Question d’Orient, diplomatie parlementaire, loi de trois ans (service militaire), Sénat, loi Paul-Boncour, pacifisme parlementaire, Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (LILPF), Révolution française, révolution de 1830

La revue Parlement[s]

Créée en 2003 sous le titre Parlement[s], Histoire et politique, la revue du CHPP change de sous-titre en 2007 pour affirmer sa vocation à couvrir tous les domaines de l’histoire politique. Chaque volume est constitué pour l’essentiel d’un dossier thématique (partie Recherche), composé d’articles originaux soumis à un comité de lecture, qu’ils soient issus d’une journée d’études, commandés par la rédaction ou qu’ils proviennent de propositions spontanées. Quelques varia complètent régulièrement cette partie. La séquence (Sources) approfondit le thème du numéro en offrant au lecteur une sélection de sources écrites commentées et/ou les transcriptions d’entretiens réalisés pour l’occasion. Enfin, une rubrique (Lectures) regroupe les comptes rendus de lecture critiques d’ouvrages récents. Enfin, la revue se termine systématiquement par des résumés des contributions écrits en français et en anglais (suivis de mots-clés).
La revue Parlement[s] n° 26 a pour thème : Paix, sociétés civiles et Parlements (fin XIXe – 1939). Ce vingt-sixième dossier est sous la direction d’Alexandre Niess. Comme d’habitude, le dossier se compose de deux éléments distincts : une première partie consacrée à la recherche (avec la contribution de 7 chercheurs, jeunes ou confirmées) et la seconde à des sources commentées (au nombre de 3) par Alexandre Niess et Gearoid Barry. De plus, dans ce numéro, nous trouvons à nouveau une partie consacrée à des varia (au nombre de 2) et à 6 lectures (critiquées par 6 historiens).
Puis vient, en introduction, « Paix, sociétés civiles et Parlements (fin XIXe-1939) par Alexandre Niess. Si vis pacem para bellum, tel était l’adage qui prévalait encore à la veille de la Grande Guerre. Comment, dans ce contexte, défendre la paix, comment la préparer puis la promouvoir pendant et au lendemain d’une guerre totale que l’on voudrait croire être la Der des Der ? Un jeu complexe s’instaure entre les parlementaires et les sociétés civiles qu’ils sont censés représenter, en un moment crucial pour la conception et la mise en œuvre de la Paix. Alors que la sécurité collective trouve ses premières expressions avec les conférences internationales de désarmement et la création de la Société des Nations, les fascismes menacent de réviser par la force les traités de paix. Ce dossier, constitué d’études de cas sur la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ainsi que de commentaires de sources, évalue la façon dont les parlements traduisent ou non les aspirations pacifistes de leurs sociétés civiles. Réciproquement, il montre comment des opinions publiques pacifistes, y compris féministes, peuvent influencer leurs représentants et le débat démocratique. Des enjeux qui trouvent un cruel écho dans l’actualité.

[RECHERCHE]

La résolution pacifique de la question d’Orient devant le Parlement français (1897-1913) :
Nicolas PITSOS (Docteur en histoire, CREE-INALCO)
Par l’analyse de débats parlementaires mais aussi d’archives diplomatiques, cet article essaie d’étudier les positions et réactions des députés de la Troisième République face à un règlement pacifique des situations de crise liées à la question d’Orient, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Plus concrètement, cette étude vise à comprendre le sens d’un pacifisme parlementaire à l’occasion des deux guerres qui ont agité les Balkans pendant cette période, à propos de la question crétoise en 1897 et au sujet de l’imbroglio macédonien en 1912-1913. La perspective d’une résolution pacifique de ces conflits au sein du Parlement français se décline en fonction des sensibilités idéologiques de ceux qui s’y sont exprimés, de leurs perceptions des enjeux géopolitiques, géo-économiques, géo-culturels, de leurs affinités avec les protagonistes et de leurs représentations du rôle de la France dans le cadre des relations internationales.

