La politique est décidément une source d’inspiration pour la bande dessinée comme en témoigne le récent «Comédie française» de Mathieu Sapin. Ici, c’est une autre facette du pouvoir politique qui est montrée, à savoir l’Assemblée nationale. Kokopello, après s’être intéressé à la campagne présidentielle de 2017, tourne donc son regard vers le Palais Bourbon.

Entrer à l’Assemblée 

Tout commence en 2018 et le dessinateur commence par reproduire les reproches les plus courants qu’on entend sur l’Assemblée et les parlementaires comme « pourquoi l’Assemblée semble-t-elle parfois vide ? ». Il raconte brièvement son parcours et, sans être dans une critique stérile, il confie néanmoins ses doutes d’un gamin qui a grandi au Blanc-Mesnil puis à Tremblay en France. Il raconte son expérience de militant pour Arnaud Montebourg en 2016 puis ses tentatives pour infiltrer les autres partis. Il publie alors quelques dessins sur un blog de campagne au moment de la présidentielle de 2017 puis tout s’arrête. Il se demande alors sur quoi dessiner ? Après plusieurs tentatives, il obtient le droit d’accéder à l’Assemblée nationale.

Mises au point

A plusieurs reprises dans l’ouvrage, Kokopello réalise des mises au point très factuelles comme lorsqu’il explique le nombre de 577 députés et présente le rôle de l’Assemblée nationale d’après la Constitution. A d’autres moments, il explique ce que sont les QAG ou questions au gouvernement. Un peu plus loin, il précise les contours et les missions d’une commission d’enquête ou le fonctionnement des commissions permanentes. Il rencontre plusieurs députés qui sont autant de points de départ pour explorer une facette du métier de parlementaire. Les différents chapitres s’ouvrent sur des citations de parlementaires ou de personnels qui travaillent au sein de l’Assemblée.

Le quotidien d’une députée : Clémentine Autain

Le dessinateur suit d’abord Clémentine Autain dans ses activités quotidiennes. Celle-ci précise comment s’organise concrètement son emploi du temps d’une semaine type. Elle alterne entre temps en circonscription et temps à l’Assemblée. On voit sa réalité et les questions qu’elle doit régler au jour le jour, comme lorsqu’elle s’oppose à la mise en place de barnums pour prier à Sevran. On mesure surtout, comme à d’autres moments de l’album, que la députée est sollicitée pour une multitude de choses qui relèvent beaucoup plus souvent plus du cas personnel que de l’intérêt général. 

Commission d’enquête

Kokopello raconte ensuite en détails ce qu’est une commission d’enquête en prenant appui sur celle qui a visé Alexandre Benalla à l’été 2018. Il montre aussi comment s’organise le petit jeu de relations entre les médias et les parlementaires, entre ceux qui veulent à un moment donné s’offrir une tribune, et ceux qui la fuient au regard des circonstances.

Permanence parlementaire 

Pour évoquer ce qu’est une permanence parlementaire, l’auteur choisit de suivre Cédric Villani. Comme pour Clémentine Autain, on se rend compte du nombre de gens qu’un député peut rencontrer et on est frappé par la diversité des problèmes abordés.  

Le député agit comme un relais incessant entre les citoyens et le gouvernement et l’on comprend à travers l’image sportive qu’en donne Kokopello que cela peut épuiser ! Il faut mesurer aussi que les pouvoirs d’un député sont réduits.

Vie de palais

Revenant au sein du palais Bourbon, Kokopello dissèque ensuite les conditions matérielles du métier de député. On découvre les différents bâtiments adjacents à l’Assemblée et les solutions qui existent pour dormir quand on est un député éloigné de la capitale. Il aborde ensuite la question de l’argent avec ce qui n’est pas un salaire, mais une indemnité. Une partie de l’argent va directement dans les caisses du groupe parlementaire. Il faut aussi savoir que la somme allouée est à diviser entre le nombre de collaborateurs choisis. Certains frais sont pris en charge pour le député qui dispose par ailleurs d’une bibliothèque, de restaurants. Il faut toutefois aussi savoir que certains gagnaient parfois mieux leur vie avant. 

La question des lobbies 

La question de l’indépendance des députés est une question sensible, finement abordée par le cas d’Elsa Faucillon, une députée qui compte sur sa circonscription le groupe Thalès. Dès lors, comment se comporter vis-à-vis de cette entreprise ? Du côté de Thalès, où s’arrête la courtoisie et où commence le jeu d’influence ? Parfois, l’offensive est plus affirmée comme avec les cas évoqués d’amendements qui arrivent déjà tout écrits dans la boite mail du député ! 

