Voici les actes d’un colloque sur les espaces périurbains dont l’angle d’attaque mérite qu’on s’y attarde. Il s’agit de voir les espaces périurbains sous l’œil du photographe et de faire des espaces périurbains un objet d’étude à part entière. Cette posture de l’inventaire général du patrimoine culturel est d’autant plus nouvelle qu’« il nous a fallu vingt ans pour comprendre que nous étions en présence d’un entre-deux, entre la ville et le rural. » (p. 46). C’est pourquoi ont été réunis des experts de différents domaines (HIDA, géographie, sociologie, histoire, droit) afin de donner des pistes dans l’optique d’une recherche appliquée.

Depuis 2004 (loi du 13/08), les régions sont chargées de l’inventaire général du patrimoine culturel. L’inventaire est né en 1964 et a reçu la mission de « définir, connaître, valoriser, prendre en compte ». L’espace rural a été le principal objet d’étude jusque dans les années 1980, date où l’inventaire s’est rendu en compte que quelque chose était en train de changer du côté des paysages avec le périurbain : « (…), ce trivial entre-deux, de surcroît décrié depuis des siècles, qui séparent les « beaux » paysages urbains des « beaux » paysages ruraux » (p. 18)

Le volume s’ouvre sur une série d’articles généraux qui constituent un état de l’art de la question. Ces articles rappellent les grandes mutations qu’ont connues le périurbain et son étude en particulier. Mais, ce qui fait tout l’intérêt de cette partie est de proposer les textes d’historien de l’art, de géographe, de sociologue, d’historien et de juriste. Si on retient le propos du géographe (Laurent Cailly), on perçoit la complexité du périurbain, présentée ici avec beaucoup de justesse. « Ainsi, le rôle qu’exerce le périurbain dans le partage du travail métropolitain n’est ni simple ni univoque et est pour le moins éloigné du poncif d’une campagne-dortoir. » (p. 24) Il faut bien parler de périurbain au pluriel (comme en atteste d’ailleurs le titre de l’ouvrage) pour donner à voir ces espaces qui sont loin d’être monolithiques. Les sociologues ont eu du mal à passer outre la partition ville/campagne (sociologie urbaine / sociologie rurale) et ont délaissé le périurbain jusqu’au début des années 1990. La problématique des mobilités est centrale dans la prise de conscience de cet espace par eux. « Vivre dans le périurbain, c’est s’installer non seulement à la campagne, mais « dans le mouvement » comme l’écrit Jacques Donzelot (p. 33). Les historiens se sont, eux aussi, emparés tardivement de cet objet et ne l’ont pas nommés ainsi. Au moment où Annie Fourcot entame son étude sur les mal lotis en région parisienne, cet espace est devenu la banlieue alors qu’il était le périurbain pendant l’entre-deux guerres. Elle parle donc de banlieue au lieu du périurbain.

Les autres parties de l’ouvrage sont consacrées à des réflexions sur la mise en œuvre opérationnelle de la prise en compte du périurbain. La parole est donnée à des acteurs très divers (personnes travaillant au service de l’inventaire, à la direction de la prospective régionale, photographes, …). Certains textes sont assez arides car trop techniques ou institutionnels. L’ensemble est ponctué de pages couleurs qui présentent des travaux photographiques témoignant de la réflexion engagée par l’Inventaire.

Au final, l’ensemble offre une approche du périurbain très diversifiée, qui élargit le regard que les géographes peuvent poser sur cet espace. L’approche pluridisciplinaire apporte beaucoup à l’ensemble.

Catherine Didier-Fèvre ©Les Clionautes