Des parlementaires au service de la paix : Le Groupe parlementaire français de l’arbitrage internationale (1903-1914) :
Jean-Michel GUIEU (Maître de conférences à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UMR 8138 Sirice)
En mars 1903, le député Paul d’Estournelles de Constant fonde le Groupe parlementaire français de l’arbitrage international dans le but de promouvoir le règlement pacifique des différends internationaux. Le succès de ce groupe, qui rassemble plus de la moitié des députés et sénateurs français à la veille de la Grande Guerre, témoigne d’une véritable préoccupation des milieux parlementaires français pour le maintien de la paix internationale. Dans cette perspective, le Groupe soutient l’œuvre des conférences internationales de la paix de La Haye et mène une habile « diplomatie parlementaire », établissant, grâce à des échanges de visites, des liens directs avec les parlements britannique, scandinaves, ottoman, russe et allemand et en prenant part régulièrement aux conférences de l’Union interparlementaire. Il s’emploie également à cultiver l’amitié américaine et célèbre en particulier l’action du président Theodore Roosevelt.

La gauche parlementaire française face à la loi de trois ans (1913) :
Alexandre NIESS (Docteur en histoire contemporaine, CERHIC/EA 2616, POLEN-CEPOC/EA 4710)
En 1913, un projet de loi prévoyant l’allongement de la durée du service militaire de deux à trois ans est présenté devant la Chambre des Députés. Les gauches parlementaires, très composites, mais toutes traversées par des courants pacifistes plus ou moins puissants et plus ou moins organisés, participent activement lors de la discussion générale portant sur ce projet de loi ; d’autant plus qu’une partie de celle-ci en est à l’origine. Malgré la longueur des débats sur ce texte – sans parler des fastidieuses discussions autour de l’élaboration précise de chaque article du texte de loi – il s’avère que la question de la guerre préoccupe bien plus ces députés de gauche que la défense de la paix. Les voix pacifistes sont très rares alors que le texte porte explicitement sur une question épineuse qui intéresse au premier chef ces courants pacifistes.

Le Sénat français et la paix, d’une guerre à l’autre (1920-1940) :
Gisèle BERSTEIN (Docteur ès lettres)
Sous la présidence de Léon Bourgeois, au début des années 1920, le Sénat dresse la ligne directrice de sa conception de la politique internationale et surtout de la nécessaire paix pour le relèvement de la France. Cette conception est celle d’une paix fondée sur la défense afin de contraindre l’Allemagne à respecter les clauses du traité de Versailles, au point d’aboutir à l’occupation française de la Ruhr ; au grand dam de ses alliés. Si le rapprochement franco-allemand amorcé en 1925 se concrétise en 1926, le Sénat n’en demeure pas moins prudent voire dubitatif et réclame la mise en œuvre d’une défense nationale efficace qui permettrait à la France d’assurer sa sécurité par ses propres moyens. Pourtant quand en 1938, le risque de guerre se précise, le Sénat français condamne l’incohérence de la politique étrangère menée par les gouvernements successifs mais cherche à tout prix à sauvegarder la paix.

Les femmes pacifistes et les parlementaires français : l’exemple du projet de loi Paul-Boncour de 1927 : Marie-Michèle DOUCET (Professeure, Collège royal militaire du Canada)
Le 7 mars 1927, la Chambre des députés française vote un projet de loi qui prévoit la mobilisation en temps de guerre « de tous les Français, sans distinction d’âge ni de sexe ». Connue sous le nom de loi Paul-Boncour cette loi envisage pour la première fois en France une mobilisation féminine. Chez les pacifistes françaises, ce projet de loi provoque une vive opposition. À ce jour, peu d’historiens se sont intéressés aux réactions féminines face au projet de loi Paul-Boncour. Pourtant, il s’agit d’un moment fort intéressant du pacifisme féminin qui donne lieu à l’utilisation de méthodes de propagande à la fois novatrices et originales. Celles qui avaient jusqu’alors préféré travailler indépendamment les unes des autres reconnaissent dorénavant la force de l’action collective. Le projet de loi Paul-Boncour donne donc, pour la première fois depuis la fin de la Grande Guerre, l’occasion aux pacifistes de faire front commun devant le gouvernement français.