Une mission d’information

Parmi les attributions d’un député, il peut y avoir celle de conduire une mission d’information. Le cas présenté ici est consacré au secteur de la pêche. L’auteur explique en quoi consiste exactement une mission d’information. Les députés Sébastien Jumel et Annaïg Le Meur se sont attachés à dresser un état des lieux de la pêche en France. On découvre au passage le rôle des administratrices, ces « petites mains » qui aident les députés à écrire le rapport. Elles travaillent sur plusieurs rapports à la fois. Une mission d’enquête se compose donc de visites sur place mais aussi d’auditions.

Le rôle des experts

Ecrire la loi est également un métier qui nécessite une certaine technicité que l’auteur montre à travers la figure de Charles de Courson. Surnommé le « député moine » par les médias, il est un pilier de la commission des finances. Quelques précisions indispensables donnent aussi à comprendre le poids du Parlement par rapport au gouvernement. En effet, sous la  XIV ème législature  soit de 2012 à 2017, seules 6 % des propositions de loi (texte soumis par un parlementaire) étaient adoptées contre 82 % des projets de loi (texte soumis par le gouvernement). Le travail se fait essentiellement dans les commissions ce qui n’est pas la partie la mieux connue du grand public.

En route avec Jean Lassalle

On quitte ensuite l’ambiance feutrée de l’Assemblée pour se rendre dans la permanence de Jean Lasalle. Ce député, haut en couleurs, apparait d’une grande sincérité dans le portrait qui est dressé de lui. Le dessinateur rencontre la mère du député qui lui fait gouter de nombreuses spécialités locales. On mesure aussi la popularité de Jean Lasalle en tournée dans les villages de sa circonscription. L’homme enchaine les kilomètres et parcourt tout son territoire.

Les gilets jaunes

L’auteur nous plonge ensuite dans l’épisode des gilets jaunes, dessinant ce qui se passe en province et un jour de manifestation à Paris. Eric Poulliat, député de la Gironde, raconte comment il a vécu ces moments et les tensions qui existaient au Palais Bourbon. 

Déontologie

La démission de François de Rugy est l’occasion de poser la question de la déontologie. Kokopello rencontre la déontologue de l’Assemblée nationale, un poste seulement créé en 2011. Sa mission est d’éviter que les députés se placent en position de conflit d’intérêts mais elle s’occupe également de vérifier les AFM ou avances sur frais de mandat. Les réseaux sociaux sont devenus un bon moyen de vérifier telle ou telle dépense des députés.

Les groupes d’études

Avec Jean-Christophe Lagarde et le nouvel an turc, c’est l’occasion d’expliquer ce que sont les groupes d’études. Les députés peuvent en créer sur le sujet qu’ils veulent et leur fonctionnement est plus souple que celui d’une mission d’information. Parmi les thèmes, on peut citer pêle-mêle un groupe d’étude sur la francophonie, les jeux vidéos mais on en dénombre plus d’une centaine au total. 

Maxime Minot, député de l’Oise 

A travers le cas de ce député, on mesure quelques dérives possibles liées au fait de  comptabiliser les interventions, les amendements ou les présences d’un député. En effet, ne pas être présent à l’Assemblée et donc à la télévision, ne signifie pas qu’on ne travaille pas, mais qu’on est peut-être en commission ou en rendez-vous de travail. Il faut aussi se frotter à l’exercice de la confrontation à la télévision car les chaînes d’information ont besoin de débatteurs.

Le rôle des questeurs 

L’ouvrage se termine en abordant un métier peu connu qui remplit pourtant une fonction essentielle, à savoir les questeurs. Ils sont là pour gérer le bon fonctionnement humain et matériel de l’Assemblée nationale. Au passage, on apprend qu’il n’ y a  eu que quatre femmes qui ont occupé cette fonction. Une misogynie plus ou moins insidieuse parcourt toujours la vénérable institution. 

A travers cet album, on découvre donc les multiples facettes du travail d’un député. On saisit aussi mieux combien le temps parlementaire n’est pas réglé sur le temps médiatique. De façon très pédagogique et très plaisante, Kokopello offre donc des clés de compréhension de l’Assemblée nationale.