Trois hommes, un point commun, ils ont fait un séjour dans la seconde moitié du XVIIIe siècle sur l’île de Gorée et en ont publié le récit.

A travers ces trois rencontres, Christian Schoenaers donne à voir l’île de Gorée en proposant de larges extraits des écrits du naturaliste Michel Andanson, du gouverneur Stanislas-Jean de Boufflers et de l’ingénieur militaire Sylvain Meinrad Xavier de Golbéry.

Michel Andanson

Le naturaliste publie en 1757 Voyage au Sénégal  dans lequel, contrairement aux témoignages de ses contemporains, il décrit l’île comme un éden.

L’auteur fait un portrait du voyageur, ses motifs de déplacement, les difficultés de son séjour, ses ambitions : décrire une Histoire naturelle du Sénégal dont il ne publia que le livre relatif aux coquillages1. A noter qu’Adanson nomme Niger, le fleuve Sénégal par exemple dans le récit d’une excursion à Podor comme dans les cartes qu’il établit.

Christian Schoenaers même à son analyse de nombreux extraits du Voyage au Sénégal. Il décrit la vie du naturaliste, ses relations avec les Blancs de la colonie sur l’île comme à Saint-Louis. Adanson semble n’avoir rien perçu des activités esclavagistes.

Michal Adanson est homme du XVIIIe siècle, dans l’esprit de « L’Encyclopédie » et des travaux de ses contemporains avec qui il correspond comme les frères Jussieu ou Cuvier.

Christian Schoenaers, plutôt bavard, évoque longuement les travaux sur les coquillages.

S’il parle peu des femmes, Adanson exprime une certaine sympathie pour la population noire, mais il n’est pas à l’abri des préjugés de l’époque. Il apprend le wolof et ses notes donnent des indications ethnographiques pleines d’intérêt. Dans son souci de description de la flore et de la faune de l’île il fait aussi un décompte de la population qui renseigne sur les signares , leur logis, les mulâtres mais aussi leurs esclaves de case.

Stanislas-Jean de Boufflers

Second personnage, Boufflers, gouverneur du Sénégal en 1786, poète, jeune collaborateur de « L’Encyclopédie » et auteur de contes philosophiques, est un homme des Lumières. Dans ses premiers écrits il fait un tableau tantôt noir tantôt édénique de cette île qui « n’a d’autre destination que de protéger la traite des Noirs et de servir d’entrepôt pour cette traite »2.

Christian Schoenaers décrit longuement cette alternance des sentiments de Boufflers selon qu’il associe les paysages à ses amours ou l’île à sa pauvreté. S’il narre les différents séjours à Gorée, il en fait une analyse plus littéraire des états d’âme qu’historique des « affaires » et travaux du gouverneur mais il est vrai que Boufflers, lui-même est disert sur ses maux, sa santé et celle de son entourage dont il dresse quelques portraits plus ou moins flatteurs.

S’il évoque les signares c’est pour se plaindre du célibat imposé aux Européens de la colonie.

Au détour des pages les esclaves sont présents, le gouverneur n’y prête pas un réel intérêt3. Aucun souci antiesclavagiste pour cet homme qui « achète en ce moment une petite négresse de deux ou trois ans pour l’envoyer à madame la duchesse d’Orléans »4.

Sylvain Meinrad Xavier de Golbéry

Contemporain de Boufflers sur l’île de 1785 à 1787, il est son ingénieur et premier aide de camp. Il rédige, de son séjour à Gorée, mais bien plus tard -1802) les Fragmens d’un voyage en Afrique.

Christian Schoenaers montre les descriptions précises de l’île5, il insiste sur la « méthode » Golbery qui organise chaque analyse en triptyque : la géographie de Gorée, les rois maures ou les catégories d’habitants.

Golbery s’est intéressé à la langue mais aussi au mode de calcul wolof en base 5. Il n’est pas « un théoricien de la supériorité ou de l’infériorité des races »6.
Sa description de l’île est professionnelle : les atouts défensifs. La description de la population, si elle manque de cohérence nous renseigne sur les statuts des Blancs comme des Noirs libres ou esclaves. Surtout Golbéry donne quelques éléments de la traite7. Il est le seul des trois « hommes des Lumières » à avoir une opinion réfléchie sur l’esclavage, position médiane entre esclavagisme et abolitionnisme8.

Le texte de Golbéry décrit aussi l’hôpital pour les « convalescens du Sénégal » qui viennent, à l’air marin, se remettre des fièvres du continent. Golbéry fait une longue description de l’hivernage et décrit aussi les soldats de la garnison et l’organisation de la défense de l’île.

Trois hommes, trois centres d’intérêt, trois textes pour une île symbole aujourd’hui de la traite négrière.

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1    Disponible à la BNF dan,s le me ouvrage que le Voyage

2   Extrait des Lettres d’Afrique , cité p. 129

3   Voir les extraits p. 190, 223

4   Cité p. 223

5   Long extrait décrivant le phénomène de la barre p. 253

6   Cité p. 262

7   Voir p. 277-278, 279

8   Voir un assez long extrait p. 280-281