La création d’un « pacifisme parlementaire » ? Mouvements de paix, parlements et politique électorale en Grande-Bretagne et en France pendant la Première Guerre mondiale :
Gearoid BARRY (National University of Ireland Galway)
Tandis que les parlements britannique et français fonctionnèrent tous deux comme des outils de répression du pacifisme en temps de guerre, ils constituèrent en même temps des lieux où la critique était admissible par le biais du débat. Cela fait écho à l’interprétation paradoxale énoncée par William Mulligan, celle d’une « Grande Guerre pour la paix ». Dans les deux pays, le contrôle parlementaire des buts de guerre devint un enjeu de premier plan pour le centre-gauche. L’UDC (Union of Democratic Control), que présidaient certains parlementaires en Grande-Bretagne, ainsi que des députés socialistes et radicaux français renouèrent avec l’internationalisme juridique d’avant-guerre pour esquisser un certain « pacifisme parlementaire », acquis aux buts de guerre dits « démocratiques ». En France, le vote de la motion Dumont par la Chambre des Députés, en juin 1917, allait dans ce sens. En Grande-Bretagne, malgré le cadre légal des exemptions, prévues dans la loi sur la conscription promulguée en 1916, le parlement britannique dépouilla les objecteurs de conscience absolutistes de leur droit de vote, à la fin de la guerre. Le « pacifisme parlementaire » eut donc des limites évidentes.

Féministe et pacifiste à l’époque de Weimar : la remise en question du pouvoir politique dans la nouvelle République :
Rebecca R. SCHRIVER (Doctorante en histoire, Florida State University)
La relation entre les femmes pacifistes et féministes et les hommes politiques allemands pendant la République de Weimar reflète des débats fréquents, dans cette jeune république, sur la nouvelle hiérarchie politique et légale établie en Allemagne après 1919. Une analyse de quatre-vingt pétitions, envoyées par la section allemande de la Ligue Internationale des Femmes pour la Paix et la Liberté (Internationale Frauenliga für Frieden und Freiheit, ou IFFF en Allemagne) aux présidents, chanceliers, ministres et parlementaires, explicite leur position dans cette réévaluation de la loi et de l’État. Cet article soutient que l’IFFF pensait que l’autorité suprême revenait aux individus, par le biais des droits constitutionnels fondamentaux et des accords internationaux. Cette vision convient à une organisation consacrée à promouvoir les droits de l’homme (en l’occurrence des femmes), et la réconciliation internationale. Leur confiance dans les lois préexistantes, les règlements et les traités internationaux manifeste alors une approche pragmatique, loin des poncifs qui servent usuellement à le caractériser : à savoir sa radicalité et son idéalisme.

[SOURCES]

« La futilité de la guerre démontrée par l’histoire », conférence d’Elie Ducommun pour la réception du Prix Nobel de la Paix 1902, prononcée à Oslo le 16 mai 1904 : présenté par
Alexandre NIESS (Docteur en histoire contemporaine, CERHIC/EA 2616, POLEN-CEPOC/EA 4710)
Né en 1833, Elie Ducommun est chargé de diriger le Bureau international et permanent de la paix, destiné à coordonner les actions et projets développés par différentes associations pacifistes, en décembre 1890. C’est à ce titre qu’il reçoit le Prix Nobel de la paix de 1902. Comme il est de tradition, les récipiendaires des Prix Nobel doivent prononcer un discours dans l’année qui suit leur nomination. Ce n’est que le 16 mai 1904 qu’Elie Ducommun le présente. Ce texte se rattache au pacifisme juridique, un vaste courant européen qui veut la paix internationale par le droit, tout en mettant en avant la nécessaire « solidarité des peuples », très largement évoquée par Léon Bourgeois dans Solidarité, ouvrage publié en 1896.

« L’effort des pacifistes en Allemagne », discours du député Marc Sangnier prononcé à la Chambre des Députés (16 novembre 1923) : présenté par Gearoid BARRY (National University of Ireland Galway)
Dans cette interpellation au Président du Conseil Poincaré en novembre 1923, Marc Sangnier fait le bilan du troisième congrès de l’Internationale démocratique de la paix, qui s’est déroulé à Fribourg, le premier à s’être tenu en Allemagne même, en août 1923, en pleine occupation de la Ruhr avec toutes les tensions entre les deux pays et tous les inconvénients d’une Allemagne en plein désarroi économique et politique. Ce discours parlementaire met en avant la confiance sans ambages que Marc Sangnier met à l’endroit des divers mouvements jeunesse allemands présents au congrès de Fribourg, qu’ils soient croyants ou socialistes. Selon lui, ils sont une véritable incarnation de l’Allemagne démocratique et pacifique. Mais les suites de ce discours à court terme seront minces. En effet, Marc Sangnier ne parvient pas à faire changer radicalement de cap la politique du Président du Conseil Poincaré envers l’Allemagne.

