de nous replonger, avec plaisir et émerveillement, dans les 33 éditions des Jeux Olympiques d’été.

Le teaser de l’ouvrage :

 

Un parcours historique de l’olympisme  moderne de 1896 à l’olympisme contemporain de 2024

Parce que les Jeux sont une arène où se mettent en scène les dynamiques géopolitiques, l’ouvrage s’articule en six grands chapitres de 1896 à nos jours permettant de saisir les évolutions du mouvement olympique en lien avec les grandes ruptures à l’échelle mondiale. Chacun porte un regard sur une époque et ses enjeux : la naissance de l’olympisme (1896-1920), le temps des nationalismes (1920-1945), celui de la Guerre froide et des décolonisations (1945-1975), l’avènement d’un monde multipolaire (1975-2000), et enfin le XXIe siècle olympique (2000-2024). Les trois éditions annulées de 1916, 1940 et 1944 sont aussi évoquées.

Les Jeux, qui se voulaient pourtant apolitiques, n’ont pas échappé au jeu des rivalités entre Etats. C’est l’Allemagne nazie qui a fait des Jeux Olympiques de Berlin en 1936 la vitrine de son idéologie autoritaire, raciste, antisémite, c’est le « bain de sang » des Jeux de Melbourne (1956) lors de la demi-finale de water-polo URSS/Hongrie faisant suite à la répression de la révolte populaire hongroise contre le régime communiste, c’est la question palestinienne qui résonne dramatiquement en 1972 lors des Jeux de Munich, c’est le boycott des nations africaines aux Jeux de Montréal en 1976 contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud ou celui des Etats-Unis, de l’URSS et de certains de leurs alliés lors de la Guerre froide ou c’est encore l’édition de 2008 qui est l’occasion pour la Chine d’affirmer sa puissance face à Taipei ou au Tibet et de vanter le modèle de la grande nation chinoise.

Melbourne 1956. Erwin Zador, joueur hongrois de water-polo, blessé lors du « bain de sang de Melbourne ». © Public Record Office Melbourne

Les Jeux, miroir des évolutions sociétales et enceintes des luttes sociales

Cette histoire globale n’est pas que celle des enjeux politiques. Au travers des 33 éditions des Jeux olympiques d’été se dessinent aussi les grandes mutations de nos sociétés. Des premières éditions réservées à une élite « blanche » européenne et américaine, les Jeux, enceintes de plus en plus médiatisés, vont se voir bousculés par les enjeux sociétaux et les luttes sen faveur des libertés fondamentales ainsi que de l’égalité. On pense bien évidemment à la participation des femmes ou des populations coloniales et des immigrés, à la revendication des droits civiques et la lutte contre l’apartheid, à l’inclusion des personnes en situation de handicap, à la prise de conscience de l’empreinte sociale et écologique des Jeux, etc. Un long chemin parcouru depuis les réticences de Pierre de Coubertin à voir des femmes concourir ou depuis les « Olympiades sauvages » des JO de Saint Louis en 1904 ! Des athlètes n’ont pas hésité à se mobiliser et certains, de par leurs gestes immortalisés par la photographieTommie Smith en ce mois de juin au Palais de la Porte Dorée : Retour en images, ont contribué à faire changer les mentalités.

Jeux Olympiques de Mexico (1968) – Sur le podium du 200m, les athlètes étasuniens Tommie Smith (médaille d’or) et John Carlos (médaille de bronze) lèvent un poing ganté de noir en référence au Black Panther Party qui lutte pour l’égalité raciale aux Etats-Unis. Par solidarité, l’australien Peter Norman (médaille d’argent) arbore un badge de l’Olympic Project for Human Rights. © Getty Images

Les figures de l’olympisme, l’incarnation d’un combat ou d’un Etat

Au fil des pages, de nombreux portraits d’athlètes permettent d’incarner véritablement l’aventure collective de l’olympisme : le vainqueur grec du marathon de 1896 à Athènes Spyrídon Loúis, le premier Noir à représenter les Etats-Unis et à remporter une médaille d’or au relai 4×400 mètres John Taylor lors des Jeux de Londres en 1908, la double médaillée d’or aux Jeux de Anvers en 1920 Suzanne Lenglen,  le champion de natation apatride concourant pour les Etats-Unis lors des Jeux de Paris en 1924 Johnny Weissmuller, le « finlandais volant » qui remporte 12 médailles olympiques en 1924 et 1928 Pravo Nurmi, l' »indigène » champion olympique à Amsterdam en 1928 Ahmed Boughéra El Ouafi, Jesse Owens qui remporte quatre médailles d’or à Berlin en 1936 et piétine les thèses racistes du régime nazi, le premier médaillé d’or pour un Etat africain indépendant aux Jeux de Rome en 1960 Abebe Bikila, le trio d’athlètes Tommie Smith – John Carlos – Peter Norman qui dénonce la ségrégation aux États-Unis sur le podium du 200 mètres aux Jeux de Mexico en 1968, la star des bassins Mark Spitz, Nadia Comāneci qui devient l’icône de la gymnastique à l’âge de 14 ans lors de JO de Montréal en 1976, sans oublier les stars contemporaines que sont Carl Lewis, Cathy Freeman, Michael Phelps ou Usain Bolt. Les stars déchues comme Ben Johnson ou Marion Jones ne sont pas oubliées.

Jeux Olympiques de Montréal (1976) – La gymnaste roumaine Nadia Comăneci obtient la note de 10/10, une première dans l’histoire des Jeux Olympiques. © AFP

Les défis de l’olympisme

Le « système » olympique actuel, basé sur la professionnalisation et la financiarisation, semble bien éloigné de la matrice idéologique initiale reposant sur le projet universaliste et pacifiste coubertinien dans lequel ne s’affrontaient que des amateurs. Après la démesure des Jeux d’Athènes en 2004 dans un pays frappé par la crise économique, après la forte politisation des Jeux de Pékin en 2008, après la prise de conscience des enjeux environnementaux et sociaux à Londres en 2012 puis à Rio en 2016, les dernières éditions soulignent parfaitement les enjeux contemporains auxquels l’olympisme devra répondre s’il veut perdurer. La mobilisation citoyenne grandissante afin de dénoncer certaines contradictions ou dérives des JO est un révélateur de ce moment de bascule dans lequel le mouvement olympique se trouve aujourd’hui. Les Jeux semblent devoir se réinventer afin que la responsabilité et la durabilité permettent de léguer en héritage un patrimoine matériel et immatériel respectueux des populations et des territoires.

Athènes 2021. Les sites des Jeux Olympiques de 2004 sont désormais abandonnés et interdit d’accès et des agents de sécurité contrôlent leur accès nuit et jour . Ici à l’image le stade de Volleyball. Reportage Omnisports Magazine en 2021. Photographe Sébastien Leban. © PresseSports

 

Pour feuilleter l’ouvrage :

https://www.calameo.com/editions-de-la-martiniere/read/005631067cfaa30e7519a?page=1

 

 

La conférence virtuelle qui s’est déroulée le 18 juin 2024 :