Le livre est très déséquilibré entre un premier chapitre introductif et un très long second chapitre consacré au Sénégal
Le monde d’aujourd’hui – un problème de gouvernance mondiale
En quelques pages très générales l’auteur évoque les 60 dernières années pour un tableau de la mondialisation, de la politique du FMI et des choix énergétiques liés au changement climatique.
Le Sénégal aujourd’hui
– « Le Sénégal dans une Afrique qui se cherche » décrit la situation de l’Afrique subsaharienne face à deux pressions. L’une, endogène, est le poids de la pauvreté quand l’autre, exogène, découle de l’appétit pour ses ressources (minières, énergétiques) des pays développés ou émergents (Chine, Inde). C’est l’occasion d’évoquer les pistes de développement et les effets de la politique d’ajustement structurel, l’existence d’une croissance sans réduction de la pauvreté.
– La situation économique depuis l’indépendance est brossée rapidement en chiffres (PIB, endettement).
– Elle introduit la description des stratégies d’émergence définie à partir de 2000, en particulier : comment faire du Sénégal un atelier de production?
Ce paragraphe est une analyse rapide et élogieuse de la politique du président Abdoulaye Wade : promotion des « grappes » (agriculture, textile, NTICS, tourisme et artisanat), création d’entreprises et financement des infrastructures par PPP (Partenariat Public Privé).
C’est ensuite un long réquisitoire contre le Plan Sénégal Émergent du président Macky Sall.
Bien des aspects sont abordés en comparaison avec la situation dans d’autres états (Côte d’Ivoire, Maroc…) : le poids de la dette, la masse salariale des emplois publics dont beaucoup d’emplois « politiques », le faible rendement fiscal et en même temps la trop forte ponction fiscale sur les entreprises, la difficulté de l’État à soutenir l’activité économique, la question de la valeur du franc CFA, des taux bancaires dans un pays où 70% des entreprises appartiennent au secteur informel.
L’argumentaire présente beaucoup de chiffres, de données, d’éléments de comparaison mais au service d’un réquisitoire contre l’actuel ministre de l’économie comme si ces faits étaient nouveaux, par exemple les emplois « politiques » ou l’enrichissement des hommes politiques n’existaient pas sous Wade ; ce qui nuit à la qualité de la démonstration.
L’auteur dénonce le recours aux experts étrangers aux dépens des ressources intellectuelles locales. Il se fait le promoteur d’une économie de l’initiative privée, seule créatrice d’emplois, le défenseur du tissu économique local sur le modèle ivoirien ou marocain, dénonce l’aide liée chinoise mais refuse aussi toute politique sociale non conditionnée.
En matière agricole s’il prône le développement de l’irrigation sans la moindre réflexion sur les effets du changement climatique il considère comme anormal le prix de l’arachide garanti au producteur qui ne permet pas, selon lui, l’investissement rentable dans la transformation par les entreprises sénégalaises de l’agro-industrie..
Si son analyse des investissements en infrastructures comme l’autoroute à péages Ila-Touba semble pertinente quelques affirmations peuvent étonner : « Le ministre [de l’économie] Amadou Bâ n’a pas la compétence nécessaire pour gérer l’économie, c’est un inspecteur des impôts » (p 135), « Les meilleurs profils en matière de ministre de l’économie ce sont les banquiers » (p141), « Les entrepreneurs sont les maîtres de l’univers, ils façonnent le monde et orientent nos économies » (p 156).
L’auteur se perd ensuite, nous perd dans des considérations confuses sur l’intégration régionale (CEDEAO) qui n’est guère envisagée que sur des aspects politiques et sécuritaires et sur l’acte 3 de la décentralisation. Quant aux dernières pages sur la gouvernance c’est un discours partisan qui permet à l’auteur un hommage à ses père et mère et à Mamadou Dia.
Une analyse trop partisane et idéologique de l’émergence économique sénégalaise.