Face à la Guerre civile espagnole : L’affiche de Jean Carlu pour la « journée nationale de la paix » (2 août 1936) : présenté par Alexandre NIESS (Docteur en histoire contemporaine, CERHIC/EA 2616, POLEN-CEPOC/EA 4710)
Cette affiche de Jean Carlu est destinée à la Journée nationale de la paix du dimanche 2 août 1936 (en faveur de la non-intervention dans la guerre civile d’Espagne) qui est soutenue par le ministère de l’Éducation nationale occupé par le radical-socialiste Jean Zay. Cette œuvre est triplement révélatrice : elle traduit le sentiment pacifiste d’un homme né avec le siècle ; elle est représentative d’un mouvement culturel – le développement exponentiel des images comme vecteur privilégié de la propagande politique ; elle est le fruit d’un moment plein d’incertitud¬es – la guerre d’Espagne et le risque d’embrasement mondial – qu’elle fait courir par le jeu des alliances internationales.

[VARIA]

10-Août 1792 : L’Assemblée Législative et la Commune de Paris, ou les conséquences politiques de la chute de la royauté :
Anne De MATHAN (Maître de conférences en histoire moderne à l’université Bretagne Loire (université de Bretagne Occidentale), Centre de recherche bretonne et celtique (Brest)
Cette enquête analyse les conséquences de la suspension du roi, le champ des forces politiques en contact et la répartition des bénéfices du 10 août. Face aux aspirations à la démocratie directe du mouvement populaire, désireux de monnayer son intervention, l’intensité de la production de la loi, libérée du royal veto, est un outil essentiel au service de la défense de la démocratie représentative et de la centralité législative jusqu’à la réunion de la Convention.

Du roi de France au roi des Français (30 juillet-9 août 1830) : Usurpation et mutation de la royauté au cœur de l’essor démocratique :
Éric DERENNES (Docteur en histoire de l’université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense)
La révolution de 1830 fut une crise politique et une rupture dynastique au cœur de l’essor démocratique. Les députés libéraux jouèrent un rôle décisif en favorisant l’avènement d’une monarchie constitutionnelle appuyée sur la représentation nationale avec un roi garant de la Charte. Concomitamment, le duc d’Orléans captait une couronne que le « parti » royaliste destinait au duc de Bordeaux. La question polémique d’une usurpation marquait ce temps de mutation de la royauté française.

[LECTURES]

Jean-Paul Clément, avec le concours de Daniel de Monplaisir, Charles X : Le dernier Bourbon, Paris, Perrin, 2015, 568 p., par Jean TULARD
Jean TULARD considère la biographie de Jean-Paul Clément sur Charles X comme étant « savante par la bibliographie imposante et un appareil critique impressionnant, objective car toutes les facettes d’un personnage plus complexe qu’il n’y paraît y sont évoquées ». Président de la Nouvelle société des études sur la Restauration (dont Jean TULARD est membre du Comité d’honneur depuis 2014 !!!), Jean-Paul Clément considère que le bilan du règne de Charles X correspond à « l’une des périodes les plus fastes de notre histoire » sur tous les plans : affermissement du régime parlementaire (démission du ministère Talleyrand par la chambre « introuvable »), naissance du Romantisme, budget à l’équilibre, débuts de la Révolution industrielle, etc… En résumé, selon Jean TULARD, Jean-Paul Clément offre une biographie de référence sur Charles X.

Brigitte Krulic, Tocqueville, Paris, Gallimard, « Folio biographies », 2016, 318 p., par Pierre ALLORANT
Professeur à Paris Ouest-Nanterre, spécialiste de l’histoire idées démocratiques et nationales en Europe, Brigitte Krulic livre aux étudiants comme aux amateurs un ouvrage synthétique aussi vivant que précis, qui remet en perspective le lien entre les expériences fondatrices du député et conseiller général de la Manche, ses engagements sur le système pénitentiaire et contre l’esclavage, et sa pensée politique historique et comparée. La publication en 1835 de De la démocratie en Amérique lui apporte la consécration intellectuelle, sans nuire à sa carrière élective avec sa victoire législative dans le Cotentin en 1839, puis cantonale à Montebourg en 1842. Enrichi d’un cahier d’illustrations soigné, de repères chronologiques précieux et de références bibliographiques à jour, le livre de Brigitte Krulic constitue une mise au point solide, claire, bienvenue et stimulante.

Dominique Messineo, Jeunesse irrégulière : Moralisation, correction et tutelle judiciaire au XIXe siècle, Rennes, PUR, collection « Histoire », 2015, 360 p., par Didier VEILLON
Cet ouvrage, distingué par un prix de thèse du Comité d’h¬istoire de la Sécurité sociale, constitue une intéressante contribution sur ces enfants et adolescents, issus de milieux défavorisés, dont les actes et comportements ne laissent pas d’inquiéter l’opinion et les pouvoirs publics du XIXe siècle, embrassant ici une période allant de la monarchie de Juillet à la veille de la Première Guerre mondiale. Dans sa conclusion, Dominique Messineo considère que la conception de l’enfance a considérablement évolué de la monarchie de Juillet à la veille de la Grande Guerre, « dans la mesure où l’in¬tervention de l’État n’a cessé de s’étendre à l’ensemble des couches de la société » (p. 368).

Fabien Conord, Les élections sénatoriales en France 1875-2015, Rennes, PUR, 2016, 376 p., par David BELLAMY
Maître de conférences à l’université Blaise-Pascal Clermont-Ferrand II, Fabien Conord a décidé d’étudier (pour son HDR), sur la longue période des trois dernières républiques, l’angle mort des élections sénatoriales, estimant, avec raison, qu’elles constituent un excellent observatoire des pratiques politiques du fonctionnement de notre système républicain. À cette fin, il travaillé en deux temps : tout d’abord en présentant, chronologi¬quement, les résultats et la place des élections sénatoriales au cours des cent quarante années qui séparent le premier scrutin de 1875 de celui de 2011 ; ensuite, en s’arrêtant sur la spécificité des pratiques révélées par ceux-ci. C’est une plongée passionnante dans un monde politique à part, dans des pratiques électorales généralement peu médiatisées, au milieu d’hommes pour lesquels l’accession au Sénat constitue l’ultime étape d’un cursus honorum constitutif du modèle républicain, que permet ce travail, à la fois précis, érudit, illustré d’un nombre consi¬dérable d’exemples particuliers, et synthétique, de Fabien Conord.

Laurent Jalabert (dir.), Gaullistes dans l’Ouest atlantique dans les élections législatives de 1958 à 1981, Rennes, PUR, 2013, 210 p., par Michel BOIVIN
Issu d’une journée d’études qui s’est tenue à Nantes le 12 novembre 2009, avec le soutien de I’ANR Gaulhore (Gaullisme, hommes et réseaux, 1958-1976), cet ouvrage dirigé par Laurent Jalabert s’inscrit dans le cadre d’un renouvellement historiographique s’intéressant à l’ancrage territorial des courants politiques et prenant en compte les échelles nationale, régionale et locale. Les importantes sources convoquées et l’opportune combinai¬son des approches quantitative et qualitative donnent beaucoup de force aux analyses des comportements électoraux qui différent sensiblement dans l’espace et le temps choisis, grâce à l’apport de dix contributions réunis dans l’ouvrage.

Giovanni Mario Ceci, Moro e il PCI : La strategia dell’attenzione e il dibattito politico italiano (1967-1969), Rome, Carocci, 2013, 437 p., par Frédéric ATTAL
Giovanni Mario Ceci, docteur en histoire et enseignant à 1’University Studies Abroad Consortium rattachée à l’Université de la Tuscia, offre un stimulant essai sur une question brûlante de la vie politique italienne de ces cinquante dernières années : la main tendue par Aldo Moro au Parti Communiste Italien (PCI), explicitée dans un discours « bombe » (« stratégie de l’attention ») prononcé devant le Conseil national de la Démocratie Chrétienne (DC), le 21 novembre 1968. Cette « stratégie de l’attention » d’Aldo Moro s’adresse au PCI mais aussi à toutes les forces sociales et poli¬tiques de l’opposition gouvernementale, et, au-delà, à la contesta¬tion extra-parlementaire qui a secoué l’Italie avant même le mouve¬ment soixante-huitard. Malgré la tragédie de l’enlèvement et de l’assas¬sinat en 1978 d’Aldo Moro (« coupable » entre autres d’avoir été l’artisan du fameux « compromis historique » entre la DC et le PCI, deux adversaires irréductibles depuis le début de la Guerre froide), Giovanni Mario Ceci démontre qu’il n’y a pas de continuité entre ces deux politiques.

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)